NUMÉRIQUE – Le président français a reçu à l’Elysée le gratin de la "French Tech", mardi soir. Le chef de l’Etat a annoncé des mesures pour permettre aux pépites tricolores de trouver en France des moyens financiers à la hauteur de leurs ambitions. Et un défi de taille à relever : évangéliser les territoires les moins favorisés.
La scène, plutôt cocasse, n'a échappé à personne. L'homme d'affaires Xavier Niel n'en revenait pas lui-même. Se frayant un chemin invisible, l'entrepreneur français, pourtant l'un des VIP de ce grand raout élyséen, s'est vu éconduire par l'agent de sécurité, l'enjoignant à faire la queue, comme les autres. Ce mardi soir au Château, le patron de Free était - presque - un startupeurs comme les autres, au milieu de la fine fleur "French Tech" qui était conviée à l'Elysée en ouverture de la convention organisée par France Digitale, l'association qui fédère les entreprises du secteur.
"Si vous voulez changer le monde, la France n’est pas la pire place pour le faire et nous sommes en train d’y arriver", s'est félicité le chef de l'Etat, devant un public conquis.
Saluant d'emblée les progrès fulgurants du financement des start-ups en France (2,8 milliards d’euros en 2017, 3,6 milliards d’euros en 2018 et plus de 5 milliards attendus en 2019 avec déjà 13 levées de fonds de plus de 50 millions d’euros), le président a annoncé plusieurs mesures à destination de ces "licornes", ces fameuses entreprises non cotée en bourse dont la valeur dépasse déjà le milliard de dollars (comme Doctolib ou Blablacar). Actuellement au nombre de sept, Emmanuel Macron en espère plus du triple d'ici à 2025. Le défi est ambitieux. "Cette bataille est essentielle. C’est une question de souveraineté technologique et économique", a déclaré le chef de l’Etat. Il en va également, selon lui, de la capacité de la France à créer des emplois d'avenir.
5 milliards d'euros sur trois ans
Aux États-Unis, entre un tiers et la moitié des créations nettes d'emplois sont liées directement ou indirectement à la technologie, alors qu'en France, le ratio est sans doute plus proche de 10%. Pour atteindre cet objectif, Emmanuel Macron a annoncé une enveloppe substantielle de 5 milliards d’euros d'ici à trois ans dans des fonds spécialisés dans les technologies. De quoi "financer des tickets plus importants" lors des prochaines levées de fonds, a-t-il expliqué. Faute de trouver des capitaux en France, les jeunes pousses tricolores en pleine croissance cèdent plus facilement aux fonds d'investissement américains. Cet argent doit justement contribuer à doper les très grosses levées de fonds, stimuler le marché boursier français dédié au numérique, et attirer des investisseurs du monde entier, a fait valoir le président de la République.
Vers un Cac40 de la tech
Parallèlement à cette annonce, le gouvernement a dévoilé ce mercredi matin la liste des 40 entreprises technologiques prometteuses qui seront réunies dans le "Next 40". Une sorte de Cac 40 des start-ups qui bénéficieront d'un sacré coup de pouce avec une plus grande visibilité et épaulé par un programme d’accompagnement public plus poussé. Elles seront, par exemple, favorisées pour se joindre aux voyages officiels du président et des responsables gouvernementaux à l'étranger. Un réseau de 45 "correspondants French Tech va également être mis en place dans l’administration afin de leur faciliter au maximum les démarches. "Au moins 7000 emplois directs vont être créer dans les mois à venir", promet Emmanuel Macron.
Vers davantage de diversité dans la Tech ?
Le gouvernement estime, en effet, que la France a une carte à jouer pour créer de nombreux emplois dans le secteur technologique dans les années à venir. "Les emplois francs (un dispositif lancé fin 2013 pour favoriser l’emploi des jeunes défavorisés, ndlr) sont sous-utilisés par les entreprises de la Tech. Ce sont des jeunes et moins jeunes issus des quartiers que vous pouvez engager", a suggéré le président, appelant les entrepreneurs à s'engager davantage dans la "bataille des ressources humaines".
"Le président nous a clairement été demandé de créer des emplois et d'aller recruter les personnes qui sont à l'écart. Le problème, c’est que les dispositifs en place sont trop souvent méconnus des acteurs du secteur", pointe Guillaume Thomas, président fondateur de Aladom, une start-up spécialisée dans les services à la personne, basée à Rennes.
Convaincu du discours d'Emmanuel Macron, Anil Ciftci, fondateur de French Tess, une association qui promeut l'entrepreneuriat dans le 93, a salué les mots du président français. "La French Tech doit être un vecteur de mobilité sociale et éducative. La banlieue est un vivier de talents et de créativités pour l'écosystème numérique. Ce n'est pas une question de charité, il s'agit d'être compétitif face à des concurrents qui ont compris l'intérêt d'avoir une équipe composée de collaborateurs avec des différences sociales, géographiques, ethniques", explique le jeune homme. Pour Eric Pierrel, président de la coopérative French Tech in the Alps-Grenoble (qui regroupe 400 sociétés du secteur numérique), le succès de l'opération repose sur un travail plus étroit en lien avec les acteurs de l’inclusion (mission locale, CCAS, associations diverses ...).
Dévoilé en juillet dernier par le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O, le programme French Tech Tremplin, doté de 15 millions d'euros, doit justement permettre à des profils issus de milieux défavorisés (habitants des quartiers prioritaires, réfugiés, bénéficiaires de minima sociaux et autres étudiants boursiers) de se faire une place dans l'écosystème start-up français. Comme le pointe elle-même la Mission French Tech, 90% des dirigeants de start-ups sont des hommes, en très grande majorité blancs et issus de milieux favorisés. Deux ans après le raté French Tech Diversité, qui a fini par être abandonné, ce nouveau dispositif se veut plus adapté. Il doit permettre, dans un premier temps, de financer une préparation de six mois pour permettre au futur entrepreneur de se créer un premier réseau. Puis, en mai 2020, le volet incubation débutera pour accompagner une première promotion de start-ups pendant un an.
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