Le Giec a publié lundi un nouveau rapport accablant retraçant la brutalité et la rapidité du réchauffement climatique.Le monde a encore une chance d'éviter le pire mais la fenêtre devient de plus en plus étroite, alertent les experts.
Le monde au bord du précipice. Dans un nouveau rapport publié ce lundi 4 avril, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) appelle à une prise de conscience rapide des entreprises, dirigeants et citoyens pour que la planète reste "vivable". Sans une réduction "rapide, radicale et le plus souvent immédiate" des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, l'humanité court à la catastrophe. Voici les grands chiffres qu'il faut retenir de ces travaux.
3,2°C
Le rythme d'augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère entre 1900 et 2019, largement liée aux énergies fossiles, est au moins dix fois plus élevé que lors de n'importe quelle autre période des 800.000 dernières années. Pire, la concentration de ce gaz dans l'atmosphère n'a jamais été aussi élevée depuis plus de 2 millions d'années.
Dans l'état actuel des choses, les promesses "creuses" entraînent le globe vers un réchauffement désastreux de 3,2°C d'ici à la fin du siècle. La situation serait à peine meilleure (montée du mercure de 2,8 degrés) si les engagements pris par les gouvernements lors de la COP26 (conférence annuelle pour le climat de l'ONU) étaient tenus. "Nous sommes à un tournant. Nos décisions aujourd'hui peuvent assurer un avenir vivable", insiste le patron du Giec, Hoesung Lee.
3,3 à 3,6 milliards
D'ores et déjà, les conséquences dévastatrices du changement climatique sont devenues une réalité partout sur la planète. Ainsi, 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont désormais "très vulnérables", soit près de la moitié de l'humanité. Sécheresse, canicules, tempêtes, inondations, pénuries d'eau... les catastrophes naturelles se multiplient à une vitesse effrénée ces dernières années. Et ce n'est probablement qu'un début.
Pour ne rien arranger, les flux de population - à commencer par l'exode de centaines de milliers de personnes - sont amenés à se multiplier avec la montée du niveau des océans. Même si le réchauffement est limité à +2°C, ce qui semble de plus en plus utopique, il pourrait gagner environ 50 cm au XXIe siècle (et près de 2 mètres d'ici à 2300).
2025
Les experts l'assurent : pour éviter la catastrophe, il faut agir fortement et surtout rapidement. Ainsi, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas sensiblement réduites d'ici à 2030, l'objectif de 1,5°C sera "hors de portée". Mais alors que la trajectoire actuelle entraîne le monde vers un réchauffement de plus de 3°C en 2100, tenir l'objectif des +2°C semble déjà presque inenvisageable. Pour cela, il faudrait réduire, chaque année de 2030 à 2050, les émissions comme en 2020, année exceptionnelle où une bonne partie de l'économie mondiale s'est arrêtée en raison du Covid-19.
Pour tenter de limiter la casse, et ne pas dépasser +2,5°C, les émissions de gaz à effet de serre devront atteindre leur pic en 2025. Mais une telle perspective parait improbable, la trajectoire étant repartie à la hausse dès 2021. Dans les cinq années suivantes, ces mêmes émissions devraient être réduites de près de moitié par rapport à leur niveau pré-pandémique de 2019.
36 à 45%
Selon le Giec, les ménages avec les 10% des plus hauts revenus dans le monde - dont les deux tiers vivent dans des pays développés - représentent à eux seuls entre 36% et 45% des émissions totales de gaz à effet de serre.
En outre, les émissions liées au mode de vie des classes moyennes et défavorisées des pays développés sont de 5 à 50 fois plus élevées que celles de leurs homologues dans les pays en développement, alertent les experts.
Ce sont donc les pays les plus aisés qui doivent fournir les efforts les plus importants pour inverser la trajectoire actuelle qui mène la planète à la catastrophe.
60% et 70%
Dans son rapport, le Giec détaille une série de mesures à prendre pour enrayer le cycle infernal. En premier lieu, l'utilisation des énergies fossiles doit être drastiquement réduite d'ici à 2050. Sans capture de carbone - une technologie encore non mature à grande échelle -, le charbon devrait être totalement abandonné avant cette échéance. De même, les usages du pétrole et du gaz doivent être abaissés de 60% et 70%, respectivement. Tenir +2°C suppose que 30% des réserves de pétrole, 50% de celles de gaz et 80% des celles de charbon ne soient pas utilisées, résument les experts.
En 2050, la "quasi-totalité de la production mondiale d'électricité devant provenir de sources zéro ou bas-carbone", assènent les scientifiques dans leur rapport. Pour l'heure, les renouvelables et énergies peu carbonées - dont le nucléaire et l'hydroélectricité - représentent 37% de la production électrique mondiale. Malgré une explosion des énergies photovoltaïque et éolienne - respectivement de 170% et 70% - entre 2015 et 2019, elles ne représentent que 8% de la production électrique mondiale.
40 à 70%
En outre, l'efficacité et la sobriété énergétique pourraient permettre de réduire, de 40 à 70% d'ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre. Cela signifierait une action directe sur la demande en énergie et la consommation de biens et services - développement des mobilités douces, des véhicules électriques, du télétravail, amélioration de l'isolation des bâtiments, diminution des vols en avion. "Disposer des politiques publiques, des infrastructures et de la technologie pour rendre possibles les changements dans nos modes de vie et nos comportements [...] offre un important potentiel (de réduction) inexploité", souligne Priyadarshi Shukla, un des coprésidents du groupe de travail du Giec.
21
Enfin, le Giec préconise de museler les émissions de méthane, gaz à effet de serre à la durée de vie bien plus courte que le CO2 mais 21 fois plus puissant. Ce gaz - dont la majeure partie des émissions provient des fuites dans la production d'énergies fossiles et de l'élevage animal - serait à l'origine de près d'un cinquième du réchauffement.