En quelques décennies, le maïs s'est imposé dans le pays, devenant aujourd'hui la seconde production française.Cette culture d'été offre des rendements conséquents et rapides, mais nécessite aussi beaucoup d'irrigation.Face au réchauffement climatique, qui accentue les sécheresses, les experts appellent à limiter les parcelles lui étant dédiées, sans pour autant les bannir complètement.
À l’heure où l’eau et son usage se retrouvent de plus en plus au cœur de conflits, c’est une culture souvent pointée du doigt. Réputé gourmand en irrigation, le maïs représente aujourd’hui une large part des surfaces cultivées en France. Originaire du Mexique, cette plante tropicale a rapidement gagné du terrain en quelques décennies. À tel point qu'elle s’est hissée au deuxième rang de production agricole française, juste derrière le blé. Et l’Hexagone en est devenu le premier exportateur européen.
Cultivé depuis le 17e siècle dans le pays, le maïs accélère son implantation sur notre sol à compter des années 1960 dans le sud-ouest, une région chaude et humide, propice à son développement. "Les cultures étaient alors peu irriguées, la pluie suffisait", rembobine auprès de TF1info l'agronome et géographe Thierry Ruf, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Après des travaux d'hybridation, "le maïs a été peu à peu intégré dans le schéma d’intensification agricole des années 1970 et 1980, et est remonté vers le nord".
Près de 20% de la consommation d'eau française
Si cette plantation convainc rapidement, c’est qu’étant une culture d’été, "elle correspondait à un creux dans les usages des sols", explique le spécialiste. Mais c’est aussi une plante "très efficace", à la production rapide. Son cycle est court : semé en avril, le maïs peut être récolté en septembre, soit un intervalle deux fois plus court que pour le blé, semé à l’automne et récolté en juillet. Les rendements sont également avantageux. Ceux-ci varient d’une année sur l’autre, mais pour prendre l'exemple de la période 2017-2021, ils ont grimpé à environ 94 quintaux par hectare pour le maïs grain, contre quelque 73 quintaux pour le blé tendre sur la même période, d'après l'Agreste, le service statistique du ministère de l'Agriculture.
En France, les parcelles se découpent entre ce maïs grain, destiné à l’alimentation animale et l’industrie de transformation, le maïs fourrage servant à alimenter les bovins laitiers plus spécifiquement, et le maïs doux, pour l’alimentation humaine. Sous toutes ces formes, on enregistre 2,8 millions d’hectares de maïs dans le pays, selon les derniers chiffres de 2021. "Cela représente quelque 20% des surfaces agricoles en général", explique Nicolas Baghdadi, analyste d'images spatiales au sein de l'Inrae. "Le chiffre tombe à 11% si l’on considère plus globalement toute la surface agricole utile, en incluant les prairies, les vergers et les vignes."
Mais plus que la surface occupée, c'est surtout la consommation en eau de la plante qui est souvent sous le feu des critiques, puisqu’elle a besoin d'être arrosée en juillet et en août, période où les déficits sont les plus marqués. "Lorsque le maïs a été intégré à un schéma productiviste, les promoteurs de la grande agriculture irriguée s’en sont donnés à cœur joie. Ça a été au-delà du raisonnable", constate Thierry Ruf, déplorant des cultures "hégémoniques". À l’heure actuelle, environ 18% de l’eau consommée en France est dédiée à la culture de maïs, comme nous vous l’expliquions dans cet article. La plante, hors fourrages, représente aussi 32% des surfaces agricoles irriguées, selon l'Agreste.
De moins en moins adapté face au changement climatique ?
Mais il faut tout de même noter que certaines cultures sont plus gourmandes en eau que le maïs. Seulement, elles sont moins représentées parmi les parcelles françaises. Ainsi, 34% des surfaces de maïs étaient irriguées en 2020, contre 40% pour le soja ou plus de 60% pour les surfaces de légumes. L’apport en eau dépend aussi largement des zones où le maïs est implanté. "En Occitanie est par exemple, où il pleut rarement, les champs sont arrosés tous les cinq jours, alors qu’à l’ouest de la région, où l’on compte davantage de précipitations, on n’arrosera pas plus de quatre ou cinq fois pour une saison", illustre Nicolas Baghdadi.
Et le changement climatique rebat les cartes, en accélérant la fréquence des périodes de sécheresse. L’an passé, ce sont surtout les cultures de maïs qui ont été pénalisées par le déficit historique d'eau : la production avait chuté de 20% environ par rapport à la moyenne des années précédentes. La récolte du maïs grain a même été la plus faible depuis 1990, selon l’Agreste.
"Changer de modèle"
Pour éviter ce scénario, Thierry Ruf plaide pour "changer de modèle", avec une gestion bien plus souple des cultures, permettant de "mettre en retrait" certaines parcelles de maïs si besoin. "Le changement climatique implique des sécheresses estivales plus longues, mais pas la réduction du volume d’eau en circulation. Il faut donc s’adapter en fonction des années : lorsqu’elles sont humides, on peut irriguer plus facilement, mais lorsqu’elles sont sèches, il faut parvenir à arrêter l’irrigation de cultures trop consommatrices l’été", déroule-t-il. Sans pour autant abandonner complètement ces plantations, capables de bien s'intégrer dans un système de cultures diversifiées. Tant qu'elles ne viennent pas le "déséquilibrer".
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