ENVOL - Pour son drone nouvelle génération, l'entreprise française Parrot a repris la conception de zéro, est partie des besoins de l'utilisateur et s'est inspirée pour son design... de celui des insectes.
"Pour réussir dans la tech, il faut faire des choses compliquées", explique Henri Seydoux, dans son bureau vitré, posé au milieu de l'open-space de ses ingénieurs, sur les bords du Canal Saint-Martin. Compliqué aussi, le parcours de Parrot ces dernières années. Pionnier du drone, qu'il avait lancé à grand bruit au CES de Las Vegas en 2010, le constructeur s'est heurté à une concurrence féroce, et véloce, quand des marques - le chinois DJI en tête - se sont mises à investir à marche forcée, sortant des gammes entières de drones vite devenus convaincants. Le fondateur de Parrot allait-il pour autant se retirer des drones grand public ? La réponse tient dans la main, et s'appelle Anafi.
Pourtant, compliquée, la création d'un drone original l'est aussi. Le drone est aujourd'hui à l'intersection de toute une série d'états de l'art de la technologie, de la navigation autonome, des capteurs, du sans fil, du traitement d'image. Un peu comme dans un smartphone, chaque fonction, chaque composant en plus, chaque choix de design est un compromis, dans une machine qui doit faire le plus possible sans mettre en danger la fiabilité ou l'autonomie.
Une caméra qui vole, simple, légère et autonome
Pour ce qui ressemble à une renaissance, Parrot est parti d'une feuille blanche, en listant les qualités les plus demandées par ses utilisateurs. D'abord, un drone n'est plus un jouet volant radiocommandé, c'est avant tout une caméra qui irait dans les airs, un engin complexe, mais dont l'utilisation serait simple, une machine facile à transporter, dont l'autonomie ne serait pas un handicap. Des paramètres qui ont un peu servi de bible de design au nouveau drone.
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De quoi expliquer que, pour la première fois, Parrot signe un drone repliable, qui tient dans un étui de transport de la taille d'un sandwich. Sur la balance, Anafi pèse 320 grammes, batterie comprise, un poids qui surprend presque quand on soupèse l'appareil pour la première fois, et pourtant, tout est là. La batterie, justement, a été privilégiée, affichant 25 minutes d'autonomie en vol. "Et ce sont 25 vraies minutes", assure le patron de Parrot.
Mais il vole aussi...
Mais c'est surtout sur la caméra que les efforts de Parrot se sont concentrés. Une caméra 4K en vidéo, et 21 megapixels en photo, et pour la première fois chez Parrot une caméra stabilisée dans une nacelle, isolée des vibrations du drone. Le placement de la caméra permet aussi des plans créatifs, comme des contre-plongées, la caméra pouvant se tourner vers le haut sans que les hélices du drone ne fassent obstacle à l'image. Bonne surprise pour un drone grand public : on peut prendre des images dans des formats d'ordinaire réservés aux professionnels, le RAW pour la photo, et le LOG pour la vidéo, pour gérer plus finement la colorimétrie au montage. Aussi rare dans ce genre de drones : un zoom, numérique mais sans perte de qualité, qui joue sur la résolution du capteur, de quoi promettre des modes de tournages créatifs, comme le Dolly Zoom, le fameux "effet Vertigo".
Une fois en vol, on pourra contrôler Anafi grâce à la télécommande Skycontroller livrée avec l'appareil, en y enchâssant son smartphone iOS ou Android, et l'application Freeflight qui contrôle toutes les fonctions du drone. Beaucoup ici a été fait sur les modes créatifs, quand le drone peut vous suivre ou virevolter autour de vous, prendre des dronies (selfies avec un drone), ou suivre au GPS un itinéraire prédéterminé, pour faire le tour d'un bâtiment par exemple. Bon point pour le travail fait sur la communication sans fil, le système affiche une portée théorique de 4 kilomètres, bien au-delà de ce que permet la loi française qui, elle, oblige à garder son drone à portée de vue. Seule fonction manquante, la détection et l'évitement d'obstacles, que l'on trouve chez DJI dans des modèles de gamme équivalente.
Un design bio-inspiré
Avec ses ailes en croix fixées au torse, sa batterie comme un gros abdomen, et une caméra à la place des yeux, de fait, Anafi fait penser à un insecte ; une abeille par exemple. A écouter le constructeur, pourquoi améliorer un design que la nature a mis tant de temps à affiner ? Pour le reste, pour le design industriel, celui du Skycontroller aussi, Parrot a fait appel à la fine fleur des designers français, Philippe Starck et Jean-Louis Fréchin entre autres, même si Henri Seydoux avoue lui aussi avoir tenu le crayon.
Pour Parrot et son patron, Anafi fait office de reboot. Les mini-drones à bas prix ont disparu des rayons, l'aile Disco aussi. Anafi sera le premier d'une gamme remaniée, dont on verra si elle évolue vers des modèles plus simples et moins chers ou vers des machines plus haut de gamme, ou les deux. Pour l'instant, Parrot voit en Anafi la machine à tout faire de monsieur tout-le-monde, l'utilisateur de drone de loisir, le Youtubeur à la recherche d'images créatives, mais aussi l'agent immobilier, le policier ou le pompier, qui ont tous parfois besoin de prendre de la hauteur.
Si tu n'as pas 50 millions à investir dans ton drone, c'est pas la peine d'y aller.
Henri Seydoux, Fondateur de Parrot
A 699 euros, le drone est bien placé face à la concurrence, et devra se vendre en nombre pour que ses créateurs s'y retrouvent. Et pour cause : Anafi est un projet qui a pris plus de deux ans, pour une équipe de 250 personnes. "En clair, si tu n'as pas 50 millions à investir dans ton drone, c'est pas la peine d'y aller", sourit Henri Seydoux. De quoi poser clairement l'enjeu financier pour la marque, qui paierait cher un échec de plus. Le suspense ne durera plus longtemps, Anafi sort dans le commerce le 1er juillet prochain.