Images obscènes envoyées par Airdrop : comment se protéger des “cyber-flasheurs” ?

par Cédric INGRAND
Publié le 28 août 2019 à 9h42

Source : JT 20h Semaine

EXHIBITIONS EXPRESS - Au Japon, un homme va être jugé pour avoir envoyé au hasard dans le métro la photo d'une femme nue au possesseur d'un iPhone. Un envoi anonyme rendu possible par Airdrop, une technologie propre à Apple et qui ne laisse aucune trace de l’expéditeur. Ou presque.

Dans un pays où des affiches dans le métro vous avertissent plus souvent des dangers de “l’underskirt” -ces clichés pris subrepticement sous les jupes- que de la présence de pickpockets, l’affaire ne surprend pas. Pourtant, elle est presque une première. À Fukuoka, au Japon, un homme a été arrêté pour avoir envoyé au moins une photo dénudée à un autre passager du métro en utilisant Airdrop, la fonction d’envoi de fichier instantané des appareils d’Apple.

Si l’homme a été interpellé, ce n’est pas par la sagacité des enquêteurs ou par les traces numériques qu’il aurait laissées derrière lui. Comme l’expliquent nos confrères du quotidien Mainichi Shinbun, “la victime (...) a suivi un homme à l’allure suspecte vu non loin, un iPhone à la main, puis a appelé la police.”

La "dickpic" comme monnaie commune

Si les arrestations sont rares, le phénomène n’est pas une nouveauté : Airdrop existant depuis 2011, la capacité d’envoyer des clichés vers un iPhone proche de soi ne surprend plus personne. Signe particulier de notre Japonais : il avait donc fait parvenir à sa victime, un homme de 34 ans, la photo d'une femme dénudée. Presque une curiosité tant l’Airdrop sauvage est d’ordinaire exhibitionniste, avec pour contenu de choix la "dickpic". Si le mot vous est étranger, disons qu’il s’agirait d’un selfie, mais entièrement concentré sur les mâles attributs de son auteur… faut-il vraiment vous faire un dessin ? 

Les cas documentés d’exhibitionnisme via Airdrop sont légion, au point que la pratique a un nom, le “cyber-flashing”, et que les autorités s’en mêlent. Aux États-Unis, un conseiller municipal de New York a ainsi déposé cet hiver une proposition de loi locale qui veut punir ces envois non sollicités de 1.000 dollars d’amende et jusqu’à un an de prison. Le texte attend encore d'être voté. Plus près de nous, impossible d’avoir des chiffres sur ces échanges à sens unique. Mais si Twitter est un reflet de la pratique, alors elle existe bien et serait même plutôt courante.

Loin de ces usages scabreux, on a aussi vu Airdrop utilisé dans certaines salles de classe, où l’accès au wifi ou aux réseaux mobiles étaient bloqués, pour devenir comme un petit réseau social.

Des enquêtes compliquées par la protection de la vie privée sur iPhone

Si les Airdrop intrusifs persistent, c’est du fait de leur simplicité et de la difficulté qu’il peut y avoir à remonter vers leurs auteurs. Si vous avez laissé les options par défaut d’un iPhone, alors n’importe qui peut vous envoyer n’importe quoi, il suffit que Bluetooth et Wifi soient activés sur votre iPhone.  L’envoi est direct, peut se faire sans connexion à internet et ne passe pas par un serveur tiers, comme pour le mail ou les messageries instantanées, où il aurait laissé des traces. 

L’année dernière, nos confrères américains de Mac4n6 avaient tenté de décortiquer le fonctionnement d’Airdrop pour savoir si un envoi pouvait être identifié a posteriori.  Au bout de l’enquête, des résultats plutôt maigres : aucun identifiant qui permettrait de remonter à l’émetteur ne semble être échangé lors d’un envoi. Ni numéro de série de l’iPhone utilisé, ni adresse MAC des interfaces Wifi ou Bluetooth ne sont partagées -des données que l’iPhone protège délibérément pour empêcher qu’elles soient utilisées pour pister le possesseur du smartphone. Seules données qui permettraient d’identifier l’auteur de l'envoi -si l’on met à part le contenu de la photo, bien évidemment : toutes les métadonnées du cliché, qui est partagé tel quel et pourrait donc inclure des coordonnées GPS qui signeraient au moins l’endroit où il a été pris.

La parade : limiter Airdrop à ses contacts connus

Si aucune solution technique n’a été trouvée jusqu'à présent, Airdrop vient cependant armé de deux garde-fous :  d’abord, à la réception d’un cliché, votre iPhone vous affichera une miniature vous demandant de valider la réception de l’image entière. Surtout, dans les réglages d’Airdrop, il vous est possible de préciser de qui vous désirez accepter des envois : de tout le monde, de personne ou uniquement de vos contacts, cette dernière option suffisant à éloigner les importuns.

Et si vous faites le choix de laisser votre Airdrop ouvert à la terre entière, alors posez-vous la question des réponses possibles à l’exhibitionniste qui partage votre bus ou votre quai de métro. Certains ont déjà préparé des images prêtes à l’emploi, pour des réponses instantanées d’un humour plutôt mordant.

À défaut, un rappel à la loi peut aussi refroidir les ardeurs mal inspirées : en France, selon la nature des images envoyées et le caractère répété de l’envoi, la "dickpic" peut tomber sous le coup de la loi, pour exhibitionnisme ou pour harcèlement, avec à la clé pour votre cyber-flasheur des peines atteignant 30.000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Sans son iPhone.


Cédric INGRAND

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