États-Unis : visa en règle, ils sont refoulés à l'aéroport en raison de messages reçus... sur Whatsapp ou Facebook

par Cédric INGRAND
Publié le 29 août 2019 à 17h54, mis à jour le 30 août 2019 à 10h39

Source : Sujet TF1 Info

"PASSPORT PLEASE" - Malgré son visa en règle, un étudiant étranger inscrit à Harvard s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis la semaine dernière. La raison ? Des messages reçus dans un groupe WhatsApp. Un cas loin d'être isolé.

Quand il atterrit à l'aéroport de Boston le 23 août, Ismail Ajjawi peut s'imaginer un avenir radieux. Le jeune Palestinien de seulement 17 ans, qui vit au Liban, vient aux États-Unis poursuivre des études supérieures. Il arrive visa d'étudiant en poche, mais surtout, il est inscrit à Harvard, la crème de la crème de l'Ivy League, pour étudier la biologie. Un quasi-miracle rendu possible par le Hope Fund, une bourse d'études réservée chaque année à quelques lycéens palestiniens au niveau exceptionnel.

Huit heures plus tard, le même Ismail Ajjawi, menottes au poignet, est amené dans l'avion du retour vers le Liban. Son entrée sur le territoire américain a été refusée. Son visa étudiant a même été annulé. Raison affichée : des messages trouvés sur son téléphone, des statuts, des images provenant de ses réseaux sociaux, dont le jeune homme n'était pas l'auteur.

Réseaux sociaux, messageries, les nouveaux terrains de chasse des officiers d'immigration

Le phénomène est récent, et si l'on n'en connaît pas le chiffre exact, les exemples sont légion : aujourd'hui, de nombreux voyageurs, pourtant en règle, se voient refuser l'entrée des États-Unis, du fait du contenu de leur smartphone ou des messages échangés sur leurs réseaux sociaux. Des photos postées sur Facebook aux tweets envoyés en public aux mails ou  messages privés échangés sur WhatsApp ou Messenger, la présence en ligne de chaque voyageur peut influer de plus en plus sur la décision des officiers d'immigration pour l'obtention d'un visa, voire à l'arrivée aux Etats-Unis.

Comme la raconte Ismail Ajjawi, son histoire est un cas d'école : à son arrivée, il a été interrogé par un officier d'immigration, sur sa famille, sur ses pratiques religieuses. Surtout, on lui a demandé son smartphone et son ordinateur. Il a alors attendu cinq heures que leur contenu soit exploité. Lors de l'interrogatoire qui a suivi, on lui aurait reproché le caractère "anti-américain" de certains messages reçus dans un groupe sur WhatsApp. Le jeune homme a eu beau protester de son innocence et expliquer qu'il n'était l'auteur d'aucun de ces messages, son visa a été révoqué. Pour son avocat, Abed Ayoub, la procédure serait devenue courante, il s'agirait des suites du "Muslim Ban" décrété par Donald Trump à son arrivée à la Maison Blanche.

"Un visa en règle n'est plus une garantie"

Depuis le printemps dernier, pour voyager aux Etats-Unis, toute demande de visa ou d'ESTA -l'autorisation de voyage à solliciter en ligne, obligatoire pour les touristes, notamment français- nécessite de lister ses comptes sur les réseaux sociaux. Une liste qui doit être exhaustive pour tous ceux utilisés sur les cinq dernières années. On ne sait combien de visa ou d'ESTA sont refusés sur la foi du contenu trouvé sur ces réseaux sociaux. Mais on sait désormais que ni l'un ni l'autre ne garantissent l'entrée aux États-Unis. Dans tous les cas, ce qui prime, c'est l'avis de l'officier d'immigration qui vous contrôlera à l'arrivée. 

Si le cas d'Ismail Ajjawi est parlant, il est loin d'être le seul, même parmi les étudiants admis dans l'élite des universités américaines. En juin dernier, avant même cette affaire, le président de Harvard s'était publiquement inquiété du traitement des étudiants étrangers, tant pour leurs demandes de visa qu'à leur arrivée aux États-Unis, dans une lettre à Mike Pompeo, patron du ministère des Affaires étrangères. 

Des dizaines de milliers de smartphones "fouillés"

Au-delà du "Muslim Ban", ce qui fait débat, c'est justement la capacité des agents d'immigration à fouiller le contenu de vos appareils connectés Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui s'élèvent contre ce qu'ils considèrent comme un abus de pouvoir. Avoir un accès libre au contenu d'un smartphone, c'est souvent avoir une vue d'ensemble sur la vie de son propriétaire : messagerie, photos, localisation, réseaux sociaux, comptes bancaires, tous accessibles et rassemblés sur le même écran. Et refuser de donner un mot de passe ou de débloquer son smartphone n'est pas une stratégie gagnante. Cela peut être un motif suffisant pour se voir refuser l'entrée du pays.

Sur le papier, sans ordre d'un juge, la Constitution américaine interdit pourtant tout ce qui serait considéré comme des "fouilles et saisies déraisonnables". Une qualification qui semblerait s'appliquer logiquement à la fouille de smartphone. Mais la zone de contrôle des passeports semble imperméable à la règle. Une règle qui ne changera pas à temps pour résoudre le cas Ismail Ajjawi. Un porte-parole de Harvard explique néanmoins que l'université fait tout son possible pour que le jeune étudiant puisse revenir à Boston à temps pour la rentrée, le 3 septembre.


Cédric INGRAND

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