Quatre questions sur le projet européen qui veut labelliser "vertes" certaines centrales nucléaires et à gaz

ML (avec AFP)
Publié le 2 janvier 2022 à 16h34

Source : JT 20h WE

ÉNERGIE - Une proposition de texte prévue par Bruxelles prévoit d’inclure "certaines activités de gaz et de nucléaire" dans sa taxonomie verte. Mais le projet ne remporte pas l’adhésion de tous les membres de l’Union Européenne.

Quelques mois après la COP26, sommet au cours duquel les pays se sont engagés à limiter la hausse des températures à 1,5 °C en novembre dernier, l’Union Européenne se penche sur les énergies et souhaite labelliser comme écologiques certaines productions de gaz et de nucléaire. Un projet très attendu par les centrales concernées, car il pourrait faciliter le financement d’installations destinées à lutter contre le changement climatique. 

Selon plusieurs sources contactées par l’AFP, la proposition de texte, débattue depuis plusieurs mois déjà, a été envoyée aux États membres le 31 décembre, peu avant minuit, bien qu’elle reste encore provisoire. La Commission a quant à elle confirmé dans un communiqué qu’elle "a commencé des consultations hier (vendredi) sur un projet de texte" permettant d'inclure "certaines activités de gaz et de nucléaire" dans sa taxonomie verte. 

La proposition assure ainsi que le gaz et le nucléaire sont essentiels pour parvenir à effectuer la transition vers une énergie plus propre, mais ce n’est pas l’avis de tous les membres de l’UE.

Que prévoit ce texte ?

Inscrit dans l'objectif de neutralité carbone de l'UE en 2050, conformément à l’accord de Paris, ce projet prévoit des critères pour définir des investissements dans des centrales nucléaires ou à gaz dits "durables". L’objectif est d’orienter des investissements privés vers les activités qui seraient les plus à même de réduire efficacement l’émission de gaz à effet de serre tout en produisant de l’électricité. 

"Il est nécessaire de reconnaître que les secteurs du gaz fossile et de l'énergie nucléaire peuvent contribuer à la décarbonisation de l'économie de l'Union", indique la proposition de la Commission, relève la BBC.

S’ils entrent dans ces critères, les projets concernés pourraient voir leurs coûts de financement baisser, une aubaine pour les États, comme la France, qui veulent renforcer leur parc nucléaire et plus largement investir dans de telles productions. Mais toutes les centrales ne seront pas labellisées "vertes" : seules certaines peuvent prétendre entrer dans cette taxonomie. 

Quels seront les critères à remplir pour accéder à ce label ?

La proposition de Bruxelles fixe plusieurs conditions à l'inclusion du nucléaire et du gaz dans cette labellisation, notamment une limitation dans le temps. Pour la construction de nouvelles centrales atomiques, les projets devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Quant aux travaux permettant de prolonger la durée de vie des centrales déjà existantes, ils devront avoir été autorisés avant 2040.

Les centrales doivent aussi proposer des garanties en matière de traitement des déchets et des installations nucléaires en fin de vie doivent par ailleurs être démantelées.

Concernant le gaz, qualifié de "source d'énergie de transition", les investissements seront reconnus "durables" pour des centrales émettant peu de CO2 à savoir sous le seuil drastique de moins de 100 g de CO2 par kWh, fixé par la Commission. Un niveau fixé par la Commission mais inatteignable avec les technologies actuelles selon des experts.

Toutefois, les centrales bénéficieront d’une période de transition pour se mettre dans les clous : celles obtenant leur permis de construire avant le 31 décembre 2030 verront ce seuil relevé à 270 g de CO2 par kW. À condition de remplacer des infrastructures existantes beaucoup plus polluantes et de répondre à une série de critères spécifiques.

Comment les pays européens accueillent-ils le texte ?

Bien que la charte soit exigeante et limite le nombre de centrales pouvant prétendre produire de l’énergie verte, elle divise les membres de l'UE. Certains l’attendaient de pied ferme, comme la France, qui veut renouveler son parc nucléaire et y voit une aubaine stratégique. À ses côtés, des pays d'Europe centrale, comme la Pologne ou la République tchèque, qui doivent remplacer leurs centrales à charbon très polluantes, réclamaient aussi un tel texte.

Ces défenseurs du texte font valoir que les énergies renouvelables, comme l’éolien et le solaire, déjà labellisées par la Commission, ne produisent de l’électricité que de façon intermittente et estiment qu’elles ne permettront pas, à elles seules, de répondre aux besoins.

À l'inverse, des écologistes s'opposent à cette reconnaissance, car les centrales à gaz émettent du CO2, même si les critères sont limitants, et les centrales nucléaires produisent de déchets radioactifs. Un petit groupe de pays dont l'Autriche et le Luxembourg, menés par l'Allemagne, a bataillé pour exclure l'atome. Le projet de la Commission d'inclure le gaz et le nucléaire dans la taxonomie est "une erreur", a réagi la ministre allemande de l'Environnement, Steffi Lemke, auprès du groupe de médias Funke.

La technologie nucléaire "qui peut entraîner des catastrophes environnementales dévastatrices - en cas d'accidents graves - et (...) laisse derrière elle de grandes quantités de déchets hautement radioactifs et dangereux, ne peut pas être durable", a-t-elle déclaré. Une position rejointe par la ministre autrichienne de l'Environnement, Leonore Gewessler, qui a décrit le nucléaire comme "une énergie du passé", "trop onéreuse et trop lente" pour lutter contre le changement climatique à ses yeux.

Quand pourrait-il entrer en vigueur ?

Pour faire remonter ce type de contestations, les États membres et des experts consultés par la Commission ont désormais environ deux semaines pour réclamer des modifications à ce document. La publication du texte final est attendue à la mi-janvier, pour une mise en application en 2023, selon la BBC. 

Ensuite, durant une période de quatre mois, le Parlement européen aura la possibilité de le rejeter par un vote à la majorité simple. Le texte pourrait aussi être débouté par le Conseil européen qui pourrait théoriquement aussi s'y opposer, mais il lui faudrait pour cela réunir 20 États membres, un objectif bien difficile à atteindre.


ML (avec AFP)

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