Black Friday, Cyber Monday : des promotions qui coûtent cher à la planète

Publié le 26 novembre 2022 à 16h54

Source : Le JT

Après le Black Friday, le Cyber Monday vient clore une semaine de promotions intenses.
Une période durant laquelle les Français tentent de profiter des meilleurs prix, notamment pour s'acheter de nouveaux téléphones ou ordinateurs.
Mais ces achats ont un coût particulièrement élevé.

Près de 57 millions de tonnes. C'est le poids total estimé des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE ou D3E) à travers le monde en 2021. Selon une étude menée par un groupe d'expert du Waste electrical and electronic equipment (WEEE), c'est plus que le poids de la Grande Muraille de Chine, construction humaine la plus lourde du globe, et ce, pour une seule année. 

Ces déchets sont le résultat de notre importante consommation de téléphones, ordinateurs et autres tablettes, mais aussi d'appareils électroménagers, alors que durant les périodes de promotion comme le Black Friday ou le Blue Monday, nombreux sont ceux qui en profitent pour changer des équipements pas toujours en fin de vie.

La mafia des D3E

Une question d'autant plus importante que la quantité de déchets électroniques est en augmentation constante - près de deux millions de tonnes supplémentaires chaque année - et que leur gestion est encore difficile à travers le monde. "À l'heure actuelle, nous envoyons la plupart de nos déchets électroniques à l'étranger, de façon illégale", alerte Bela Loto, responsable de la Maison de l'information responsable (MIR). "Selon un chiffre des Nations unies, près de 65% de ces déchets produits par les pays riches échappent au cadre réglementaire pour se retrouver, pour un certain nombre d'entre eux, dans de véritables 'poubelles électroniques' à travers le monde". 

Les pays européens, la France en tête, laissent ainsi filer vers des pays comme le Nigeria ou le Ghana des millions de tonnes de déchets. "La Chine et l'Inde sont aussi concernés, comme l'Égypte qui reçoit des déchets européens. Le Canada et les États-Unis, eux, voient aussi leurs poubelles électroniques partir vers l'Afrique, mais aussi au Mexique ou au Brésil. Chaque puissance a un peu ses destinations favorites et tout ceci se fait dans la plus grande illégalité puisqu'on n'a pas le droit de sortir de notre pays ce type de déchets qui considéré comme dangereux", détaille la chercheuse.

Si la Convention de Bâle, signée en 1992, tente de réguler ces mouvements à travers le monde, dans les faits, elle peine à endiguer le phénomène. "On parle d'une vraie mafia qui est comparable au trafic de drogue. Interpol s'intéresse d'ailleurs de très près à cette mafia des D3E qui engendre une véritable catastrophe environnementale, car cela implique une pollution importante des sols sur les grandes décharges concernées", détaille Bela Loto. La décharge d'Agbogbloshie, l'une des plus grandes au monde avant d'être démantelée en 2021, était ainsi considéré comme la zone la plus polluée de la planète devant Tchernobyl, selon l'ONG écologiste Blacksmith Institute

Pour mettre en lumière la question de l'exportation illégale de ces déchets, Bela Loto a participé à un podcast intitulé "Traque GPS, que deviennent nos déchets électroniques ?", où elle suit le parcours d'une télévision dans son périple de la France vers le Ghana. Des déchets qui, selon l'Organisation mondiale de la Santé, exposent les populations qui vivent à proximité à plus de 1000 substances extrêmement nocives comme le plomb, le mercure ou le nickel.  

Le casse-tête de la collecte

Une situation qui découle directement de la difficile collecte des déchets électroniques à travers le monde et notamment en France. "Nous avons un cadre réglementaire assez bon dans le pays, mais la collecte est insuffisante", déplore Bela Loto qui explique le trafic des déchets illégaux par les vols commis dans les déchetteries peu ou pas équipées pour traiter ce genre d'objets. "Ils arrivent dans les pays comme des équipements de seconde main fonctionnels, mais la plupart ne le sont pas et les contrôles sont très difficiles. Ils se retrouvent ensuite dans les décharges avec les effets que l'on a évoqués".

Mieux organiser la collecte des D3E permettrait ainsi d'éviter ces vols, mais aussi de mieux recycler et éviter l'accumulation des déchets. Car le taux de recyclage de ces appareils est de seulement 17,4% selon un rapport de l'ONU. "La collecte est insuffisante, pas en raison du cadre réglementaire, mais parce qu'il n'y a pas de mobilisation des citoyens pour s'occuper de la fin de vie de leurs appareils", détaille Bela Loto en insistant sur la nécessité de mieux informer sur le tri des déchets électroniques. "Il y a une méconnaissance des règles, notamment celle du 'un pour un' qui oblige les enseignes à reprendre un produit ancien pour tout achat d'un produit neuf. Ce n'est pas une faveur lorsque c'est proposé, c'est la loi". 

Le recyclage est d'autant plus important qu'un téléphone ou une tablette comporte de nombreux matériaux précieux. "Une tonne de téléphones portables mis au rebut est plus riche en or qu'une tonne de minerai d'or brut", avait ainsi estimé en 2021 le Dr Ruediger Kuehr, directeur du programme Cycles durables (SCYCLE) de l'ONU. 

"Intégrés dans un million de téléphones portables, par exemple, se trouvent 24 kg d'or, 16.000 kg de cuivre, 350 kg d'argent et 14 kg de palladium, des ressources qui pourraient être récupérées et réintroduites dans le cycle de production. Et si nous ne parvenons pas à recycler ces matériaux, de nouvelles fournitures doivent être extraites, ce qui nuit à l'environnement", avait ainsi estimé le chercheur. Un véritable défi quand on sait que le recyclage de ces matériaux est particulièrement difficile : "Presque la moitié des métaux qui sont dans un smartphone, qui en compte une cinquantaine, n’est recyclable qu’à hauteur de 1%", précise Bela Loto qui milite pour une meilleure réutilisation des appareils et un reconditionnement local pour limiter l'empreinte écologique de nos équipements électroniques.


Annick BERGER

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