Une nouvelle manifestation contre les méga-bassines des Deux-Sèvres doit se tenir samedi 25 mars.Un rassemblement interdit par la préfecture, mais lors duquel les organisateurs attendent "des milliers de personnes".Il y a cinq moins, les manifestations contre ces réserves d'eau dédiées à l'irrigation agricole avaient donné lieu à des affrontements.
C'est dans un climat social déjà très tendu que la question des "méga-bassines" fait son retour sur le devant de la scène. Cinq mois après les importantes manifestations, émaillées d'affrontements avec les forces de l'ordre, contre le projet d'installation de plusieurs réserves d'eau dédiées à l'irrigation agricole dans les Deux-Sèvres, les opposants se mobilisent à nouveau. Entre 7000 et 10.000 militants sont attendus à partir de vendredi jusqu'à dimanche dans le département ainsi que dans celui de la Vienne pour une mobilisation "historique" selon les trois organisateurs : le collectif Bassines non merci, le mouvement écologiste Soulèvement de la Terre et le syndicat Confédération paysanne.
Quelle mobilisation et quel dispositif de sécurité ?
Le rassemblement est prévu sur trois jours, du 24 au 26 mars, pour le 5e acte de "résistance" aux bassines dans les Deux-Sèvres. Si des participants arrivent dès ce vendredi sur place, la grande manifestation est prévue pour samedi à partir de 8h. Des concerts, des débats et des spectacles seront également organisés tout au long du week-end sur la commune de Melle. Un rassemblement festif qui inquiète toutefois les autorités puisque des éléments radicaux pourraient se mêler à l'évènement selon les autorités.
Sur Twitter ce vendredi matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé la mise en place d'un dispositif exceptionnel de 3200 policiers et gendarmes pour "empêcher les casseurs de détruire ou dégrader les installations agricoles". Selon une note du renseignement publiée mardi, les activistes préparent "une multitude d'actions offensives" dont des "opérations de sabotage" contre des mégabassines ou des entreprises participant à ces chantiers. Le but : obtenir un moratoire concernant leur construction, une "catastrophe écologique" et un "projet d'un autre âge" pour Julien Le Guet, porte-parole du collectif "Bassines non merci".
Les autorités craignent la mobilisation d'activistes "parmi les plus radicaux du territoire", confirmant "les risques accrus de violence et de dégradation" alors que la "manifestation est à haut risque". "Le ton, pour les actions à venir et notamment pour la démonstration du 25 mars, s'oriente sans nul doute vers encore plus de radicalité que les précédentes éditions, avec des actions de force toujours plus impactantes et plus violentes", alertent les autorités.
"Les forces de l'ordre seront débordées"
Il faut dire que le projet de réserves d'eau des Deux-Sèvres est au cœur des tensions entre certains militants écologistes et une partie des agriculteurs. En octobre dernier, le lancement du chantier de construction d'une des 16 bassines prévues sur le territoire à Sainte-Soline avait provoqué une importante mobilisation et des affrontements avec les forces de l'ordre lors desquels 61 gendarmes avaient été blessés. "Annoncer une volonté de moratoire en annonçant une manifestation dont on sait qu'elle va amener des violences, c'est comme si vous me mettiez un fusil sur la tempe en me demandant : 'Est-ce que vous acceptez de dialoguer ?'", a dénoncé Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, coopérative qui doit gérer les futurs ouvrages avec l'Établissement public du Marais poitevin.
Ce week-end, les manifestants pourraient viser la réserve en fonctionnement à Mauzé-sur-le-Mignon ainsi que celle de Sainte-Soline. "Les forces de l'ordre seront débordées", promet Julien Le Guet alors que les rassemblements ont été interdits sur les deux communes par la préfecture des Deux-Sèvres. Mercredi, la préfecture de la Charente a déjà condamné le "sabotage" par lacération des bâches d'une autre "bassine" située aux Gours, commune limitrophe des Deux-Sèvres. Les renseignements territoriaux craignent la venue de militants écologistes venus d'Allemagne, de Suisse, des Pays-Bas ou d'Italie avec une mobilisation qui pourrait dépasser la question des méga-bassines. Au cours des contrôles routiers effectués ces derniers jours, des armes de type hache ont d'ailleurs déjà été saisies.
Après la dernière manifestation, cinq personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis. La semaine dernière, la justice a engagé des poursuites contre Julien Le Guet, en prenant une mesure de contrôle judiciaire qui l'empêchera de manifester samedi. Les opposants ont dénoncé une "tentative d'intimidation" contre la mobilisation. De leur côté, les agriculteurs de la Coop' de l'eau, inquiets, ont porté plainte pour des dégradations matérielles et pour "harcèlement moral" sur les réseaux sociaux. Le syndicat FNSEA a, de son côté, appelé au calme tout en réclamant des "condamnations appropriées".
Risque de "bassinage" du pays ?
Les 16 bassines qui doivent être installées dans les Deux-Sèvres ont une capacité totale de six millions de mètres cube. Elles doivent être créées essentiellement pour stocker, en plein air, de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de substitution. Ce projet soutenu par l'État est porté par un groupement de quelque 450 agriculteurs qui y voient un moyen d'assurer la survie de leurs exploitations face aux sécheresses à répétition. Mais celle qui a marqué l'hiver a renforcé l'opposition aux "bassines", dénoncées par leurs adversaires comme un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" à l'heure du changement climatique.
De son côté, l'hydrologue Alain Dupuy, membre du Comité scientifique de suivi des bassines, estime que ces retenues ne sont qu'une petite partie de la solution et appelle à accompagner leur construction par "des prélèvements moindres", un changement des "pratiques culturales" et rappelle la nécessité de "moins consommer". Il considère que le projet des Deux-Sèvres, avec "des nappes réactives" et un milieu agricole "qui a envie d'évoluer", peut constituer "une zone atelier où l'on pourrait vraiment apprendre ce qu'il faudrait mieux faire pour le futur".
Mais les opposants redoutent un "bassinage du pays". Un modèle qui serait "inefficace" face aux sécheresses à répétition et source de "mal-adaptation" au changement climatique, critique de son côté l'hydroclimatologue du CNRS Florence Habets. Dans les Deux-Sèvres, alors que les exploitants du territoire s'étaient engagés à réduire de 50% l'usage des pesticides d'ici à 2025 et à replanter une centaine de kilomètres de haies en échange de l'installation des méga-bassines, des associations environnementales ont fustigé la "lenteur" et le "manque de transparence" du processus. Les premiers résultats, eux, sont attendus cet été.
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