Initiatives environnementales

VIDÉO - Interdiction des vieilles voitures dans les ZFE : pourquoi ça tangue

par Maëlane LOAËC | Reportage TF1 Matthieu Desmoulins, Noé Gandillot et Bruno Poizeuil
Publié le 15 juin 2023 à 14h35, mis à jour le 15 juin 2023 à 18h32

Source : JT 20h Semaine

D'ici 2025, 43 grandes villes et agglomérations françaises devront avoir mis en place une zone à faibles émissions mobilité, dans laquelle les véhicules les plus polluants ne pourront plus circuler.
Tandis que des villes assouplissent leur calendrier, un rapport du Sénat préconise de retarder de cinq ans l'entrée en vigueur de cette réglementation pour certaines vignettes.
Ni les automobilistes ni les communes ne seront prêts selon lui, un constat qui se vérifie sur le terrain.

Elle a bien failli finir au garage plus tôt que prévu. Avec sa vignette Crit'Air 3, la vieille camionnette de Philippe Joly devait être interdite à Reims dès la fin de l’année, mais elle va finalement pouvoir rouler pendant cinq ans de plus. "Un gros soulagement" pour son conducteur, qui salue "une bonne action" de la municipalité dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. Sans ce geste, "j'aurais peut-être arrêté ce que je fais", estime cet artisan. 

Reims compte en effet parmi les onze agglomérations qui ont mis en place des de zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) depuis 2019, notamment aux côtés de Paris, Lyon, Marseille et Grenoble. L'objectif : restreindre l'accès à la circulation des véhicules les plus polluants, améliorer la qualité de l'air et limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires et de 40.000 décès par an, selon Santé Publique France. Des voitures triées en fonction de leur vignette Crit'Air, échelonnée de 1 à 5, qui évalue leur classe environnementale. 

Les collectivités sont libres de choisir le périmètre de ces zones et le calendrier de restrictions. Mais face au tollé provoqué par la mesure dans cette commune de Champagne-Ardenne, la mairie a décidé d’appuyer sur la pédale de freins.

Huit Français sur dix opposés au dispositif

Les véhicules Crit'Air 3 devaient être bannis du centre-ville dès le 1er janvier 2024, mais ils vont désormais bénéficier d'un sursis jusqu’en 2029. "Je ne suis pas là non plus pour assommer d'une certaine manière mes concitoyens", se justifie le maire Horizons de la commune, Arnaud Robinet. "Ce moratoire va permettre aux Rémois de prendre plus de temps pour changer leur véhicule, qui plus est quand la qualité de l'air est bonne aujourd'hui", plaide-t-il. 

Mais même avec cette marche arrière, les véhicules les plus polluants restent interdits à Reims, à savoir ceux estampillés Crit'Air 4 et 5. Et la mesure a toujours beaucoup de mal à se faire accepter. "On a tous pris du diesel parce que cela nous coûtait moins cher, et aujourd'hui on nous demande de passer à l'électrique, ou autre. Mais on n'a pas les moyens", tonne une habitante. "Un jour ou l'autre, je vais arriver et me retrouver avec un PV sur le pare-brise", s'irrite un autre. 

Reims n'est pas la seule ville déjà concernée où la contestation gagne de l'ampleur. À Montpellier, dans l'Hérault, les véhicules les plus polluants ne peuvent plus circuler depuis le 1er janvier et pourront être verbalisés dès le mois d'août. Certains automobilistes se disent pris de court. "On a été mis au courant début 2022. Ma belle-fille avait acheté une voiture depuis peu, elle se retrouve avec un véhicule qu'elle ne peut plus utiliser alors qu'elle en a besoin pour son travail", déplore l'une d'entre eux dans le reportage du 13H de TF1 ci-dessous.

Marche arrière sur les ZFE ?Source : JT 13h Semaine

Des commerçants craignent aussi que la mesure ne menace leur activité. "J'ai des clientes qui habitent beaucoup plus loin, en dehors de toutes ces zones, et elles n'ont pas trop les moyens de changer leur voiture. Elles m'ont dit qu'elles ne peuvent plus venir me voir au salon", explique par exemple Alexia Fedidah, gérante du salon de coiffure "Hairstyle Art". Elle affirme avoir déjà perdu 10% de sa clientèle. "Il faut prendre le temps, les échéances affichées sont trop courtes ! On n'est pas encore prêts", abonde Sandrine Simak, propriétaire de la chocolaterie "Comptoir du chocolat by C/L".

Malgré ces protestations, la loi climat et résilience de 2021 prévoit de généraliser le dispositif dans les quelque 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants en France métropolitaine, avant le 31 décembre 2024. Une échéance remise en cause par le Sénat, qui recommande dans un rapport publié mercredi d'assouplir le calendrier des restrictions. À l'échelle du pays, 86% des particuliers et 79% des professionnels se disent opposés au déploiement des ZFE, selon les résultats d'une consultation lancée par la Chambre haute, publiés fin mai. 

"La charrue avant les bœufs"

Le rapport sénatorial invite notamment à laisser aux collectivités le choix de reporter l'interdiction des véhicules Crit'Air 3 jusqu'à 2030 au plus tard, au lieu du 1er janvier 2025, comme cela est prévu actuellement. "Partout où elles sont instituées, les ZFE-m se heurtent à des crispations et de vives incompréhensions", synthétise un résumé de ce document, consulté par l'AFP. "Interdire de la circulation des plus grandes métropoles plus d'un tiers des véhicules qui les traversent quotidiennement", soit 13 millions de véhicules, "dans un délai d'un an et demi, risque inévitablement de creuser des fractures sociales et territoriales", met en garde son rapporteur, le sénateur Philippe Tabarot (LR).

Le document préconise aussi de renforcer les aides à l'achat de véhicules "propres" : l'accompagnement de l'État en la matière reste insuffisant face au "caractère financièrement inaccessible" des voitures moins polluantes, selon son rapporteur. Il appelle également à "créer un choc d'offre alternative de transport", qui reste aujourd'hui "trop modeste"

Pour cause, dans certaines ZFE-m, il est particulièrement difficile se déplacer en bus ou en tramway. "On a un peu mis la charrue avant les bœufs", regrette aussi Sylvain Carrière, député LFI de la 8e circonscription de l'Hérault, qui souhaite suspendre la ZFE de Montpellier. "Nous demandons de conditionner ces ZFE aux transports en commun : mettons déjà les moyens sur ces transports, avant de mettre ce dispositif en place", plaide-t-il.

Malgré la contestation, le gouvernement maintient pour le moment son calendrier. "Le chiffre de 13 millions d'automobilistes concernés par les obligations imposées par l'État est parfaitement fantaisiste", a réagi le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Il a aussi affirmé qu'en ce qui concerne les restrictions pour les voitures Crit'Air 3, seules cinq villes dépassant un certain seuil de qualité de l'air seraient concernées. "Le sujet n'est pas d'entraver la vie quotidienne de nos concitoyens, mais de les protéger, et en particulier les plus fragiles d'entre nous", a-t-il défendu.


Maëlane LOAËC | Reportage TF1 Matthieu Desmoulins, Noé Gandillot et Bruno Poizeuil

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