EN COURSE - Si les opérateurs mobiles se marquent à la culotte pour lancer en premier leurs offres et leur réseau 5G, une autre course se joue aujourd'hui. Celle qui oppose tous les grands pays des télécoms pour être les premiers à récolter les fruits du nouveau réseau.
Rien n'est encore affiché côté grand public. Mais dans les coulisses, la course a déjà commencé. En France, les opérateurs sont tous au travail sur le dossier de la 5G, de son déploiement, en plusieurs phases, de ce que permettra le nouveau réseau et des offres commerciales qui iront autour. Avec comme grand point d'interrogation : la capacité à faire payer la 5G un peu plus cher que la 4G aujourd'hui, alors que la guerre commerciale entre Orange, Bouygues, Free et SFR a été sanglante dans l'année écoulée. Qui sera premier sur la 5G ? Pour l'instant, mystère, d'autant qu'être "le premier" peut vouloir dire bien des choses.
Il y aura le premier à lancer la 5G dans une grande ville française, le premier à allumer un réseau dans le pays tout entier, le premier à annoncer un forfait. Des offres à mettre en parallèle avec l'annonce des premiers smartphones, que l'on attend pour le salon de Barcelone en février 2019. Bref, tout le monde pourra peu ou prou dire qu'il était premier quelque part. D'ici-là, on peut s'attendre à un silence total sur les ondes, pour tous les opérateurs. La question est stratégique, hors de question donc de rater son lancement.
Premier à lancer son réseau ou premier à maîtriser la technologie ?
Si pour les réseaux 3G et 4G, la guerre des équipementiers se jouait principalement entre Américains et Européens, pour la 5G, il faudra compter avec les géants chinois, Huawei en tête, à la croissance encore plus voyante côté réseaux qu'elle ne l'est côté smartphones. De quoi expliquer en partie que la Chine soit le pays qui investit aujourd'hui le plus dans la 5G : Pékin aurait prévu d'investir plus de 400 milliards de dollars dans son déploiement d'ici 2020. Alors certes, l'échelle géographique explique en partie des chiffres qui donnent le tournis, mais pas seulement.
Aux États-Unis, on a décidé de traiter la 5G comme une question stratégique, et pas seulement commerciale. Face à une Chine qui fait donc du nouveau réseau une tête de pont pour pousser ses champions locaux, Donald Trump a confirmé l'interdiction faite aux opérateurs américains de construire leurs réseaux avec des matériels Huawei. Au début de l'année, l'administration Trump se posait même la question, à voix haute, de savoir s'il ne faudrait pas nationaliser le réseau 5G pour en détenir toute l'infrastructure. Une idée abandonnée depuis, mais qui souligne la taille des enjeux.
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Si la course est effrénée, ce n'est pas juste au bénéfice des industriels des télécoms, mais bien aussi parce que le nouveau réseau pourrait décider d'autres batailles dans le numérique au sens large. Ainsi, en poussant l'éclosion de la 4G le plus tôt possible, les opérateurs américains ont favorisé l'éclosion de nouveaux usages sur le mobile, des applications qui demandent plus de données et une connexion constante. Pour certains, sans 4G, Uber ou Snapchat n'auraient pas pu s'imposer si vite.
Les pays qui seront les premiers à adopter la 5G pourraient en tirer une décennie d'avantages concurrentiels
Cabinet Deloitte, dans "5G : The chance to lead for a decade"
Comme le disent clairement les analystes de Deloitte dans un rapport très étayé (document PDF), les investissements de court-terme pourraient être rentables assez longtemps, bien au-delà de l'industrie des télécoms ou des ventes de smartphones. Même son de cloche chez le Suédois Ericsson, l'un des grands équipementiers. "Il y a des bénéfices induits à être précoces", explique à LCI Viktor Arvidsson, son directeur de la stratégie, "la 5G a pour ambition d'être un moteur de la transformation numérique dans tous les secteurs industriels, pour l'usine du futur, pour les transports, les véhicules connectés, les réseaux d'énergie. Je ne sais pas s'il faut absolument être le premier, mais il y aura clairement des avantages à être dans la première vague de pays 5G."
L'année dernière, une étude de la CTIA, le syndicat des industriels du mobile aux États-Unis, avait chiffré l'avantage que le pays avait gagné à se lancer très tôt dans la 4G, avantage estimé à 125 milliards de dollars pour l'économie américaine. En France, la prochaine étape sur la route de la 5G sera la mise aux enchères des fréquences par l'ARCEP, notre gendarme des télécoms, à l'été prochain.