Que restera-t-il des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 13 décembre 2020 à 20h23, mis à jour le 14 décembre 2020 à 14h18

Source : TF1 Info

BILAN - Emmanuel Macron doit rencontrer lundi les membres de la Convention citoyenne pour le climat, pour beaucoup déçus de ne pas voir toutes leurs propositions retenues. LCI fait le point sur ce qu'il va rester de leurs longs mois de travail.

Pour la troisième fois depuis le début de l'année, Emmanuel Macron va rencontrer lundi les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat lors de la tenue, à Paris, du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Selon son entourage, ce sera l'occasion d'une "discussion franche et directe", alors que des tensions se font sentir à propos du rabotage de certaines de leurs  propositions. Ni le "comité de gouvernance" de la CCC, ni les "garants", dont le réalisateur et militant écolo Cyril Dion avec qui le chef de l'État a récemment  échangé des piques, ne seront présents. La rencontre, à l'initiative de  l'Élysée, n'entre en effet pas dans le processus prévu de la convention. À partir de 17 heures, le président "les écoutera, leur répondra et pourrait annoncer les derniers arbitrages" avant la présentation à l'Assemblée nationale du projet de loi climat attendue fin janvier. D'ici cette présentation, que reste-t-il des propositions émises par les 150 citoyens ?

Trois propositions retoquées en juin

Après neuf mois de travail acharné, et alors que beaucoup des citoyens tirés au sort ne s'intéressaient que de loin à l'écologie, 149 propositions visant à réduire d'au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France "dans un esprit de justice sociale" ont été mises sur pied. Fin juin à l'Élysée, le chef de l'État s'est engagé à reprendre "sans filtre" 146 des propositions initiales de la CCC. "Je m'y étais engagé, je tiens parole : 146 propositions sur les 149 que vous avez formulées seront transmises soit au gouvernement, soit au Parlement, soit au peuple français", avait-il déclaré depuis les jardins de l'Élysée. 

Trois d'entre elles avaient donc été retoquées : l'ajout d'un alinéa dans le préambule de la Constitution défendant la préservation de l'environnement ("La conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité"), la taxation des dividendes à 4% pour financer la transition écologique et l’abaissement de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute pour réduire les émissions des gaz à effet de serre.

Huit nouvelles mesures édulcorées ou supprimées au cours des mois suivant

Quelques mois plus tard, la liste des propositions que le gouvernement est disposé à appliquer s'est cependant à nouveau réduite, au gré des déclarations des ministres et du président. Huit d'entre elles ne seront pas retenues ou seront modifiées. La première concerne la 5G. La Convention citoyenne proposait "d'instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat". Le 14 septembre, Emmanuel Macron a déclaré devant un parterre d'entrepreneurs du numérique que la France allait "prendre le tournant de la 5G parce que c'est le tournant de l'innovation", a-t-il lancé, ajoutant ne pas croire que "le modèle amish permette de régler les défis de l'écologie contemporaine".

La Convention citoyenne souhaitait aussi voir interdire les liaisons aériennes intérieures lorsqu'une alternative bas-carbone était disponible pour réaliser le même trajet en moins de 4h. Le gouvernement a réduit ce temps à 2h30. "C’est déjà pas mal, mais ça réduit la portée de notre mesure car beaucoup de trajets ne vont pas être impactés", affirmait ce dimanche à LCI Grégoire Fraty, membre de la convention et coprésident de l'association "Les  150", qui rassemble la majorité des participants. Concernant l'interdiction de la construction de nouveaux aéroports et des extensions, l'exécutif a précisé qu'"il y aura des extensions sobres quand c'est nécessaire". 

Pour limiter les voyages en avion était aussi proposée l'augmentation de l'"éco-contribution" kilométrique pour ce mode de transport. Sur LCI le 21 septembre, le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a balayé cette proposition, estimant qu'elle aurait "des conséquences délétères".

Souhaitant pousser le mode de circulation ferroviaire, les citoyens avaient d'autre part voulu réduire la TVA sur les billets de train de 10% à 5,5%. Lors d'une interview sur BFMTV le 30 juin, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'y est publiquement opposé. Il s'est également dit "réservé" sur la proposition de réguler la publicité sur les produits très polluants.

En juin également, l'ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a retoqué la proposition de créer un crime d'écocide. "Pour que notre vie commune puisse fonctionner, il faut concilier droits et libertés. Si vous dites qu’au-dessus de cette conciliation, il y a un principe supérieur, qui est la protection de l’environnement, cette conciliation devient viciée", avait-elle déclaré sur France Inter.

Enfin, pour freiner la vente des véhicules lourds, de plus en plus nombreux dans le parc Français, les citoyens tirés au sort souhaitaient voir taxer tous ceux dont le poids dépasse 1,4 tonne. Le gouvernement a choisi de n'appliquer ce malus qu'à ceux de plus de 1,8 tonnes. "On passe de 30% des véhicules concernés à 2%. Nous sommes très déçus", déplore Grégoire Fraty. 

"A peu près 40%" des propositions retenues pour le projet de loi

Interviewé sur Public Sénat, le coordinateur de la France Insoumise Adrien Quatennens estimait le 8 décembre qu'un tiers des propositions de la CCC  étaient soit "reportées aux calendes grecques, soit ajournées pour le moment". La veille, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili avait affirmé sur Europe1 qu'"à peu près 40%" des propositions de la Convention citoyenne sur le climat (CCC) figureront dans le projet de loi climat.

Certains membres de la CCC sont donc déçus et expriment leur mécontentement. "Ce n'est pas possible de traiter notre Convention comme ça. À quoi servent nos travaux s'il n'y a pas de volonté politique derrière ?", déplore auprès de l'AFP Isabelle Robichon. Plus mesuré, Grégoire Fraty, lui, dresse un bilan "mi-figue mi-raisin" à LCI. "Le travail de la Convention citoyenne pour le climat a été pris en compte, quoi qu’il arrive. Nous avons mis le débat sur la table. Nous ne gagnons pas tout, mais nos mesures sont discutées et certaines arrivent même à passer", déclare-t-il

 Le coprésident de l'association "Les 150", espère que la rencontre de lundi, avec Emmanuel Macron, permettra d'obtenir des réponses sur les derniers arbitrages, tels que la régulation de la publicité pour réorienter la consommation sur des produits plus vertueux sur le plan climatique, et l’obligation de rénovation des passoires énergétiques pour les copropriétés, bailleurs sociaux et privés dès 2030. Cyril Dion, qui a lancé une pétition en ligne pour "sauver la CCC" avec plus de 400.000 signatures en trois semaines, espère que la réunion pourra "encourager le président à revoir ses ambitions à la hausse". Le projet de loi doit aboutir d'ici l'été 2021. 

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Cinq ans après la sortie de son livre « Comment tout peut s’effondrer », Pablo Servigne se justifie encore : « L’objectif n’a jamais été de faire peur à tout le monde ou de prouver que tout est foutu, bien au contraire », écrit-il dans son dernier opus, publié aux Liens qui Libèrent avec la revue Imagine Demain Le Monde. Il a également répondu aux reproches qui lui avaient été faits, dont celui de ne pas parler des causes des effondrements. 


Charlotte ANGLADE

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