Bac 2019 : la date approche, les conseils d'un pro de la mémorisation

Propos recueillis par Audrey Le Guellec
Publié le 16 juin 2019 à 12h45, mis à jour le 16 juin 2019 à 12h56

Source : Sujet JT LCI

ÉCLAIRAGE - A l’approche du bac 2019, certains candidats cherchent encore, tant bien que mal, à mémoriser ces fameux chapitres, concepts ou formules qui ont décidément du mal à "rentrer". Convaincu qu’il faut comprendre un minimum comment fonctionne sa mémoire pour la mettre à profit, un spécialiste de l'hyper-mémorisation livre ses conseils.

Comment stocker en quelques semaines, voire quelques jours, les cours d’une année entière ? Avant les épreuves officielles du baccalauréat, ce devoir de mémorisation en est une à part entière pour les candidats, qui se retrouvent parfois démunis faute de techniques, et surtout de connaissances de leur mémoire. "Pour apprendre et retenir, c’est bien de savoir comment fonctionne la machine", insiste, en référence au cerveau et ses ressources souvent insoupçonnées, Jean-Yves Ponce, auteur de plusieurs ouvrages sur la mémorisation dont Napoléon joue de la cornemuse dans un bus et Une mémoire extraordinaire

Décrit comme un virtuose de la mémoire, celui qui avait bluffé l'animateur Christophe Dechavanne en retrouvant parmi cinquante empreintes digitales celle d’une certaine Lydie dans l’émission "Les Extraordinaires" regrette, comme de nombreux parents qui font appel à son expertise, que les élèves ne soient pas sensibilisés aux techniques d'assimilation et de mémorisation.  

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      Mais comment fonctionne vraiment cette fameuse machine ? Apprendre par cœur est-il, comme certains l'avancent, "inutile" ? Et quels sont les trucs à savoir pour réviser vite et bien ? LCI a posé ces questions, et quelques autres, à Jean-Yves Ponce. 

      La mémoire a besoin de quelques répétitions mais pas de passer sa vie à répéter
      Jean-Yves Ponce

      LCI : Comment fonctionne notre mémoire ? 

      Jean-Yves Ponce : Il y a plusieurs types de mémoire. Celle qu’on utilise le plus souvent, c’est la mémoire à court terme. Elle a un autre nom : la mémoire de travail. On l’appelle comme ça parce que lorsqu'on est en train d’apprendre quelque chose de vraiment nouveau, ça fait "mal à la tête". C’est signe que le cerveau travaille pour décortiquer les informations, les ranger et les raccrocher à quelque chose que l’on connait peut-être déjà.

      Mais comme la mémoire a besoin de s’exercer, au bout d’un moment, à force de répétitions, on fait entrer les informations dans la mémoire à moyen terme. Cela signifie que la mémoire garde les informations au cas où. L’idée c’est : en répétant une information, on envoie le message au cerveau que celle-ci est plus importante que les autres. Si on arrête de la répéter, la mémoire va la chasser. Pourquoi ? Tout simplement parce que la mémoire à court terme ne peut pas stocker beaucoup d’éléments. Elle est un peu comme un post-it avec une contenance limitée. La conséquence, c’est que lorsqu’on se retrouve confronté à devoir réviser vite quelque chose de complexe avec beaucoup d’informations, qu’on n’est pas certain d’avoir compris de surcroît, la mémoire à court terme qui doit se recharger vite va faire des sacrifices. Elle va sacrifier ce qu’elle ne comprend pas et ce qui est inutile à ses yeux.

      Et donc comment se fait finalement le transfert de la mémoire de travail à celle de moyen terme puis de long terme ? Et bien tout, ou l’essentiel, se passe pendant la nuit. C’est-à-dire que le cerveau ne dort pas, il classe les informations : ce qui est utile, ce qu’il comprend, ce qui est mémorable… A force de rappeler les informations qui se trouvent dans la mémoire à moyen terme, celles-ci sont transférées dans la mémoire à long terme et là, ce sont des choses qu’on ne peut normalement plus trop oublier.

      LCI : Et que penser du fameux "apprendre par cœur, c’est inutile", que l’on entend si souvent ?

      Jean-Yves Ponce : Il est certain que pour mémoriser, il faut répéter les choses, c’est pour ça qu’on parle d’apprentissage par cœur. Mais cet apprentissage n’est basé que sur les répétitions. Ça veut dire qu’à partir du moment où vous allez arrêter de répéter, tout va s’échapper. D’ailleurs, bien souvent, quand on est à l’école et que l’on apprend par cœur tous les jours, une fois que l’examen est passé, on oublie tout. C’est assez effrayant de constater à quel point, mais c’est uniquement lié à une mauvaise stratégie de mémorisation.

      LCI : Avoir une "bonne mémoire" est donc à la portée de tous, à condition de savoir solliciter cette fameuse mémoire à long terme ?

      Jean-Yves Ponce : Exactement. Les spécialistes de la mémorisation - à ne pas confondre avec les spécialistes de la mémoire qui sont des médecins ou des chirurgiens spécialistes du cerveau - savent comment mémoriser les choses et faire en sorte qu’elles entrent dans la mémoire à long terme directement. Mais c’est à la portée de tout le monde. Ça provoque d’ailleurs souvent un vrai effet "wahou" quand on utilise les bonnes stratégies de mémorisation pour la première fois et qu’on découvre qu'elles fonctionnent. La plupart des gens pensent que la mémoire n’est pas capable de faire tout ça, mais une fois qu’on l’a testé une fois ou deux, il y a quelque chose de révolutionnaire là-dedans.

      LCI : Quels sont les trucs que vous recommandez aux étudiants qui se tournent vers vous pour retenir sans oublier ?

      Jean-Yves Ponce : La mémoire a besoin de quelques répétitions mais pas de passer sa vie à répéter. Quand on est parti sur une séance de 4 heures de révisions, on s’imagine qu’on va passer 4 heures à répéter des choses déjà vues. Non, en fait on va répéter mais on va également se préoccuper de ce qu’on a vu la veille et l’avant-veille. Vous l’avez compris, il faut donc répéter intelligemment, c’est-à-dire ne pas répéter par exemple 10.000 fois le lundi et aucune le reste de la semaine. Car le cerveau aura compris le message le premier jour, mais, le mardi et le mercredi, il va se dire ‘ça ne doit pas être important finalement’ et va jeter l’info. 

      En revanche si vous rappelez une seule fois l’information le lundi, puis le mardi, le mercredi et que vous commencez à espacer un peu vos répétitions, c’est beaucoup plus efficace. Dès le premier jour, ce qu’il faut faire après sa séance de révision, c’est s’interroger sur le sujet, comme une sorte de révision mentale pour voir s’il n’y a pas de points importants qui ont été oubliés. Le rappel du second jour, lui, permettra pendant cinq ou dix minutes de voir si avec la nuit qui est passée par là les éléments sont encore suffisamment frais ou si au contraire on a oublié beaucoup de choses. Et si à l’issue du troisième rappel, ces informations sont toujours fraîches, on peut se permettre de la mettre de côté pour une semaine ou deux. Concernant l'importance et la quantité de ces répétitions, cela dépend beaucoup de l’attrait pour le sujet et de sa complexité. S'il s'agit de quelque chose qui nous passionne, il n’y en aura a priori pas besoin de beaucoup. En revanche, s’il s’agit d’un sujet dont on ne voit pas l’intérêt, voire auquel on est totalement réfractaire, il faudra répéter davantage.

      Mais au-delà des répétitions, une autre astuce pour mémoriser consiste à associer l’idée à quelque chose d’un peu loufoque pour la rendre un peu plus facile à retenir. Prenez l’exemple d’une voiture noire croisée le matin, elle ne retiendra pas votre attention. En revanche, la voiture rose avec des gens qui dansent dessus, oui. En résumé, parce que ce que vous avez vu est saugrenu, vous aurez beaucoup plus de facilité à transporter cette information dans la mémoire à moyen terme. Enfin, il y a quelque chose qui fonctionne aussi très bien, c’est l’approche sous forme de jeux. Des jeux vidéo par exemple. 

      Examens : comment les jeux vidéo peuvent-ils aider à réviser ?Source : JT 20h WE

      Les jours qui précèdent l’examen, il ne faut pas négliger l’hygiène du cerveau, son bien être
      Jean-Yves Ponce

      LCI : Et pour tout ce qui relève moins de la compréhension que de la densité des informations (dates, noms propres, listes…) ?

      Jean-Yves Ponce : Dans  ce cas, les arts de la mémoire peuvent s’avérer très précieux. C’est quelque chose qui existe depuis l’Antiquité, à une époque où les orateurs grecs et romains n’avaient pas de mémoire externe et devaient tout mémoriser de tête. Pour ce faire, ils utilisaient les lieux qu’ils connaissaient, comme des temples qu’ils fréquentaient ou les chemins de la ville par exemple, pour y placer mentalement des images ou des objets symbolisant les points qu’ils souhaitaient retenir. C’est quelque chose qu’on fait naturellement en tant qu’être humain : on n’a pas besoin d’être chez soi par exemple pour savoir que les ciseaux ou un stylo se trouve à tel endroit. Et bien en matière de révision, il s’agit de remplacer les ciseaux par des cours d’histoire par exemple.

      En fait, dès qu’il y a beaucoup d’informations, des noms compliqués à retenir ou des listes et des définitions, on peut les disposer dans un 'palais de la mémoire'. L’idée c’est de synthétiser les cours en petites images morales que l’on va disposer tout au long de ce parcours, autour de chez nous, etc.. Chacun peut construire son propre palais de la mémoire. 

      LCI : Au-delà des techniques en tant que telles, y a-t-il des "bonnes pratiques" à mettre en œuvre, en terme d’hygiène de vie par exemple, pour chouchouter notre mémoire ?

      Jean-Yves Ponce : Sur la dernière ligne droite, les jours qui précèdent l’examen, il ne faut pas négliger l’hygiène du cerveau, son bien être. Cela passe notamment par le sommeil mais aussi l’hydratation. Le cerveau a besoin d’eau pour fonctionner correctement. Boire un verre d’eau en se levant avant un examen peut sembler anodin mais tous les étudiants n’y pensent pas. Dans le même esprit, il ne faut pas hésiter à boire un verre d’eau quand on sent qu’on décroche pour travailler en étant concentré. Et à faire des pauses régulièrement, car un cerveau sans pause est en apnée. Enfin, ce qui fonctionne bien aussi, c’est de s’accorder quelques minutes dans le silence pour se retrouver seul avec ses pensées, un peu comme une forme de méditation.


      Propos recueillis par Audrey Le Guellec

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