Promouvoir les technologies "low tech" pour produire plus simplement et préserver les ressources

Publié le 11 février 2022 à 9h30
Promouvoir les technologies "low tech" pour produire plus simplement et préserver les ressources
Source : iStock

Partenaire du Prix Jeunes pour l’Environnement avec EpE, TF1 INFO vous éclaire pendant un mois autour de la thématique : "Quel rôle pour la tech dans la transition écologique ?"
Simples, durables, moins exigeantes en ressource et plus proches de la nature, les low tech proposent d’adoucir notre société et promettent un mode de développement plus sein.
Ces technologies deviennent pour beaucoup de spécialistes un impératif pour préserver la planète. Pourrions-nous généraliser ce modèle ?

"Beaucoup de voix s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie", affirmait Emmanuel Macron en décembre 2020. Devant un parterre de la French tech, à l’occasion du déploiement des premières antennes 5G, le président visait clairement les tenants des low tech, qu’il juge contraire à l’innovation. "On va tordre le cou de toutes les fausses idées. La France est le pays des lumières et de l’innovation", ajoutait-il encore, persuadé que ces technologies enrayent le développement et limitent la croissance.

Il faut pourtant garder en tête que le tout high tech, en vogue dans notre société, risque d’épuiser les ressources de notre planète. L’indicateur de l'empreinte matières (materialfootprint), élaboré par le Programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP-International Resource Pane), montre que l'extraction mondiale de matières a triplé depuis 1970. Nous pourrions même passer de 70 milliards de tonnes en 2010 à 180 milliards en 2050. Pire, l’industrie de la tech ne recycle ses métaux emblématiques (les terres rares, l'indium, le gallium ou le germanium) qu’à moins de 1 % à l'échelle mondiale. Ces métaux servant à concevoir les produits high tech s’épuisent et ces ressources pourraient même disparaître. Philippe Bihouix, ingénieur et auteur du livre "L’Âge des low tech", regrette le coût désastreux de nombreux objets de notre quotidien : "Nos smartphones en sont les meilleurs exemples. Ils sont faits de composants miniaturisés et de métaux rares mal recyclés. Ils disposent d’une incroyable capacité de calcul et de multiples fonctionnalités. Combien en utilisons-nous vraiment ?" L’ingénieur s’inquiète du comportement des utilisateurs des pays riches : "Nous changeons de téléphone bien avant qu’il ne risque de tomber en panne. Il faut stopper cette course en avant."

Les low tech se préoccupent des problèmes de ressources. Elles développent des technologies sobres pour simplifier l’utilisation et la conception des produits les plus durables possibles. D’après Philippe Bihouix, il faut impérativement se questionner sur nos besoins réels afin de développer des solutions qui fonctionnent moins grâce aux technologies. "Nous devons élaborer des outils minimisant l'énergie requise à la production et à l'usage, utilisant le moins possible de ressources et matériaux rares et n'infligeant pas de coûts cachés à la collectivité." La prise en main des objets doit se faire plus facilement, nous devons pouvoir les réparer et les réutiliser.

Comment passer du high au low tech ?

Les défenseurs des low tech critiquent notre société de l’abondance et de l’instantanéité. "Avons-nous vraiment besoin de la 5G dans un TGV juste pour regarder une série en 4K ?", s’interroge Philippe Bihouix. Dans son livre, l’ingénieur réclame des produits plus proches des consommateurs avec un minimum de technologie superflue. Il propose que l’État influence le comportement des utilisateurs en jouant sur la fiscalité : "Nous avons besoin davantage d’action publique à toutes les échelles territoriales. Il faut accélérer les réglementations pour interdire les voitures trop polluantes et supprimer les produits ultra-jetables." 

Les tenants des low tech proposent également de favoriser l’économie du réemploi. Pour eux, le consommateur doit d’abord dépanner son produit avant d’en racheter un nouveau. Ils suggèrent au législateur de mettre en place une TVA différenciée pour pénaliser les produits jetables et non-réparables. Ils déplorent qu’aujourd’hui, la réparation d’un lave-linge, par exemple, coûte plus que de le faire remplacer par un neuf. "Les ressources ne valent rien. Sur un iPhone, par exemple, les matières premières coûtent environ 2 € seulement. Nous ne payons que la main-d’œuvre", commente Philippe Bihouix.

Faut-il opposer high tech et low tech ?

Pour autant, difficile d’inciter nos concitoyens à baisser leur niveau de vie. Nous ne devons pas non plus transfigurer notre société. Même les supporters des low tech reconnaissent qu’elles ne peuvent pas couvrir l'ensemble de nos besoins actuels. Dans les zones ultra urbanisées, par exemple, hors de question d’utiliser des toilettes sèches, de se passer d'un système médical puissant, de compter chacun sur une petite éolienne pour gagner en autonomie énergétique, etc. Les industries de réseau en particulier (eau potable, assainissement, distribution de l'énergie, transports urbains), ne peuvent pas se passer d’high tech pour optimiser leur efficacité. La connexion des capteurs ou des vérificateurs de pompes d’eau en temps réel, pour ne citer que ces outils, reste indispensable pour assurer la sécurité et la santé de tous.

Christian Le Bas, Professeur d’Economie à la Lyon Business School, concorde : "C’est illusoire d’opposer high et low tech. Mais nous devons produire localement et favoriser les technologies low tech lorsqu’elles nous suffisent." Philippe Bihouix ajoute : "Nous devons travailler sur la sobriété des produits et services, consommer moins de viande, réutiliser des bâtiments vides les soirs ou les week-ends, etc. En produisant et en utilisant mieux, nous n’aurons pas à nous serrer la ceinture."

Vers de l’innovation frugale ?

Sans les opposer, un chemin intermédiaire existe et les combine. L’innovation frugale se concentre sur les fonctionnalités essentielles, avec une faible complexité technologique, tout en gardant un niveau de performance et de fiabilité élevé. Les produits deviennent plus simples, épurés et moins chers, sans perdre leur intérêt technologique. "Vous pouvez très bien avoir une voiture dite frugale avec un ordinateur de bord", rassure Christian Le Bas. "Mais le constructeur doit en limiter les fonctionnalités." L’économiste imagine même des fonctions définies presque sur-mesure. "Restons pragmatique, nous avons besoin des technologies pour nous déplacer, acheminer de l’énergie ou transporter des produits."

Optimiste, Christian Le Bas constate que dans son université, les étudiants prennent conscience des enjeux : "La sobriété écologique doit venir des individus." Quant à aller jusqu’à se passer de son smartphone, l’universitaire reconnaît que c’est une autre paire de manches.

Appel à projets !

Comme chaque année, Entreprises pour l’Environnement (EpE), LCI/TF1 et les sponsors du Prix lancent leur appel à projets pour le Prix Jeunes pour l’Environnement doté de plus de 15 000 €. Cette année, les moins de 30 ans sont invités à formuler des idées concrètes et inédites en répondant à la problématique suivante : "Tech et transition écologique -Du low-tech au high-tech, quelles technologies pour réussir ? Greentech, Agtech, Fintech, Biotech, Foodtech, Medtech, Tech4good… les appellations dans les métiers des technologies fleurissent, boostées par le dynamisme du secteur en pleine croissance. De plus en plus ancrées dans notre quotidien, les innovations technologiques offrent des nouveaux services aux sociétés mais leurs impacts environnementaux posent question. Le débat est maintenant largement ouvert : la transition écologique viendra-t-elle de la tech ou plutôt de changements de comportements et d’usages moins énergivores ? Entre durabilité du high-tech et désirabilité du low-tech, les avis de toutes les parties prenantes sont nombreux et contradictoires. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Envoyez vos idées inédites ou solutions concrètes pour concilier transition écologique et technologies : prix.epe-lci@epe-asso.org. Dépôt des dossiers jusqu’au 18 mars 2022. 

Pour plus de précisions, rendez-vous sur le site dédié.


Geoffrey LOPES

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