"Créé pour profiter des vulnérabilités de l’homme" : un ex-président de Facebook s’en prend à Zuckerberg

par Mélinda DAVAN-SOULAS
Publié le 12 novembre 2017 à 18h12
"Créé pour profiter des vulnérabilités de l’homme" : un ex-président de Facebook s’en prend à Zuckerberg

Source : Theo Wargo / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

REGLEMENT DE COMPTE – Profiter de votre faiblesse, capter votre attention et vous garder sous sa coupe : Sean Parker n’y est pas allé de main morte dans ses critiques de Facebook et ses méthodes, lors d’une conférence organisée par le site Axios. Autant de critiques que Mark Zuckerberg, le fondateur du réseau social avec qui Parker était associé, a dû apprécier...

Sean Parker fut l’un des magnats des nouvelles technologies au début des années 2000. A 20 ans en 1999, il créé Napster, logiciel de partage de musique entre particuliers, considéré comme le pionnier du téléchargement pirate sur le web. Mais là où l’entrepreneur américain va avoir du nez, c’est cinq ans plus tard lorsqu’il fait la rencontre d’un certain Mark Zuckerberg en plein lancement de son site, Facebook. Il en deviendra le président et sera l’un des principaux acteurs de son essor avant d’être débarqué un an plus tard.

Si l’aventure a fait de lui un milliardaire, il n’en a pas gardé que de bons souvenirs et reste très critique à l’encontre de son ancienne entreprise. "Dieu seul sait ce que cela est en train de faire au cerveau de nos enfants", lâche-t-il auprès du site Axios. Pour Parker, Facebook a volontairement construit un site pour détourner autant d’attention humaine que possible. "Cela change littéralement notre rapport à la société, les uns aux autres. Cela interfère aussi probablement avec notre productivité de la manière la plus étrange possible."

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"C’était surtout : 'Comment est-ce qu’on absorbe le plus possible de votre temps et de votre attention consciente ?", rappelle Parker pour lequel le site cherche à "exploiter une vulnérabilité dans la psychologie humaine". Pour lui, tout est fait pour que vous ayez "une petite dose de dopamine" à chaque like ou commentaire. "Ça vous encourage à publier davantage de contenus pour susciter des réactions. C’est un cycle d’acceptation sociale rétroactif. Les inventeurs, créateurs… avaient conscience de ça. Et nous l’avons fait malgré tout."

Ces attaques ne tombent pas forcément au meilleur moment pour Facebook, pointé du doigt depuis plusieurs semaines pour avoir servi d’instrument à la propagation de fausses informations venues de Russie durant la campagne présidentielle américaine, qui a mené à l’élection de Donald Trump. De nombreux chercheurs ont mis en lumière ces dernières années l’impact d’internet et de réseaux sociaux comme Facebook sur l’activité cérébrale des êtres humains, de la même manière que la toxicomanie. Instagram, par exemple, aurait un plus grand impact négatif sur l’estime de soi des plus jeunes, avec des conséquences sur leur sommeil et leur peur d’échouer dans leur quête de l’image parfaite.

Les mêmes méthodes que la propagande nazie

Autre personne derrière le lancement du réseau social, Roger McNamee n’y va, lui non plus, pas par quatre chemins. Dans une interview accordée au Telegraph samedi 10 novembre, il compare les méthodes de Facebook à celles utilisées jadis par Joseph Goebbels, chef de la propagande nazie d’Hitler, et Edward Bernays, chantre des relations publiques qui avait notamment promu le tabagisme pour les femmes.

"Afin de conserver votre attention, ils ont repris toutes les techniques de Bernays et Goebbels, de tous les autres spécialistes du domaine de la persuasion, des plus grands publicitaires", confie McNamee au quotidien britannique. "Et ils les ont cartographié sur un produit que vous consultez toute la journée, avec des informations très personnelles afin de vous rendre accro. Nous les sommes tous plus ou moins à différents niveaux. Mais eux ont beaucoup de méthodes qui sont les mêmes que celles utilisées dans les casinos."

McNamee a fait fortune en étant l’un des premiers à investir de l’argent dans le projet Facebook, mais ça ne l’empêche pas d’être très critique face à ce qu’est devenue l’entreprise. Des dérives qu’il considère comme des "maux des médias sociaux" et dues à des gens "pas terribles". "Je ne pense pas qu'ils font de mauvaises choses consciemment. Je pense que ce qui s'est passé, c'est qu'ils ont opté pour un modèle d'entreprise fondé sur la publicité afin d’encourager l'engagement. Il y a des millions de choses qu'ils peuvent vous montrer et ils choisissent les 20 choses les plus commercialement utiles pour eux, et ceux-ci ne sont pas conçus pour vous rendre plus sage, mieux éduquer ou plus sain.


Mélinda DAVAN-SOULAS

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