La justice administrative a annulé deux projets de méga-bassines en Poitou-Charente.Ils prévoyaient la création et l'exploitation de 15 réserves d'une capacité totale d'environ trois millions de mètres cube.Des équipements surdimensionnés et inadaptés aux effets du changement climatique, selon le tribunal.
Ils représentent une "erreur manifeste d'appréciation". En Poitou-Charente, la justice administrative a annulé, mardi 3 octobre, l'autorisation donnée à deux projets de méga-bassines, du nom de ces retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole. Les projets, attaqués par des associations de défense de l'environnement, visaient à créer et à exploiter 15 réserves dites "de substitution" d'une capacité totale d'environ trois millions de mètres cube. Les méga-bassines devaient permettre de prélever de l'eau dans les nappes superficielles en hiver pour mettre la ressource à disposition des agriculteurs en été, lorsque la pluie se fait rare et que les besoins en irrigation sont importants.
Des inexactitudes, omissions et insuffisances
Dans le détail, le litige portait sur neuf retenues prévues sur les bassins de l'Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres et sur six autres situées dans le sous-bassin de la Pallu, dans la Vienne. Les associations locales de défense de l'environnement, l'UFC-Que choisir, la Confédération paysanne dans la Vienne ainsi que la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) s'étaient associés pour saisir le tribunal administratif de Poitiers. Ils demandaient l'annulation des arrêtés préfectoraux ayant autorisé, en 2021, la construction de ces 15 méga-bassines, portées par des collectifs d'agriculteurs irrigants.
Une demande entendue par la justice. Mardi, la justice a épinglé les "inexactitudes, omissions et insuffisances" de l'étude d'impact menée sur les neuf bassines du bassin Aume-Couture qui ont eu pour effet "de nuire à l'information complète de la population". Le tribunal considère aussi que le projet "n'est pas associé à de réelles mesures d'économie d'eau et ne tient pas compte des effets prévisibles du changement climatique". Pour les six retenues de la Viennes, les juges ont pointé un "surdimensionnement du projet" en termes de volumes d'eau à prélever pour remplir les méga-bassines, au regard de ce que le milieu hydrologique local "est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes" et compte tenu des "effets prévisibles du changement climatique".
Un revers pour la préfecture de Nouvelle-Aquitaine qui a, selon la justice, fait "une erreur manifeste d'appréciation", notamment "dans la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource" défini par le Code de l'environnement.
Des impacts couteux et des effets négatifs pour l'environnement
Cette décision d'un tribunal administratif est un petit séisme dans cette région, où les méga-bassines sont au cœur de la contestation. En avril, la justice a approuvé la construction de 16 retenues dans la région, comme celle de l'emblématique retenue de Sainte-Soline, dont les manifestations pour s'opposer au chantier avaient donné lieu à de violents affrontements entre opposants et forces de l'ordre.
Alors que les agriculteurs réclament la création de ces retenues d'eau pour sauver leurs cultures face à des sécheresses de plus en plus longues et de plus en plus nombreuses, en raisons du changement climatique dû aux activités humaines, les opposants estiment qu'elles ne font qu'aggraver l'assèchement des sols. Dans son rapport consacré à la gestion de l'eau, le Giec, le groupe des experts du climat de l'ONU, souligne, lui, que ces "réservoirs sont coûteux, ont des impacts environnementaux négatifs et ne seront pas suffisants partout au-delà de certains niveaux de réchauffement climatique". Parmi les reproches faits à ces méga-bassines, leur possible effet néfaste sur les nappes phréatiques, puisqu'elles pompent directement de l'eau dans les eaux souterraines pour la stocker en surface, et les déperditions d'eau qu'elles engendrent avec l'évaporation.