Urgence climatique : arrêtons de joindre l’inutile à l’inaction !

par Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet
Publié le 25 octobre 2022 à 12h03

Source : Sujet TF1 Info

À l'heure de la sobriété énergétique, les exhortations aux petits gestes individuels peuvent-elles suffire face au défi climatique ? Rien n'est moins sûr.
Fabrice Bonifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son édito.

Tout le monde connaît le brutal "Fumer tue" apposé sur les paquets de cigarettes, censé inciter les fumeurs à arrêter de fumer. Difficile d’évaluer l’efficacité de ce type de mesure, mais cela varie probablement entre pas grand-chose et presque rien. L’État a également appliqué ce type d’avertissement à l’énergie avec le célèbre slogan : "L’énergie est notre avenir, économisons là". Pour celui-là, force est de constater qu’il n’a pas beaucoup contribué à la génération d’un mouvement massif vers la sobriété énergétique. C’est un euphémisme ! Pas plus que le "Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé" a permis de réduire l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires. Il est donc permis de douter qu’imposer "Pensez à covoiturer" ou "Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo", sur les publicités pour l’automobile, initiera le moindre changement de comportement. 

Albert Einstein a dit que "la folie, c'est se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent". Nous sommes donc devenus fous. Selon un scénario modéré d’émissions de gaz à effet de serre, les températures vers 2100 seront 3,8 °C au-dessus de celles du début du XXe siècle, soit 50% plus élevées que prévu ! Malgré cette dramatique perspective, nous continuons de vouloir reporter sur la seule population la responsabilité de ses actes. Autrement dit, nous savons que nous allons dans le mur, mais au nom de la liberté, chacun est libre de continuer dans l’absurde, dès lors que nous sommes prévenus des risques. 

Lorsque le danger est immédiat, le courage est avant tout un réflexe, mais lorsque le danger est pour "plus tard", l’inaction est le réflexe qui domine le plus souvent.
Fabrice Bonnifet

Et au nom de la responsabilité, on fait quoi ? Eh bien, justement, si on fait toujours ce que l’on a toujours fait, on obtiendra ce que l’on a toujours obtenu, c’est-à-dire strictement aucun résultat. Certes, ce n’est jamais facile de prendre des mesures coercitives progressives (baisser le poids des voitures par exemple) et justes du point de vue social, mais c’est la seule façon d’arriver à produire à grand renfort de pédagogie des effets positifs mesurables. Pour l’épidémie de Covid, on a même été jusqu’à arrêter des pays entiers du jour au lendemain ! C’est vrai que lorsque le danger est immédiat, le courage est avant tout un réflexe, mais lorsque le danger est pour "plus tard", l’inaction ou la procrastination est le réflexe qui domine le plus souvent. 

Aujourd’hui, décider dans une organisation ou gouverner un pays, c’est surtout prévoir la réaction à l’actualité du jour, ce n’est plus, depuis longtemps, travailler pour l’intérêt général à long terme, le bien commun et les générations futures. Devant une telle faillite de la responsabilité de la part de ceux qui pourraient agir, comment pouvons-nous sereinement envisager que nous puissions résoudre les gigantesques défis systémiques qui nous font face ? En attendant un hypothétique sursaut, parions sur les prochains slogans de l’inutile en préparation avec sur les billets d’avion "Voler vole notre avenir" ou sur les étiquettes de fastfashion "Fabriqué par des enfants, ne l’oubliez pas !". 


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