"Historique" : l'ONU signe un traité sans précédent sur la haute mer après 15 ans de négociations

Publié le 5 mars 2023 à 7h50, mis à jour le 5 mars 2023 à 18h16

Source : JT 13h WE

Les États membres de l'UE se sont mis d'accord samedi sur le premier traité international de protection de la haute mer.
Un texte historique, signé après des années de négociations tendues.
Il vise à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l'humanité.

Des années de discussions, d'importants revers... et finalement un accord. Les États membres de l'ONU se sont enfin entendus, samedi, pour mettre en place le tout premier traité international de protection de la haute mer. Un texte fondamental pour protéger cet espace menacé par le changement climatique et situé en dehors de toute juridiction. "Le navire a atteint le rivage", a annoncé la présidente de la conférence, Rena Lee, au siège de l'ONU à New York samedi peu avant 21h30 (02h30 GMT), sous les applaudissements nourris et prolongés des délégués.

Ce traité intervient après plus de 15 ans de négociations, dont quatre de négociations formelles, qui auraient dû se terminer en 2020, mais ont connu d'importantes difficultés. Finalement, la troisième "dernière" sessions à New York aura été la bonne, ou presque. Car les délégués ont finalisé le texte au contenu désormais gelé sur le fond, mais il sera formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l'ONU.

Pour le moment, le contenu exact du texte n'a pas été dévoilé, mais les militants l'ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité. "C'est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé, la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique", a déclaré Laura Meller, de Greenpeace. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un de ses porte-paroles, qui a déclaré que cet accord est une "victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd'hui et pour les générations à venir".

"C'est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique", a déclaré Laura Meller, de l'ONG Greenpeace.

Près de la moitié de la planète

La haute mer est un espace qui commence où s'arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à un maximum de 200 milles nautiques (370 km) des côtes. Même si elles représentent plus de 60% des océans et la moitié de la planète, ces eaux internationales ne sont sous la juridiction d'aucun pays et n'appartiennent à personne. De fait, elles ont longtemps été ignorées dans le combat environnemental au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques. Pourtant, la haute mer est d'une importance capitale pour la préservation de la biodiversité et la régulation du climat, via des écosystèmes qui fournissent la moitié de l'oxygène que nous respirons et absorbent une quantité importante du CO2 émis par les activités humaines. 

Mais face au changement climatique, les océans s'affaiblissent, victimes du réchauffement, des pollutions en tout genre et de la surpêche. Le nouveau traité signé samedi 5 mars vise ainsi à mieux protéger cet espace, en créant des aires marines protégées dans les eaux internationales. Environ 1% seulement de la haute mer fait l'objet de mesures de conservations, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger d'ici 2030 30% des terres et des océans de la planète, comme s'y sont engagés l'ensemble des gouvernements de la planète en décembre.

Le traité sur "la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale" introduit également l'obligation de réaliser des études d'impact sur l'environnement des activités envisagées en haute mer.

La question brûlante des bénéfices

Si ce texte a pu être signé, c'est aussi parce que les pays de l'ONU ont pu s'entendre sur la question capitale, et hautement sensible, du partage des bénéfices concernant les ressources marines génétiques collectées en haute mer. Des organismes, qui peuvent aller des virus aux bactéries et à des animaux plus imposants, et qui représentent un enjeu de taille, notamment pour la recherche médicale - certains organismes étant utilisés dans les études contre le cancer ou la maladie d'Alzheimer - mais aussi pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques. 

Un marché qui a représenté, en 2017, près de 3,8 milliards d’euros, qui ont principalement profité aux pays développés, disposant des technologies nécessaires pour descendre dans des profondeurs importantes, face aux pays en développement, qui n'ont pas les moyens de financer ces expéditions et recherches très coûteuses. Ces derniers demandaient donc des compensations financières pour l'utilisation et la commercialisation de ces organismes génétiques - qui n'appartiennent à personne - ce qui a longtemps été refusé par des pays comme les États-Unis, le Canada ou encore les États européens qui militaient eux pour une compensation technologique. 

Pour dépasser cette nouvelle opposition Nord-Sud, l'Union européenne a promis, à New York, 40 millions d'euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en oeuvre initiale. Reste à voir si ces belles promesses seront suffisantes. Car le chemin est encore long avant de voir ce nouveau traité en vigueur. Avant qu'il puisse être appliqué, il faut qu'il soit formellement adopté, signé puis ratifié par suffisamment de pays. Si le processus est en bonne voie, dans ce dossier, les rebondissements ont été nombreux. 


Annick BERGER

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