Biodiversité : le rêve d'une forêt primaire en France, un paradis vierge de toute activité humaine

TF1 | Michel Izard, Stefan Iorgulescu et Julie Dejobe
Publié le 14 novembre 2022 à 11h54, mis à jour le 14 novembre 2022 à 14h35

Source : JT 20h WE

Pour préserver la biodiversité, certains ont imaginé un projet totalement fou.
Il s'agit de recréer une forêt primaire, vierge de toute activité humaine, où la faune et la flore évolueraient sans aucune contrainte.
À la tête de cette idée : Francis Hallé, un botaniste renommé.

La touffeur du feuillage, la densité des ramures pour donner l'illusion d'un paysage sauvage. Mais en France et en Europe occidentale, comme ici dans les Vosges du Nord, il n'y a plus aucune forêt dans son état d'origine. Toutes ont été coupées, plantées et replantées. Ce sont des forêts secondaires, et ce constat a fait germer un rêve dans l'esprit du botaniste Francis Hallé. 

C'est une idée un peu folle : faire renaître une forêt qui n'aurait jamais été modifiée, un paradis perdu : une forêt primaire. "Ça ne me plait pas d'imaginer que tout ce qui nous entoure est contrôlé par l'être humain. Je ne suis pas contre l'être humain, mais je trouve qu'on est allé trop loin et qu'on a manqué de respect par rapport à ce qui nous entoure", explique ce spécialiste.

"On ne plante rien, on ne retire rien, on n'exploite pas"

Francis Hallé a passé sa vie dans les arbres des forêts tropicales, elles-mêmes menacées de destruction. Il a inventé le radeau des cimes pour mener des recherches à 60 mètres de hauteur sur la canopée en Amazonie, en Afrique, en Indonésie ou au Laos. "Une foret primaire tropicale, c'est le maximum de vie, surtout dans la canopée. C'est incroyable. C'est dans ces milieux primaires tropicaux que l'idée m'est venue, qu'il faut ça ici !", sourit-il.

Cela paraît utopique, mais l'idée avance. Une association s'est créée avec déjà 3 000 membres. Les repérages ont commencé dans le Grand Est, à la frontière allemande, pour trouver un endroit qui servirait de base. Avec un seul but : laisser agir toute seule la nature. "Ça a l'air idiot, mais on ne fait rien ! On ne plante rien, on ne retire rien, on n'exploite pas", développe Francis Hallé.

Au moins 70 000 hectares

Si on la laisse en libre évolution, la forêt changera peu à peu de visage. Il y aura beaucoup moins d'arbres. Certains vont vieillir et grandir pour atteindre des tailles inconnues à l'heure actuelle. D'autres vont mourir et pourrir sur place pour nourrir le sol, un intérêt écologique majeur. "Avec son atmosphère humide, une forêt primaire, ça ne brûle pas par exemple ! C'est ça qu'il nous faut en ce moment. Et puis le plus important, c'est la biodiversité. C'est là qu'il y a le plus d'animaux, de toutes les tailles, des petits insectes aux grands bisons d'Europe", ajoute le botaniste.

 Pour réussir le pari, il faudrait créer un espace protégé d'au moins 70 000 hectares d'un seul tenant, l'équivalent d'un cercle de 30 km de diamètre. Les contours restent à définir. Deux zones ont été identifiées : dans les Vosges, près de l'Allemagne, ou dans les Ardennes, près de la Belgique.

La volonté est de donner une dimension internationale au projet. Mais il faut d'abord convaincre les états, les collectivités locales, les propriétaires privés, les exploitants de la filière bois, les habitants et les chasseurs. "On a des années pour imaginer les solutions nouvelles, mais de toute façon, il va falloir habiter autrement. Derrière le projet, il y a une expérimentation majeure de la transition, c'est un laboratoire à ciel ouvert", explique Eric Fabre, secrétaire général de l'association Francis Hallé pour la forêt primaire

Un autre aspect qui peut donner le vertige : atteindre l'état de forêt primaire demandera environ huit siècles. Le lieu serait accessible avant pour les scientifiques et pour les touristes qui voudraient suivre cette évolution au fil du temps. Un jour, peut-être, dans 800 ans, on racontera cette histoire. "On n'est plus habitués à raisonner sur de longues périodes comme ça. Je voudrais faire remarquer que même en Europe, quand nos ancêtres mettaient la première pierre d'une cathédrale, ils étaient sûrs de ne pas la voir finie. Mais ce n'est pas grave, c'est pour nos descendants. Si on ne fait rien, si on ne modifie pas nos habitudes, ça va être horrible. Moi, je ne voudrais pas que mes arrières-arrières-arrières petits-enfants vivent dans un endroit horrible. Je voudrais leur laisser quelque chose de magnifique, au-dessus de tout ce qu'ils pouvaient imaginer", ajoute le botaniste.

Crédit : merci au photographe Laurent Pyot pour ses clichés de Francis Hallé au Laos.


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