Réchauffement des mers : comment des poissons de la mer Rouge colonisent la Méditerranée

Publié le 13 juillet 2022 à 18h21

Source : JT 20h WE

Alors que l'Europe est touchée par une nouvelle vague de chaleur, les effets sur la Méditerranée sont importants.
En ce mois de juillet, la mer affiche des températures 4 à 5 degrés au-dessus des normales.
Une situation qui bouleverse les écosystèmes.

Des pointes à 40 degrés dans le sud de la France, un thermomètre qui grimpe jusqu’à 44 degrés en Espagne… les fortes chaleurs qui touchent l’Hexagone et l’Europe depuis le mois de mai font des ravages. Si ces épisodes sont difficiles à supporter pour les citoyens, ils le sont également pour la mer Méditerranée. En ce mois de juillet, la grande bleue est ainsi quatre à cinq degrés plus chaude qu’à son habitude. 

"Les vagues de chaleur marines durent plus longtemps que les vagues de chaleur sur terre, elles peuvent ainsi s'étendre sur un mois, quelques mois, voire même, de temps en temps, plusieurs années. Depuis début juin, la Méditerranée a vu sa température augmenter et la nouvelle canicule qui s'annonce ne va pas améliorer les choses", détaille Laurent Bopp,  chercheur du CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique. Des épisodes aux conséquences importantes pour la biodiversité marine. 

"Les perturbations sont visibles, les scientifiques, dans les rapports du Giec, ont déjà alerté sur le fait que la moitié des espèces marines étudiées se déplacent vers les pôles pour trouver des niches thermiques qui correspondent à leurs propriétés. Mais en Méditerranée, se déplacer est plus compliqué et elles atteignent plus rapidement une frontière, d'où notre inquiétude", détaille le chercheur.

L'invasion des espèces lessepsiennes

"Une des premières vagues de chaleur marines étudiées est celle de 2003 en Méditerranée qui était liée à la canicule de la même année. La situation est similaire et à l'époque, nous avons observé des effets très importants, surtout sur les espèces qui ne peuvent pas migrer ou se déplacer comme le corail rouge ou les gorgones", détaille le chercheur. Le risque est ainsi de voir  changer les écosystèmes de la mer avec la disparition d'espèce historiques au profit d'autres espèces invasives.

Par exemple, depuis quelques années, on voit apparaître en Méditerranée des espèces de poissons et d'algues tout droit sorties... de la Mer Rouge. Les espèces dites lessepsiennes - du nom de Ferdinand de Lesseps, consul français en Égypte à l'origine de la création du canal de Suez - profitent en effet du passage procuré par le canal combiné au réchauffement de la Méditerranée pour s'implanter tout autour de nos côtes. 

Une étude publiée en 2021 pointait ainsi la colonisation de la grande bleue par le Pteroïs iles, un poisson venimeux de la Mer Rouge déjà présent en majorité dans le bassin est de la Méditerranée, ou encore par la Rhopilema nomadica, une méduse toxique qui est régulièrement rencontrée sur les côtes israéliennes. La dangereuse algue rouge invasive Lophocladia lallemandii a également profité de ces conditions pour coloniser les côtes continentales françaises.

La mer se réchauffe plus vite que l'océan

En 2013, selon un rapport du Centre de synthèse et d'analyse sur la biodiversité, les espèces de la mer Rouge constituaient ainsi plus du quart des captures dans l'est de la Méditerranée et certaines espèces commençaient à s'implanter jusqu'en Méditerranée de l'Ouest. "De plus en plus d'espèces se répandent dans la mer par l'effet combiné de l'ouverture du Canal et du réchauffement climatique. Ces nouvelles espèces prennent la place des espèces habituelles et modifient les écosystèmes de la Méditerranée", détaille Laurent Bopp.

Un phénomène qui pourrait encore s'accélérer à l'avenir : "La mer se réchauffe trois à quatre fois plus vite que l'océan et les études montrent que sur les 20 ou 30 dernières années, les vagues de chaleurs ont été plus longues et plus fréquentes", alerte le chercheur.


Annick BERGER

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