ESCLAVAGE - Après de multiples réclamations, l'enseigne "Au Nègre Joyeux", ultime vestige d'une ancienne chocolaterie et rappel d'une époque coloniale, certes révolue, mais qui a bel et bien existé, va quitter la façade du 14 rue Mouffetard à Paris. Ainsi en a décidé ce lundi le Conseil de Paris.
Peut-on maintenir sur la voie publique les restes d'un passé peu glorieux ? La question s'est posée plus d'une fois à propos d'une enseigne très ancienne, installée sur la façade du 14, rue Mouffetard à Paris, baptisée "Au Nègre joyeux". Sur cette fresque, seul élément subsistant d'une chocolaterie qui aurait été ouverte en 1748, on y voit un homme noir souriant, serviteur ou esclave, et une femme blanche de la haute société. Une scène d'un autre temps, objet de polémiques récurrentes ces dernières années.
Le Conseil de Paris, très partagé sur le sujet, a finalement tranché. L'enseigne va être enlevée pour être rénovée puis exposée au musée Carnavalet. Le groupe communiste, à l'origine de cette proposition, a dénoncé par la voix de Raphaëlle Primet "une présence insultante et blessante" sur l'espace public, qui rappelle les "crimes de l'esclavage". Le groupe demande également la création d'un musée de l'esclavage.
Effacer les traces ou se souvenir ?
Bruno Julliard, le premier adjoint de la maire PS de Paris Anne Hidalgo, s'est rangé du côté de cet amendement communiste, de crainte d'une éventuelle "instrumentalisation" d'un rejet de la proposition. "Mais je pense qu'il faut faire le pari de l'intelligence de nos concitoyens et qu'il vaut mieux expliquer les traces de notre histoire". "Je ne pense pas que le meilleur travail pédagogique soit d'effacer ces traces et de les réserver à un musée", a-t-il ajouté en citant des associations noires ou encore des historiens eux-mêmes très divisés sur le sujet. Il a précisé à l'AFP vouloir revenir dans quelques mois devant le Conseil de Paris avec une proposition consensuelle.
La maire Les Républicains du Ve arrondissement Florence Berthout, rappelant que "l'esclavage fut une abomination", a estimé au contraire que ce type d'enseigne était un "marqueur de notre continuité historique et le marqueur d'une époque", en plaidant, comme les habitants, pour une plaque explicative apposée à proximité. Sandrine Mees (EELV) s'était également prononcée pour le maintien de l'enseigne, "pour ne pas cacher l'histoire mais au contraire pour se souvenir".
Selon le site Divergens, à Paris, ces enseignes ne sont pas les seules références coloniales. La "palme" reviendrait au 12e arrondissement. Alfred Fierro, dans son "Histoire et mémoires du nom des rues de Paris", publié en 1999, recense 151 appellations de rues, avenues, et autres lieux ayant trait à la colonisation française. Il en donne même un pourcentage : 37% sur la totalité des voies du secteur.