Des centaines de milliers de tonnes de déchets sont déposés dans la nature chaque année.Des décharges à ciel ouvert qui deviennent ingérables pour certaines villes.Pourtant, la loi se montre extrêmement sévère avec les indélicats.
C’est un fléau pour les habitants de certaines communes. De plus en plus de riverains déposent leurs déchets sur l’espace public. Des incivilités qui se répandent même dans les champs et les forêts. Ainsi, plus d’un million de tonnes de déchets sont déposés dans la nature illégalement chaque année. Cela touche par exemple la ville de Vernouillet (Yvelines) où s'est rendu le JT de 20H de TF1.
Sur un chemin forestier, les policiers municipaux découvrent chaque jour de nouveaux tas de déchets. Dans l’herbe, des gravats, du plastique sont entreposés en vrac. On y trouve aussi des bombonnes de gaz. "C’est un petit peu à l’écart des habitations, ils en profitent pour déposer de tout, tout ce qu’on trouve sur un chantier", explique le brigadier-chef principal Geoffrey Bernard dans la vidéo en tête de cet article.
Le traitement des déchets coûte cher, et donc il y a des entrepreneurs indélicats qui tout en facturant leurs clients, déversent leurs gravats dans la plaine.
Pascal Collado, maire de Vernouillet
Quelques mètres plus loin, les restes d’un chantier de rénovation sont posés çà et là, comme des plinthes en bois, des fenêtres, des plaques de plâtres. Certains ont même été laissés à quelques mètres de l’entrée d'une propriété privée. "C’est le soir, quand il fait nuit, ils arrivent avec les camions, ils bennent et ils s’en vont. Mes chiens les entendent", déplore le propriétaire Claude Protin. Et quand on s’enfonce un peu plus dans la forêt, c’est parfois pire. Un pneu de tracteur, des carcasses en plastique et d’anciens téléviseurs jonchent le sol. Au total, 200 m³ de détritus.
Un afflux de déchets qui fait suite à la fermeture d’un encombrant voisin, une décharge sauvage de 300 hectares à Carrières-sous-Poissy. Même si le site a été en partie nettoyé, apparemment les habitudes de certains entrepreneurs n’ont pas changé. Ce sous-bois est devenu leur nouvelle cible. "Je viens d’avoir le devis, on est à 80 000 euros pour ce chemin et dégager les parcelles", s'offusque Camille Vaure, directrice générale des services de Vernouillet.
Il faut dire que déposer ces gravats en déchetterie a un coût pour les entreprises : 191 euros la tonne pour le vrac, 132 euros pour le bois, 22 euros pour le verre. Éviter ces dépenses pour certains, c’est gagner un peu plus d’argent. Ce qui met le maire de Vernouillet très en colère. "Le traitement des déchets coûte cher, et donc il y a des entrepreneurs indélicats qui tout en facturant leurs clients, déversent leurs gravats et leurs détritus dans la plaine", accuse Pascal Collado.
Barrières métalliques et caméras intelligentes
Certaines communes ont décidé d'organiser une contre-attaque. À Sagy (Val-d'Oise), plus question de voir apparaître, comme il y a deux ans, des monticules de déchets au milieu des chemins chaque lundi matin. Ils ont été fermés à l’aide d’immenses barrières métalliques et de cadenas. 40.000 euros d’investissement que le maire ne regrette pas. "On est beaucoup plus tranquille. On a de temps en temps des petits dépôts ici et là, mais rien à voir avec le passé", estime Guy Paris.
Autre outil de dissuasion, testé depuis un an à Garges-lès-Gonesse, un nouveau système de caméras intelligentes, perchées à 10 mètres de hauteur. Pilotées par un programme informatique, elles sont capables d’enregistrer le moindre dépôt suspect. "C’est une caméra où on va avoir des algorithmes de comparaison d’images et on va être capable de détecter uniquement l’apparition des déchets et donc c’est à ce moment-là qu’on va se déclencher", avance Katrin Dimitrova, présidente de la société "Vizzia".
Quarante amendes au total ont été dressées, comme le prévoit la loi sur l’économie circulaire de 2020. "Au fur et à mesure des procédures qui sont envoyées, les gens sont un peu plus vigilants, parce que c’est une amende de 500 euros. Quand on touche au porte-monnaie, cela fait son effet", reconnait Assma Chatar, directrice du cadre de vie. 19.500 euros d’amendes ont ainsi été récupérées en un an, de quoi rembourser le dispositif et la caméra.
"Des affaires en flagrant délit"
Traquer les atteintes à l’environnement, c’est aussi devenu la mission des gendarmes de Pontoise (Val-d'Oise) au sein d'une cellule de spécialistes créée il y a un an. Le jour du reportage, ils interviennent sur un signalement délicat. "Comme il y a de l’amiante, on préfère y aller à deux, comme cela, ça fait moins de personnes exposées sur l’amiante", souligne le major Yann Godet. Un tas de déchets est alors découvert au milieu d'une contre-allée, le long d'un champ. Du bois, mais aussi une vingtaine de plaques contenant de l’amiante, ont été déposés. Mais également des pots de peinture et des cartons d’emballage.
Au milieu des détritus, une piste va intéresser les gendarmes : les coordonnées d’une société avec une date d’enlèvements des produits. Cette entreprise du département voisin devra s’expliquer dans les prochains jours. "Si on remonte la personne qui a déposé cela, il y a de fortes probabilités qu’il aille au tribunal correctionnel", se félicite le major Yann Godet. De son côté, le chef d’escadron Thibaud Latil admet qu'il y a quelques années, personne ne les prévenait. "Car les gens se disaient : 'le temps qu’ils arrivent, il ne se passera rien'. Maintenant, souvent on nous appelle et on arrive à faire des affaires en flagrant délit. On est beaucoup plus réactif", affirme-t-il.
Neuf personnes ont été convoquées cette année par la justice. La peine maximale encourue est de 2 ans de prison et 75 000 euros d’amende.