Souleymane, 14 ans, premier de sa classe, risque de dormir dans la rue

Publié le 9 juillet 2016 à 16h20
Souleymane, 14 ans, premier de sa classe, risque de dormir dans la rue

EXPULSION - Souleymane, 14 ans, terminait son troisième trimestre avec les compliments du conseil de classe. Aujourd'hui, il risque de se retrouver sans toit, la fin de l'année coïncidant avec l'expulsion de sa famille.

Il a brillamment achevé son année scolaire mais il risque de dormir dans la rue. La semaine dernière, Souleymane, 14 ans, terminait son troisième trimestre avec les compliments du conseil de classe. Aujourd'hui, il risque de se retrouver sans toit, la fin de l'année coïncidant avec l'expulsion de sa famille.

Les expulsions des familles avec enfants scolarisés sont généralement suspendues pendant l'année scolaire pour ne pas arracher les enfants à leur environnement. "Dès la fin de l'année scolaire, il y a une vague d'expulsions qui dure tout l'été", explique le secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées René Dutrey, qui s'en alarme: pour les familles, "l'expulsion c'est le moment de décrochage, le début de l'errance d'hôtel en hôtel."

"Je rêve qu'ils sont là, qu'ils défoncent la porte"

Dans le petit deux-pièces qu'elle occupe à Paris depuis quatorze ans, la mère de Souleymane, Bineta S., 51 ans, a préparé quelques cartons "en prévision". Mise à la porte par sa propriétaire qui souhaite revendre l'appartement, elle a reçu un courrier du commissariat lui intimant de quitter les lieux. La menace est imminente. "Je rêve qu'ils sont là, qu'ils défoncent la porte", confie-t-elle.

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C'est pour son fils surtout que Bineta, qui vit du RSA, s'inquiète : "il est premier de sa classe. Si on se retrouve à l'hôtel, il ne pourra pas travailler, on ne pourra même pas se faire à manger." Alors elle l'a envoyé dans la famille, au Sénégal, pour ne "pas qu'il soit là".

La propriétaire possède plus de 35 logements

Pour Benoît Filippi, économiste du logement et membre du réseau Stop aux expulsions de logement (Résel), l'expulsion de cette famille qui a toujours payé ses loyers enfreint la loi Alur, adoptée en mars 2014. Celle-ci prévoit que le juge peut "vérifier la réalité du motif du congé" et le déclarer "non valide si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes".

Dans le cas de Bineta, "la propriétaire met en avant une situation financière qui la met aux abois, mais elle possède plus de 35 logements, dont certains vacants, qu'elle pourrait vendre", expose Benoît Filippi, estimant que si elle s'en prend à la locataire, c'est une "mesure de rétorsion": la locataire l'avait contrainte à effectuer de coûteux travaux de lutte contre le saturnisme dans l'appartement.

11.000 expulsions "manu militari"

Des milliers de familles sont expulsées durant l'été. Certaines, comme Bineta, sont pourtant reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo). La circulaire Valls/Duflot du 26 octobre 2012 avait d'ailleurs demandé aux préfets de "veiller à mettre en oeuvre systématiquement le relogement effectif du ménage" reconnu prioritaire Dalo avant l'expulsion.

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Une circulaire "très insuffisamment respectée", a commenté le Défenseur des droits, Jacques Toubon, interrogé par l'AFP. Or l'expulsion de familles prioritaires Dalo est "contraire à deux droits fondamentaux: le droit au logement et le droit des enfants à être mis à l'abri".

En 2014, en France, plus de 132.000 décisions d'expulsion ont été prononcées, et 59.357 commandements de quitter les lieux, selon les chiffres de la Fondation Abbé-Pierre. Dans plus de 11.000 cas, l'expulsion s'est déroulée "manu militari".

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La rédaction de TF1info

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