Eau polluée en France : qu'est-ce que le métabolite du chlorothalonil R471811 ?

Publié le 6 avril 2023 à 16h35

Source : TF1 Info

Selon un rapport de l'Anses publié jeudi, l'eau potable en France est largement contaminée par des résidus d'un fongicide interdit.
Il s'agit du métabolite du chlorothalonil R471811.
Un produit pourtant interdit en France depuis 2020.

C'est un rapport qui fait grand bruit en France. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l'eau potable du pays est largement contaminée par des résidus issus d'un fongicide interdit depuis plusieurs années. Ces résultats ont été publiés, jeudi 6 avril, dans une étude qui vise à détecter les polluants émergents dans l'eau destinée à la consommation humaine. 

L'Anses a analysé des prélèvements sur tout le territoire - y compris en Outre-mer - à la recherche de 157 pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation. "Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée", indique l'Agence dans un communiqué. Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts : le métabolite du chlorothalonil R471811. 

Fongicide interdit depuis 2020

Le résidu de fongicide est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un produit pourtant interdit en France depuis 2020. Utilisée durant près de 50 ans en Europe (de 1979 à 2019), l'autorisation de la substance, commercialisée par l'allemand Syngenta, n'avait pas été renouvelée par la Commission européenne en 2019. La France, elle, avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks du produit.

Selon une fiche de l'Anses remontant à 2017, 39 produits à base de ce fongicide étaient autorisés en France pour près d'une cinquantaine d'usages, allant de céréales comme le blé, l'orge ou le seigle, aux fruits et légumes comme les choux, les asperges, les tomates, les concombres, les oignons, les melons ou encore les carottes.

Le métabolite a été ciblé par l'Anses après une alerte des autorités suisses qui l'ont retrouvé dans les eaux de consommation du pays. Et les analyses ont montré que la France était touchée par le même phénomène : le métabolite du chlorothalonil R471811 est le plus fréquemment retrouvé dans l'eau potable, pointe l'étude de l'Anses, qui indique qu'il est présent "dans plus d'un prélèvement sur deux" et que ses taux dépassent la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d'un prélèvement sur trois". 

Est-il dangereux pour la santé ?

Pour le moment, pointe l'Anses, le dépassement de la limite de qualité dans l'eau ne signifie pas qu'il existe un danger. Les autorités sanitaires devraient toutefois rester vigilantes, puisque lors de l'interdiction du fongicide en 2019, Bruxelles avait souligné qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine". 

La Commission avait cité les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé". L'Anses avait repris cette argumentation dans une note l'an dernier, rappelant que des études sur le fongicide avaient identifié des "tumeurs rénales chez le rat et la souris". Elle avait également souligné le "manque de données" pour prouver que son métabolite ne partageait pas les mêmes dangers.

Lorsqu'il était en circulation, le chlorothalonil était un pesticide à manipuler avec une extrême précaution : il était mortel par inhalation, et pouvait provoquer des lésions oculaires graves, des risques d'irritation respiratoire et cutanée et était reconnu comme était très toxique pour la vie aquatique.

Des résidus actifs durant des années

Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus. Un autre métabolite du chlorothalonil a été retrouvé avec une concentration supérieure à la limite de qualité de 0,1 µg/litre dans environ 3 % des échantillons.

Ces révélations interviennent alors que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir sur la procédure d'interdiction d'un autre produit, l'herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l'Union européenne. L'Anses avait annoncé le 15 février sa volonté d'interdire les principaux usages de cette molécule, dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines. "Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d'une agence", avait lancé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.


Annick BERGER

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