ÉCOLOGIE - Dans le cadre du projet de loi climat, actuellement discuté à l'Assemblée, seuls les vols intérieurs de moins de 2h30 pour lesquels il existe une alternative en train seront supprimés. Des critères considérablement assouplis par rapport à ce que demandaient la convention citoyenne et pointés du doigt par l'UFC-Que Choisir.
Supprimer des vols intérieurs quand on peut prendre le train, l'idée est certes écologique. Mais ce renoncement n'est pas forcément du goût de tous, surtout quand il s'agit de se passer de ses modes de fonctionnement habituels. Pour s'en rendre compte, direction l'aéroport d'Orly où certains voyageurs n'apprécient pas du tout l'idée. "On est assez enclavé dans nos régions, si en plus on nous enlève des aéroports, ça va être plus compliqué de venir par chez nous", s'inquiète ainsi l'un d'entre eux. "Le gain de temps", renchérit un autre. "Nous, on a besoin de monter sur Paris régulièrement, donc c'est important qu'on puisse se déplacer et que ça ne soit pas trop loin", ajoute-t-il.
Seules cinq lignes finalement supprimées
Pourtant, selon l'UFC-Que Choisir, l'avion émet 70 fois plus de gaz à effet de serre que le TGV. C'est pour ça que la convention citoyenne avait proposé de l'interdire quand le même trajet en train, inférieur à quatre heures, était disponible. 18 lignes étaient concernées, dont Paris-Marseille, aboutissant à une baisse des émissions de carbone de l'aérien de 12,5%. Quelques mois plus tard, alors que le projet de loi climat est discuté à l'Assemblée, seules cinq lignes seront finalement supprimées, après que le gouvernement a baissé le seuil à 2h30 de train.
"En réalité, l'effet ne serait que de 3% de réduction des émissions des vols intérieurs en France. Autant vous dire que ça ne changera rien à la situation climatique", s'alarme Mathieu Escot, le directeur adjoint en charge des études et du lobby à l'UFC-Que Choisir. Cette mesure constitue un "chemin direct vers une mesure inopérante", dénonce l'organisme, qui préconise d'exempter "non les lignes, mais les voyageurs, lorsqu'ils peuvent apporter la preuve qu'ils sont en correspondance". "Cela amènerait les compagnies à réduire en proportion leur nombre de vols, et à préserver la portée de la mesure sans sacrifier l'accès aux vols longs courriers depuis tout le territoire", argumente l'UFC.
Une question économique
Mais la question est aussi économique, car ces compagnies aériennes et ces aéroports emploient du monde et créent de l'activité. Sur une ligne comme Paris-Bordeaux, par exemple, Air France et la SNCF mènent une guerre des prix. Si vous partez le lundi, vous paierez 70 euros votre billet de TGV et 103 euros votre vol, mais qu'en sera-t-il demain quand il n'y aura plus de concurrence ?
"Pour le consommateur, c'est une très mauvaise nouvelle. On crée un monopole et on se demande de quelle manière on va pouvoir l'accepter. Que va-t-il se passer quand il y aura des grèves ? Que va-t-il se passer sur le long terme pour le développement du secteur", s'interroge le consultant en aéronautique Xavier Tytelman, président de la société Aviation NXT France.
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Le projet de loi climat propose tout de même une exception. Les vols Bordeaux-Paris seront autorisés dans le cas d'une correspondance avant un vol plus lointain, vers New-York par exemple. L'objectif étant de tenir la promesse de la baisse d'émission de gaz à effet de serre sans plomber Air France. La compagnie, qui traverse une crise inédite n'a en effet pas besoin qu'on ralentisse son activité.