JEU VIDÉO – Chaque jeu présenté par Ubisoft semble provoquer des polémiques ces derniers temps. Après la Bolivie fâchée par l’image donnée du pays dans Ghost Recon Wildlands, c’est au tour du prochain Far Cry 5 de faire parler de lui. Le jeu se déroule dans le Montana et met en scène des nationalistes blancs américains dans le rôle… des méchants !
Après la Bolivie, Ubisoft est en passe de se faire de nouveaux amis… dans le Montana. L’éditeur français a dévoilé cette semaine les premières informations sur son prochain jeu, Far Cry 5. Une série culte pour beaucoup, emblématique pour Ubisoft qui lui a réservé tout ce que l’humanité compte de pire, de tueurs sanguinaires aux psychopathes les plus tordus. Que l’on apprécie ce genre de jeu vidéo ou non, il faut lui reconnaître un style et une ambiance, en plus d’un visuel plutôt très réussi. Le 5e opus de la licence poursuit dans la lignée.
Jusqu’à présent, Ubisoft s’était attelé à expédier ses joueurs dans des pays ou lieux exotiques, bien souvent fictifs (une île du Pacifique, un pays africain, au cœur de l’Himalaya, en pleine préhistoire, etc.). Rien n’était réellement identifié ou identifiable. Ça, c’était avant Far Cry 5. Car cette fois, le cadre est bien défini : le Montana.
Le studio montréalais du géant français, à la tête du développement, bascule la licence aux Etats-Unis pour "une nouvelle expérience explosive (avec) du chaos, de l’imprévisibilité et de la violence", nous promet-ton. Et son terrain de jeu sera la ville fictive d’Hope County. Tout aurait bien pu se dérouler et les joueurs attendre patiemment sa sortie le 27 février 2018. Mais c’était sans compter les réactions d’une partie des Américains.
La simple apparition du visuel du jeu mercredi 24 mai a mis un début de feu aux poudres de l’Amérique profonde. Celle qui s’est dite outrée par la vision de cette représentation du personnage central tel Jésus dans le tableau La Cène, un livre religieux, entouré de drôles d’apôtres barbus armés de couteaux, de chaînes et de fusils sur fond de vertes collines du Montana. Les méchants, cette fois-ci, seront de blancs Américains et une secte de fanatiques survivalistes. Et surtout, tous les symboles de l'Amérique rurale sont présents (la tarte, la cruche, la bouteille de bière, le steak, le drapeau américain...). De là à voir une critique d’une part sombre des Etats-Unis, un tacle à l’intention des suprémacistes, soutiens de Donald Trump et autres mouvements nationalistes, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi.
Avant même la sortie des premières images vidéo vendredi, l’extrême droite américaine est montée au créneau dans les pas de Paul Ray Ramsey, chantre du nationalisme et de l’islamophobie qui n’a jamais caché son soutien à Donald Trump ou encore Marine Le Pen.
Guess who are the villains in the new Far Cry game? Muslim terrorists who explode nail bombs? ISIS who burn people alive? Nope. Christians. pic.twitter.com/OGodCAGd6Y — RAMZPAUL (@ramzpaul) 24 mai 2017
"Devinez qui sont les méchants dans le prochain jeu Far Cry ? Des terroristes musulmans qui font exploser des bombes ? Daech qui brûle des gens vivants ? Nope. Des chrétiens.”
Dans Far Cry 5, le nouveau vilain est un fondamentaliste américain à la tête d’une organisation sectaire, Projet d’Eden’s Gate, qui projette en secret un coup d’état. La secte a pris l’ascendant sur la communauté de la petite ville d’Hope County qui vit, isolée, dans la terreur et la violence. Vous devrez mener la résistance, libérer les habitants et détruire l’organisation. "Le fait que tout ça pourrait se passer dans votre jardin finalement, est un concept encore plus exotique que de partir à des milliers de kilomètres", explique Dan Hay, directeur créatif du jeu, qui espère que "le jeu instaure une tension crédible".
Ce pitch n’a pas fait que des heureux et les critiques ont commencé à fuser sur les réseaux sociaux, certains jugeant que le jeu était "un simulateur de génocide blanc" et "anti-chrétien". "Les libéraux sont dans une orgie d'auto-satisfaction à la simple idée de tirer sur des électeurs potentiels de Trump dans un espace virtuel", écrit William Hicks sur Heatstreet. Sur Twitter, peu goûtent l’idée que les "patriotes" soient considérés comme des vilains d’un jeu. Car rare sont les jeux où vous deviez tirer sur des Américains, les méchants ayant plus généralement les traits d'anciens Nazis, de terroristes, de zombies ou extra-terrestres. Dans quelques cas pouvaient-ils éventuellement être des mafieux, des étrangers, des narcotrafiquants...
If only... pic.twitter.com/u3qjW5acOB — Bob Chipman (@the_moviebob) 27 mai 2017
"L'Américain moyen est le p***** de vilain dans le nouveau jeu anti-blanc d'Ubisoft. Voilà ce qu'ils pensent des patriotes. Merde à 2017."
Far Cry 5 will be about actual white genocide. you play a brown person who moves in next to some white neighbors and maybe marries one — Spysander Loonerism (@HatredIsMyMuse) 25 mai 2017
"Far Cry 5 sera en fait un génocide blanc. Vous jouez un basané qui vient s'installer près de voisins blancs et qui en épouse peut-être une."
… Ou une approche plus progressiste pour lutter contre le racisme.
Hey, Ubisoft. Something my dad, who lived through apartheid, said: If you're making racists angry, you're probably doing something right. — Tauriq Moosa (@tauriqmoosa) 25 mai 2017
"Hé Ubisoft. Mon père qui a vécu durant l'Apartheid disait : si tu rends les racistes furieux, tu fais probablement quelque chose de bien".
The brilliance of this is that racist edgelords are upset all the baddies are white, and are now asking for more diversity in games. Bravo. pic.twitter.com/pjRJTYwBnu — David Milner (@DaveMilbo) 24 mai 2017
"Ce qui est brillant, c'est que les "edgelords" (nihilistes extrêmistes; souvent adolescents, ndlr) racistes sont énervés que tous les méchants soient blancs et demandent désormais plus de diversité dans les jeux. Bravo."
La licence Far Cry a toujours joué la carte de la controverse, opposant les religions, les races, mais sans faire de la politique son message principal. "Far Cry 5, ce n’est pas l’histoire d’une personne en particulier, d’une religion ou d’un événement, mais il se dégage pourtant l’impression que l’univers de Far Cry est inspiré par le monde réel passé et présent – tout comme les livres, les documentaires, ou les films. Far Cry 5, c’est un travail de fiction qui est pensé pour immerger les joueurs dans un scénario plausible", a expliqué au Monde Emmanuel Carré, porte-parole d’Ubisoft.
Dans Far Cry 5, les joueurs incarnent un jeune shérif propulsé à Hope County pour lutter contre une secte. En avion, dans de grosses voitures ou au volant de semi-remorques typiques, une balade en toute liberté dans une partie de l’état du Montana se profile à l’horizon. Pour vaincre le culte, il faudra se servir d’armes, de ses poings aussi, et recruter des mercenaires. Des éléments qui pourraient quand même parler aux suprémacistes qui critiquent un jeu qui se veut aussi un débat autour de la violence dans les jeux vidéo...
Far Cry 5 sera disponible le 27 février 2018 sur les consoles PS4, Xbox et PC (PEGI 18). De plus amples informations seront données par Ubisoft à l’E3, le salon du jeu vidéo de Los Angeles (13-15 juin). En attendant, les précommandes ont d'ores et déjà explosées.