Recycler 100% des plastiques : ambitieux ou juste irréaliste ?

par Matthieu JUBLIN
Publié le 7 mai 2019 à 18h43
Recycler 100% des plastiques : ambitieux ou juste irréaliste ?
Source : Thinkstock/curtoicurto

MIRAGE - En réaffirmant son objectif d'arriver à 100% des plastiques recyclés d'ici 2025, Emmanuel Macron fait-il fausse route pour protéger l'environnement ? Les experts du secteur y voient un projet louable mais intenable, et préféreraient un objectif de 100% des plastiques valorisés.

"Si le tri de nos déchets reste un geste précieux, ne nous laissons pas aveugler par le mirage du tout-recyclage, qui ne peut résoudre à lui seul le gros problème de gestion post-usage des déchets plastiques", prévenait dès janvier 2018 Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique) et professeure en sciences de l’aliment et de l'emballage. Un avertissement qui visiblement n'est pas parvenu jusqu'à l'Élysée : Emmanuel Macron a en effet réaffirmé lundi son objectif d'aboutir à 100 % des plastiques recyclés d’ici à 2025.

Si cet objectif n'est pas nouveau, il a été maintes fois critiqué par des experts du secteur qui, à l'image de Nathalie Gontard dans The Conversation, expliquent pourquoi le recyclage du plastique n'est "pas un sésame pour épargner à notre écosystème terrestre les méfaits potentiels de ses déchets, même s’il peut modestement contribuer à les retarder".

La France, mauvaise élève du recyclage et de la valorisation

Quelques chiffres pour saisir l'ampleur du problème sont nécessaire : un Français utilise (et donc jette) environ 70 kilos de plastique par an. Selon les chiffres de Mme Gontard, au niveau mondial, 35 à 50% de ces plastiques usagés sont dispersés de façon incontrôlée dans notre environnement, 20 à 40% sont regroupés dans des stations d’enfouissement, et "le quart restant est réparti entre recyclage et incinération". Dans ce quart, 9 à 14% sont incinérés pour être transformés en énergie (la valorisation énergétique) et 14% sont recyclés. Mais 4% sont perdus au cours du processus et redeviennent des déchets classiques, et 8% sont "recyclés en circuit ouvert, c’est-à-dire pour des applications différentes - par exemple, pour faire un pull qui une fois usé ne sera plus recyclable". Ce qui donne, à l'échelle mondiale, 2% des plastiques recyclés "en circuit fermé, c’est-à-dire récupérés pour produire un matériau utilisable comme un plastique neuf et indiscernable de ce dernier".

En France, selon les chiffres de 2016 fournis par PlasticsEurope, un organisme qui réunit les producteurs de plastiques, le taux de recyclage des plastiques est de 22% (contre 31% en Europe), et le taux de valorisation (qui inclut les plastiques recyclés et les plastiques transformés en énergie) est de 65% (contre 72% en Europe). Le pays se situe donc dans la moyenne basse, très loin des pays scandinaves ou de l'Allemagne, qui affichent des taux de valorisation de près de 100% et des taux de recyclage de 21 à 43%.

Les limites indépassables du recyclage

Ces chiffres permettent de constater qu'aucun pays européen n'affiche un taux de recyclage de plus de 50%. Pour recycler un plastique, il faut en effet le collecter, le trier, et le traiter pour qu'il soit de nouveau utilisable. Tout au long de cette chaîne industrielle, de l'énergie est consommée et des risques de pollution existent. Et tous les plastiques ne sont pas recyclables de la même manière, la plupart ne pouvant subir qu'un nombre limité de cycle. 

Contrairement au verre ou au métal, le plastique n'est donc pas infiniment recyclable, et il faut toujours en produire du neuf pour satisfaire la demande. "Seuls les plastiques de type bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate) - qui ne représentent qu'un pourcentage très faible des plastiques consommés - peuvent se plier aux contraintes du recyclage en boucle fermée et être régénérés pour une utilisation identique", précise Nathalie Gontard, pour qui le "taux de recyclage en boucle fermée peut théoriquement atteindre un maximum de 5 % des plastiques usagés".

Quelles alternatives aux bouteilles et sacs à base de plastique ?Source : JT 20h WE

Si l'on élargit le spectre aux plastiques recyclables un nombre limité de fois, on arrive à 50% des plastiques, selon Laura Châtel, chargée du recyclage des déchets plastiques chez l'ONG Zero Waste France. "Raisonner exclusivement en termes de recyclabilité n’est donc pas pertinent pour construire un modèle durable autour du plastique", explique-t-elle dans un entretien aux Echos. "Construire une économie circulaire signifie d’abord limiter la consommation de plastique afin de moins puiser dans les matières premières non renouvelables dont il dérive, notamment le pétrole. Sa production est, rappelons-le, très émettrice de CO2."

Quels objectifs tenables ?

Acteurs associatifs, scientifiques ou économiques semblent s'accorder sur le caractère irréaliste de l'objectif du gouvernement. "Plutôt que de viser 100 % de recyclage, notre vision est bien de viser 100% de valorisation des déchets plastique et 0% de mise en décharge", indiquait Hervé Millet, directeur des Affaires techniques et réglementaires Europe de l’Ouest de PlasticsEurope, en janvier 2018 dans Novethic, prenant ainsi exemple sur les pays européen qui y sont déjà parvenus.

Pour Nathalie Gontard, ainsi que Laura Châtel de Zero Waste, la clé se situe dans les comportements des consommateurs. "Il n’existe qu’une seule et unique solution : remettre à plat le cycle complet des matériaux plastiques dans un contexte plus général de bioéconomie circulaire, où le devenir des déchets sera un élément clé de nos choix de consommation", estime la première. Bouteilles, lingettes, rasoirs, suremballage... Les exemples ne manquent pas.


Matthieu JUBLIN

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