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Suppression des vols intérieurs courts : une mesure qui ne concerne qu'un seul aéroport ?

Publié le 24 mai 2023 à 17h11, mis à jour le 3 juin 2023 à 23h16

Source : JT 20h WE

Le gouvernement se félicite d'avoir supprimé les liaisons aériennes intérieures en cas de trajets possibles en train en moins de 2h30.
Mais ce décret, issu de la Convention citoyenne, est assorti de nombreuses exceptions.
Il ne concerne en réalité que trois liaisons, dont l'une se fait encore avec une correspondance.

Mise à jour du 01/06 : réaction du ministère chargé des Transports.

C’était une mesure écologique promise de longue date. "Interdire les lignes aériennes en cas d’alternative de moins de 2h30 en train. Je m’y suis engagé. Nous sommes les premiers à le faire", s’est félicité Emmanuel Macron le 23 mai, après la parution du décret au Journal officiel. Mais très vite, des critiques ont émané des réseaux sociaux, provenant notamment des associations de défense de l'environnement. Parmi elles, le fait que cette interdiction des vols courts ne concernerait "que les vols vers/de Paris-Orly" et ne toucherait pas l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle, l’autre aéroport francilien.

Des trajets en train assortis de conditions

La proposition date de 2019. L'idée de remplacer les vols courte distance par des voyages en train a émergé au sein de la Convention citoyenne pour le climat. À l'époque, ses 150 membres avaient voté pour interdire les trajets en avion s'il existait une alternative de moins de 4h en train, "bas carbone satisfaisante en prix et en temps". Si l'idée avait été retenue par Emmanuel Macron, elle avait été rapidement limitée à une alternative en train de 2h30 réduisant le nombre de lignes aériennes concernées de 22 à 5. Une nouvelle version intégrée à la loi Climat en 2021 et qui sera en vigueur pour les trois années à venir.

Mais les conditions qui ont été assorties au texte qui vient de paraître restreignent davantage le nombre de liaisons aériennes concernées. Le trajet en avion n'est remplacé que si l’alternative en train est "assurée sans changement de train entre ces gares, plusieurs fois par jour et avec un service satisfaisant", avec des "fréquences suffisantes et les horaires appropriés" permettant aux voyageurs "plus de huit heures de présence sur place dans la journée, tout au long de l'année".

Résultat, quatre ans plus tard, l'interdiction ne concerne in fine que trois liaisons aériennes. À savoir celles "entre Nantes, Bordeaux, Lyon et Paris-Orly, dans la mesure où un service ferroviaire permet de réaliser le trajet en moins de 2h30", selon le communiqué du ministère des Transports. Des lignes déjà supprimées par Air France depuis 2020. La mesure exclut donc d’autres vols courts, qui auraient dû être concernés si l’on s’en tient à la promesse de départ. C’est le cas des lignes reliant Paris-Charles de Gaulle à Rennes, à Lyon, à Bordeaux, à Nantes, ou la liaison entre Marseille et Lyon. 

Comment expliquer que seules trois lignes -sur les 22 de départ- soient aujourd'hui concernées ? En décembre 2022, la Direction de l'information légale et administrative, dépendante de Matignon, a justifié ces exceptions. Selon elle, les liaisons ferroviaires Paris-CDG- Rennes, Paris-CDG-Lyon et Marseille-Lyon"ne permettent pas d’accéder suffisamment tôt le matin à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle (ou de Lyon Saint Exupéry dans le cas de la ligne Lyon-Marseille), ou d’en partir suffisamment tard le soir". Les lignes Paris-CDG-Bordeaux et Paris-CDG-Nantes sont conservées "du fait d’un temps de trajet ferroviaire supérieur à 2 heures 30 pour rejoindre la gare de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle". 

Sur son site, Air France propose ce 24 mai des vols reliant Paris-Orly à Lyon avec une correspondance à Nice.
Sur son site, Air France propose ce 24 mai des vols reliant Paris-Orly à Lyon avec une correspondance à Nice. - Air France

La question des vols courts à l’aéroport de Paris-CDG devait être le fruit de discussions à l’été 2022, d’après la loi Climat. Jusqu’à preuve du contraire, celles-ci n’ont pas eu lieu. Interrogé sur cette question, le ministère chargé des Transports indique  plus largement que "la fermeture de ces trois lignes n’est qu’un début" et qu'"au fur et à mesure du développement de l’offre ferroviaire, davantage de liaisons pourront être concernées par les critères du décret". Concrètement, "un état des lieux et une mise à jour de cette liste sera réalisée deux fois par an". 

De plus, la suppression des trois lignes citées plus haut est à nuancer, puisqu’il est toujours possible de prendre des vols avec correspondance. Et donc d'effectuer un Paris-Lyon depuis l’aéroport d’Orly… en passant par celui de Nice (voir image ci-dessus). Pour les deux autres vols désormais interdits, Air France indique bien sur son site que la "recherche initiale n'a donné aucun résultat, elle a donc été étendue à tous les itinéraires dont la ville de départ est Paris". Soit l’aéroport Paris-CDG. Plusieurs associations déplorent ainsi le manque d’ambition de cette mesure. Pour Agir pour l’environnement, cela "revient à abroger l’article 145 de la loi Climat et résilience". 

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Caroline QUEVRAIN

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