Et si la 5G venait sortir les campagnes de l’isolement ?

par Mélinda DAVAN-SOULAS
Publié le 23 septembre 2019 à 16h26

Source : JT 20h WE

À TOUTE VITESSE – Avec la présentation de l'"Agenda rural" par le Premier ministre le 20 septembre, la 5G est désormais officiellement au coeur des actions gouvernementales pour sortir les campagnes de l'isolement. Au Royaume-Uni, une initiative dans les zones rurales et reculées est déjà à l’essai. Le projet "5G RuralFirst" connecte campagnes et villages afin de les aider à se développer.

Dit comme ça, le titre de cet article va faire hurler certains lecteurs qui vivent dans des régions où la 4G peine déjà à faire son trou. Pourtant, la 5G, cette future technologie des réseaux, qui doit accélérer tous les échanges, pourrait bien être une solution pour désenclaver certains agriculteurs, faciliter les communications et apporter la technologie plus aisément là où on ne s’y attendait pas, loin des villes privilégiées.

Pour redynamiser les campagnes, Edouard Philippe a en tout cas dévoilé ce vendredi 20 septembre aux maires ruraux son plan d'action global baptisé "Agenda rural". Parmi les préoccupations et priorités, figurent notamment la couverture 4G à améliorer et l'implantation de la 5G, afin de résorber les "zones blanches technologiques" de l'Hexagone dans les cinq ans.

Et pour la 5G, la France aurait tout intérêt à s'inspirer de l'exemple britannique. Au Royaume-Uni, un pays encore majoritairement rural (56% du paysage) et mal couvert en données mobiles (63% du territoire), est ainsi né un vaste programme 5G pour connecter des zones rurales et tester différentes initiatives facilitées par une connexion puissante (jusqu’à 15 Gbits/s). Baptisé "5G RuralFirst", ce projet en place depuis près de dix mois touche des secteurs tout aussi divers que l’agriculture, le tourisme, les énergies ou les transports. 

Trois zones test ont été sélectionnées à travers le pays : les très isolés Orcades (Iles Orkney) au nord de l’Ecosse, la région boisée du Shropshire au nord de l’Angleterre et le Somerset dans la campagne au sud. Glasgow est le cœur du système avec les Datacenters. Au final, le projet s’étend sur des milliers de kilomètres là où, en zone urbaine, il est plus limité en rayon de test. Evidemment, la couverture en 5G est incomplète le long de la ligne nord-sud. Mais elle couvre un large spectre de terres souvent oubliées des connexions ou peu connectées, faute d'intérêt des habitants pour le haut débit.

"Ce qui fonctionne, c’est la force et l’union de 29 acteurs de tous horizons (agriculture, objets connectés, éducation, technologie, etc., ndlr). C’est un véritable projet de co-innovation et c’est là sa force", se félicite auprès de LCI Guillaume Sauvage de Saint-Marc, directeur de l'innovation chez Cisco, spécialiste du matériel réseau en charge du pilotage "du projet d’essai de la 5G en milieu rural le plus ambitieux au monde". Dans ce consortium, on retrouve notamment Microsoft, la BBC, des start-ups, l'université écossaise de Strathclyde, British Telecom et le gouvernement britannique, qui a encouragé l’initiative et en partie subventionné l’ensemble.

Des tests en agriculture comme dans le tourisme

Dans chaque secteur géographique, des projets bien spécifiques sont à l’essai : dans les Orcades, la 5G est ainsi testée pour améliorer le tourisme. L’arrivée d’une connexion plus rapide y a déjà permis le développement d’applications en réalité augmentée dans les villages et de diverses activités liées au haut débit. La faible latence (réponse rapide à une demande) permet aussi de faciliter le suivi des installations en temps réel et donc d'adapter les flux de personnes comme des transports. Les éoliennes ont été raccordées pour obtenir des informations et de quoi adapter plus facilement leur fonctionnement aux besoins et conditions. Les centres d’élevage de saumons disposent également de capteurs installés dans les bassins. La 5G a le mérite d’une faible consommation et assure donc une autonomie de très longue durée à ces installations pour un coût moindre à l'usage.

Plus au sud, les tests se font au niveau des installations agricoles avec la 5G utilisée pour des drones, des machines et tracteurs automatisés. Mais aussi pour le suivi des troupeaux de vaches via des colliers connectés. En temps réel, l’agriculteur peut gérer toute son exploitation (arrosage, semence), son cheptel, ajuster ses coûts, piloter ses appareils et recevoir des alertes immédiates en cas de problèmes. "C’est l’exemple même de la digitalisation qui améliore les processus", souligne Guillaume Sauvage de Saint-Marc. "Cela permet à l’agriculteur d’optimiser ses coûts et son temps".

Un exemple pour la France ?

Ce ne sont là que quelques exemples de la quinzaine de cas d’usage 5G qui sont à l’essai au Royaume-Uni. "Les coûts d’un tel investissement sont élevés donc la solution est de tout digitaliser, des villes aux transports en passant par infrastructures, les entreprises, les installations agricoles, etc.," avance Guillaume Sauvage de Saint-Marc. 

Les énergies renouvelables, la diffusion d’information par la BBC, le très haut débit évidemment, mais aussi les équipements industriels sont les autres essais qui viendront s’ajouter au fil des mois. "La 5G a la capacité d’ajouter de la valeur aux communautés rurales", note Nick Chrissos, en charge de l’innovation sur l’initiative. "La mauvaise qualité de la connectivité dans les zones rurales pèse sur l’économie et limite ses possibilités de croissance de sa productivité, mais aussi de la création d’emploi. Ce projet peut aider à résoudre des problèmes pratiques dans des lieux éloignés en connectant les locaux entre eux et au reste du monde."

Qu’est-ce qui pourrait empêcher la France d’appliquer désormais un tel projet ? "Le Royaume-Uni est en avance sur ces questions de connexion des campagnes", résume Guillaume Sauvage de Saint-Marc. "La France a besoin d’un partenariat fort avec les pouvoirs publics pour lancer une telle initiative. Nous sommes moins forts en co-innovation, en connexion d’acteurs différents, alors que dans d’autres pays, cela se fait plus facilement." Pourtant, selon lui, un tel projet est intéressant en termes de création de richesses : "Il faut aussi comprendre qu'aider les campagnes à se digitaliser, c'est s'assurer qu'elles aussi participent à la croissance économique nationale. Et tout le monde y gagne !" 

Pour le moment, "5G RuralFirst" est donc encore en phase de test. Après moins d'un an, les premiers effets commencent à se faire sentir. Les évolutions au niveau local séduisent et les possibilités offertes par la 5G aussi. La preuve : de plus en plus d'habitants se trouvant sur le tracé Nord-Sud tentent de se connecter aux réseaux en place pour en profiter, sans y avoir été invités.


Mélinda DAVAN-SOULAS

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