LUTTE ÉCOLOGIQUE - Du 7 au 13 décembre, des mouvements écologistes espagnols organisent un "sommet social sur le climat" pour protester contre l'événement officiel en cours, la COP25. Ce mode d’action, devenu quasiment systématique en marge de réunions internationales, est-il toujours pertinent ?
Pour certains, la COP25 est le lieu privilégié pour discuter de l'urgence climatique et des efforts à fournir. Pour d’autres, la lutte doit se faire ailleurs et surtout autrement. En organisant un "sommet social sur le climat" en marge de la Conférence des Parties, les militants écologistes sont déterminés à se faire entendre et à exprimer leur opposition à la réunion officielle. Quelques associations françaises ont apporté leur soutien à l’événement, à l’instar des Jeunes Écologistes ou d’Attac France, mais ce sont les Espagnols qui sont aux manettes, et notamment le mouvement des Écologistes en action.
La "contre-COP" prendra ses quartiers d’hiver sur le campus universitaire de Madrid du 7 au 13 décembre. Une manifestation est prévue la veille en fin de journée dans le centre-ville, aux côtés de la jeune génération et de la désormais célèbre Greta Thunberg. Au programme de cette semaine, des assemblées plénières au sujet des discussions officielles à quelques kilomètres de là, à l’IFEMA, lieu d’accueil de la COP, mais aussi des ateliers et des tables-rondes. "Ce genre de réunion mondiale, c’est la seule occasion de se réunir et de s’organiser plus durablement", confie Alexia Delfosse, jeune militante des Jeunes Écologistes.
El viatge continua! Accions durant el #TrenLentCOP25 aprofitant les parades a Ascó (central nuclear) i Flix (contaminació química per ERCROS). Reclamem un canvi de model #6Dporelclima pic.twitter.com/S9PmAni3ko — Ecologistes en Acció (@ecologistes) December 6, 2019
Un mode d'action dépassé ?
À l’origine, les contre-sommets sont apparus pour contester la mondialisation en bloquant ou perturbant des sommets internationaux. Mais, "de par [leur] institutionnalisation et [leur] systématisation, cette perspective s’est modifiée, et ce mode de protestation est devenu de plus en plus symbolique", comme le rapporte la chercheuse Brigitte Beauzamy dans un article consacré aux contre-sommets.
Si ce mode d’action est devenu habituel en marge des G8, G20 et autres sommets rassemblant les grandes puissances mondiales, l’organisation d’un tel événement lors d’une COP, encore considérée comme la réunion emblématique du combat climatique, est inédite. "Faire une contre-COP n’est pas très bien perçu par le grand public", avance Juliette Grange, professeure à l’Université de Tours et chercheuse spécialisée en écologie politique. "Ça risque de mal finir, c’est peut-être trop contestataire. Mais la violence, même si l’on est contre, peut faire bouger les choses."
En effet, des "dérapages" ont déjà eu lieu pendant des contre-sommets. Cet été à Biarritz, les organisateurs du contre-G7 ont dénoncé des violences commises lors d’une manifestation et des militants d’extrême gauche ont été accusés d’avoir négocié avec les autorités s'agissant de la symbolique "marche des portraits" à Bayonne, autorisée par la préfecture. Certains participants ont affiché leur déception au moyen d'une tribune, publiée sur le site de Lundi Matin et intitulée "Le pire contre-sommet de l’histoire". "Tout avait été fait pour que ce contre-sommet ne soit rien de plus qu’un droit de réponse télévisuel à l’officiel", ont-ils dénoncé.
Lire aussi
Elle s'est ouverte aujourd'hui à Madrid : quels enjeux pour la COP25 ?
Lire aussi
A la COP25, des parents du monde entier interpellent les dirigeants politiques
Face à l'urgence, "tous les moyens sont bons pour se faire entendre"
Or, "la COP25 n’est pas à la hauteur des enjeux", estime Juliette Grange. Dans ce cas, l’urgence écologique "justifie des actions qui, en elles-mêmes, pourraient être contestables". Ainsi, selon la chercheuse, "peut-être est-ce la seule chose à faire. Tous les moyens sont bons pour se faire entendre".
Car l’objectif de cette contre-COP est avant tout de resserrer l’étau autour des dirigeants des Etats signataires de l’Accord de Paris. "En créant des liens entre nous, une communauté, les Etats présents à la COP sentiront le peuple derrière eux et devront réagir", a expliqué Samuel Martin-Sosa, responsable international d’Ecologistes en action, au site Reporterre.
Face à la lenteur de la prise de décision sur le terrain de la transition écologique, les militants voient toujours en ces actions un moyen efficace de faire pression. "L’Accord de Paris a réussi à proposer des solutions", argue de son côté la militante Alexia Delfosse. "Mais c’est un exemple significatif que les COP ne sont pas assez contraignantes pour mettre en place les mesures limitant la hausse de la température." La COP25, qui a choisi pour slogan "Time for action", risque de décevoir les attentes. Dans un manifeste, les organisateurs de la marche inaugurant le contre-sommet ont tenu à prévenir les dirigeants politiques : "L’ambition insuffisante de leurs accords va mener la planète à un scénario désastreux de réchauffement climatique."