EDITO – Comment conciler les impératifs économiques avec l'urgence climatique ? Pour Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des Directeurs du Développement Durable, "les solutions existent pour faire autrement dans quasiment tous les domaines".
Il est facile de railler les promoteurs de la sobriété et du discernement. Il est plus difficile de proposer des alternatives crédibles pour concilier la diminution des pollutions avec le développement économique. Un des arguments préférés des adeptes de l’immobilisme est de considérer la France comme un bon élève dans le domaine de l’action écologique, car nos émissions de gaz à effet de serre correspondent à seulement 1% des émissions mondiales. Bah oui, pourquoi devrions-nous en faire plus alors qu’il y a plein de "vilains" pays pollueurs plus gros que nous, qui n’en font pas plus que nous ? Et jamais nous ne pourrons maintenir notre compétitivité si nous ne continuons pas à polluer nous aussi ! Vraiment ?
Inventer un nouveau modèle de développement
En réalité, la France aurait tout à gagner à montrer l’exemple et donc à incarner le changement que nous vous voulons voir dans le monde. Nous importons 99% des énergies fossiles que nous consommons, essentiellement pour les secteurs du transport, de l’agriculture, de l’industrie et du bâtiment. Pour cela, nous dépensons chaque année entre 40 et 65 milliards d’euros suivant les cours des énergies fossiles ! Plusieurs études relayées par le think tank The Shift Project indiquent que l’Europe manquera de pétrole dans la décennie à venir du fait de la déplétion des stocks mondiaux. Certains diront que ce type de prévisions a déjà été démentie par le passé. C’est vrai, mais les pétroles et gaz de schistes qui apportent actuellement un sursis ne sont pas non plus inépuisables. Et puis il y a surtout désormais la réalité bien perceptible des catastrophes climatiques du quotidien qui s’enchaînent, s’amplifient et qui incitent à la réflexion, avant de vouloir maintenir "quoi qu’il en coûte" une économie mondiale qui repose essentiellement sur notre capacité à émettre du carbone.
Nous sommes devant un choix simple. Ne rien changer ou si peu, alors chaque gramme de C02 émis nous rapprochera vers un emballement climatique qui fera passer l’épisode Covid actuel pour une anecdote de l’Histoire. Car il serait naïf de penser que tout ira bien pour l’économie et l’emploi sur une planète transformée en étuve dans les 30 ans à venir. Ou bien nous pouvons tout changer chez nous en concentrant notre énergie créatrice pour inventer un nouveau modèle de développement, tout en ayant le courage et la lucidité d’arrêter de subventionner et de promouvoir les activités écocides.
On attend quoi pour s’y mettre ?
Le second argument des allergiques au bon sens tient dans l’intensité sans précédent de la crise économique directement issue de la crise sanitaire que l’humanité traverse. Et qui évidement sert de repoussoir au nom de l’emploi, au changement de paradigme pourtant indispensable de notre modèle de consommation. Rétablissons l’économie "d’avant", puis nous nous occuperons de la crise climatique "après". Comme le dit Edgar Morin : "à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel". Notre absence de courage et d’anticipation, mais aussi notre fabuleuse capacité à procrastiner génèrent l’incohérence de nos décisions, mais aussi et surtout de l’indécision. A force de vouloir tout et son contraire, on finit par obtenir le contraire de tout.
Et pourtant les solutions existent pour faire autrement dans quasiment tous les domaines. Si notre beau pays consentait à accélérer le déploiement de ces solutions, nous serions à coup sûr un phare pour les autres Nations qui finiront elles aussi par se rendre à l’évidence. Un phare et une boussole pour exporter nos solutions ailleurs, avec la crédibilité de ceux qui utilisent eux-mêmes ce qu’ils veulent vendre aux autres. On attend quoi pour s’y mettre ? La prochaine tempête, canicule, sécheresse, incendie…. Pour réussir cette transition, l’écologie des solutions positives doit apparaître désirable aux yeux des partisans de l’inaction, qui ne voient dans ces solutions qu’une écologie punitive.
Pour arriver à cela, il va falloir mieux et plus expliquer, démontrer, se concerter, dialoguer, expérimenter et décider. Dès aujourd’hui, il est possible de manger, se déplacer, entretenir sa maison ou son appartement, se soigner, s’amuser, se vêtir, se distraire, partir en vacances, se divertir….autrement. Les solutions du monde d’après existent déjà mais elles ne sont pas encore assez connues et développées. Souvent, elles sont mêmes moins chères car elles intègrent la sobriété dans leur cahier des charges. Demain, d’autres solutions durables pour l’habitat, les transports de masse, l’agriculture vont émerger, il ne faudra pas chercher à les comparer avec le monde d’avant, car il n’y a pas de comparaison à faire entre la préservation de la vie et le choix de sa disparition.
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