Quelles tendances pour ce mercato d'hiver ? On a pris la température avec un agent

Propos recueillis par Yohan ROBLIN
Publié le 8 janvier 2019 à 19h03, mis à jour le 10 janvier 2019 à 12h36

Source : Sujet TF1 Info

DÉCRYPTAGE - Jusqu'au 31 janvier prochain, le traditionnel marché des transferts va tenir en haleine les amoureux de football. Quels joueurs vont changer de clubs ? Quelles équipes vont investir massivement ? LCI a discuté avec Yvan Le Mée, agent de footballeurs reconnu, des possibles mouvements en France et à l'étranger.

Le mercato hivernal a officiellement ouvert ses portes. Depuis le mardi 1er janvier à minuit, l'Europe du football s'active sur le marché des transferts pour tenter de réussir quelques bons coups. Toutes les équipes, quelles soient engagées dans une des Coupes d'Europe, bien placées pour jouer une qualification européenne ou bien à la lutte pour accrocher leur maintien, cherchent à se renforcer avant d'entamer la deuxième partie de saison. Mais trouver la perle rare au beau milieu de l'hiver n'est jamais chose aisée. En effet, traditionnellement, en janvier, les dirigeants et entraîneurs ne consentent pas à se délester d'éléments qu'ils pourraient mieux vendre l'été suivant et effectuent des "retouches" à la marge.

Une semaine après l'ouverture du mercato hivernal, LCI s'est entretenu avec Yvan Le Mée, agent de footballeurs depuis plus de quinze ans qui a beaucoup travaillé avec l'OM par le passé. L'occasion de faire un point avec celui qui conseille Romain Alessandrini, Sofiane Boufal ou encore Martin Terrier sur les tendances du marché des transferts cet hiver.

LCI : Chaque année, la question d'une suppression du marché d'hiver se pose. Qualifié "d'injuste" par ses détracteurs, il déstabiliserait les effectifs. Faut-il l'abandonner ?

Yvan LE MÉE : Le mercato d'hiver est une période d'ajustement et de correction. En Italie, ils l'appellent "il mercato di reparazione" parce que c'est l'occasion de "réparer" une équipe qui ne va pas bien. La situation de l'AS Monaco est un bel exemple que le marché de janvier ne doit pas disparaître. Le mercato est loin d'être une science exacte et vous pouvez parfois faire des erreurs. Pensez un peu si, aujourd'hui, Monaco n'avait pas la possibilité de les corriger. On est tous d'accord pour dire que ce serait un accident industriel si l'ASM venait à tomber en Ligue 2. On a salué pendant des années le travail de ses dirigeants. Parfois, vous pouvez vous planter. C'est quand même bien de donner une chance à une équipe de rattraper le coup.

Monaco va être hyperactif sur le marché (...) et prendre trois ou quatre joueurs
Yvan LE MÉE

LCI : La fenêtre hivernale est ouverte depuis le 1er janvier à minuit et se refermera le 31 janvier prochain. Doit-on s'attendre à un mercato animé en Ligue 1 ?

Yvan LE MÉE : Monaco va être hyperactif. Les Monégasques vont animer le marché de ce mois de janvier. Ils vont prendre trois ou quatre joueurs (Naldo a déjà rejoint le Rocher, ndlr) pour assurer son maintien. Ils ont les moyens financiers, donc ils ne vont pas se priver de recruter. Marseille a, pour sa part, l'obligation de bouger. Mais l'OM rencontre des problèmes économiques et de fair-play financier, à l'image du PSG. Les dirigeants olympiens vont être obligés de sortir des joueurs avant de pouvoir agir sur le mercato. Le souci, pour eux, c'est qu'il n'y a pas énormément de joueurs de l'effectif marseillais qui sont demandés sur le marché. Le LOSC, lui, a besoin de vendre par rapport au remboursement du crédit sur l'acquisition du club. En cas de vente pour une trentaine de millions, vu qu'ils sont bien placés pour jouer une qualification européenne ou gagner de l'argent avec la prime de classification des droits TV, les Lillois vont aussi recruter, sans doute, pour 5 à 10 millions d'euros.

Le mercato du PSG est lié au fair-play financier. Quand vous jouez le haut du tableau et que vous achetez des joueurs à 50 millions d'euros, c'est dur de trouver une recrue à ce prix-là en janvier. Si vous n'avez pas l'argent, c'est encore plus compliqué. La tâche du PSG cet hiver relève de l'exploit. À mon avis, les Parisiens ne devraient pas recruter, finir la saison comme ça avec le même effectif et attendre l'été pour aller chercher le joueur qu'ils souhaitent vraiment.

Concernant Bordeaux, il faut attendre de voir ce que GACP, le nouveau propriétaire, va acter. C'est toujours la même inconnue quand il y a de nouveaux repreneurs qui arrivent. Je ne les vois pas très actif cet hiver, je pense qu'ils vont se mettre en place gentiment et faire un gros mercato l'été prochain. Saint-Étienne et Lyon feront peut-être une retouche. À Nantes, ça ne bougera pas sauf si Emiliano Sala s'en va. Les Canaris auront toutefois des difficultés à remplacer leur meilleur buteur (12 buts en 17 matches de Ligue 1 cette saison, ndlr).

LCI : Beaucoup de clubs français sont donc dans l'obligation de vendre pour pouvoir acheter ensuite. Est-il facile de pousser un joueur à partir l'hiver ?

Yvan LE MÉE : De nombreux paramètres familiaux sont à prendre en considération dans la gestion de la carrière d'un joueur. Sa compagne peut travailler, ce n'est pas évident de tout plaquer en janvier. Il y a aussi des enfants à qui il faut faire recommencer une scolarité ailleurs. Si le joueur part pour un transfert, c'est une chose. Si c'est pour un prêt de six mois, c'en est une autre. Ça n'a l'air de rien comme ça mais des fois, quand un club veut pousser l'un de ses joueurs à partir en plein hiver, celui-ci répond "non" parce qu'il ne veut pas laisser sa famille seule et chambouler pour quelques mois la vie de ses proches.

Cardiff va peut-être faire une folie sur Emiliano Sala en surpayant sa valeur
Yvan LE MÉE

LCI : En France, le mercato hivernal est réputé habituellement calme. Tout l'inverse de l'Angleterre, où les clubs de Premier League n'hésitent pas à débourser des montants colossaux en janvier. Pourquoi existe-t-il une telle différence ?

Yvan LE MÉE : Prenez l'exemple de Cardiff. Les "Bluebirds" sont remontés en Premier League cette année et veulent à tout prix se maintenir. Les Gallois sont à peu près dans les clous pour remplir leur objectif. Aujourd'hui, les dirigeants vont peut-être faire une folie sur Emiliano Sala (sous contrat avec le FC Nantes jusqu'en 2020, ndlr) en surpayant la valeur réelle du joueur. Le recruter pour 20 à 25 millions d'euros, même s'il n'en vaut que 10, ce n'est dérangeant. En cas de maintien à l'issue de la saison, Cardiff va empocher 90 à 100 millions de droits TV, ça absorbera le coût transfert. Les clubs sont prêts à tout et n'importe quoi pour rester en Premier League, c'est pour ça qu'ils font exploser le marché aujourd'hui.

SEBASTIEN SALOM GOMIS / AFP

LCI : Parmi les joueurs que vous représentez, en France et à l'étranger, certains d'entre eux ont-ils été approchés dernièrement par des formations anglaises ?

Yvan LE MÉE : Jean-Pierre Nsamé, qui joue aux Young Boys de Berne, est suivi par des équipes anglaises. On se tâte aujourd'hui entre les Boys, où il n'est pas complètement titulaire, et un départ cet hiver. Évidemment, s'il y a une offre intéressante d'un club de Premier League, vous y réfléchissez. Tous les joueurs rêvent d'y aller. C'est la destination numéro un. Quand vous mettez un pied là-bas, et que vous êtes bon, vous y restez. Les Anglais ont besoin de voir les joueurs sur place. Il vaut mieux jouer une saison à Huddersfield et être vu pour aller jouer ensuite à Arsenal que de refuser la Premier League. Je fais souvent le parallèle avec la NBA, l'important c'est d'y rentrer et après vous pouvez aller dans les grosses franchises.


Propos recueillis par Yohan ROBLIN

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