Libra : valeur du cours, usage, respect de la vie privée... Ces questions que pose la crypto-monnaie de Facebook

par Cédric INGRAND
Publié le 23 juillet 2019 à 10h31

Source : JT 20h WE

DÉCRYPTAGE - Avant son lancement effectif l'année prochaine, Libra pose déjà question. Quelle différence avec le bitcoin ou l'ethereum, Combien coûte un Libra, pourra-t-on spéculer sur son cours et surtout quelles garanties pour la vie privée venant d'une monnaie initiée par Facebook ? LCI.fr répond aux premières interrogations.

C'est d'être le premier système de paiement entre internautes. Ce n'est pas non plus la première crypto-monnaie. Pourtant Libra, qui s'est dévoilé mi-juin avant un lancement effectif courant 2020, est bien un animal à part. D'abord du fait de ses créateurs, Facebook en tête, de son fonctionnement et de son ambition de créer un "Internet de l'argent". Alors, Libra, comment ça marche ? Suivez le guide.

1 - Libra, c'est comme Bitcoin ?

Oui, Libra a beaucoup en commun avec Bitcoin. Et pour cause, c'est une crypto-monnaie,  c'est-à-dire une monnaie virtuelle qui ne repose donc que sur la blockchain, un réseau de machines qui valident et contrôlent chaque transaction. La différence la plus marquante est dans l'organisation et la gouvernance de la blockchain de Libra : contrairement à Bitcoin par exemple, la blockchain de Libra n'est pas ouverte à tous. Il faut montrer patte blanche et devenir partenaire de Libra pour y accéder. 

N'importe qui pourra en revanche devenir utilisateur de la nouvelle monnaie à condition de justifier de son identité à l'ouverture du compte. Surtout, là où le cours du Bitcoin a souvent violemment varié depuis son lancement, Libra se veut une monnaie stable, une monnaie d'usage plus qu'un investissement (voir ci-dessous).

2 - Quelle différence avec Paypal et les autres ?

La différence, c'est que Libra est une crypto-monnaie et pas seulement un porte-monnaie en ligne qui ressemblerait plus à un compte en banque. On pourra donc librement s'échanger des Libra entre internautes ou les utiliser comme moyen de paiement auprès des commerçants qui l'accepteront, en ligne mais aussi dans le commerce traditionnel. On ne connaît pas encore tous les détails des tarifs. Mais Facebook promet que les échanges entre internautes seront gratuits ou à bas prix et que les frais de transaction éventuels seront transparents. On imagine par exemple que les échanges en Libra seront gratuits mais que le change vers une monnaie locale sera payant. Libra vise ouvertement les populations qui n'ont pas de comptes bancaires ou qui sont déjà clientes de solutions -souvent chères- de transfert d'argent international. Bref, autant de raisons de limiter les frais de transaction.

3 - Quel est le cours du Libra ? Est-ce une monnaie spéculative ?

Si l'on en croit certaines captures d'écran publiées par Facebook, un Libra vaudrait 0,95$ environ, soit 85 centimes d'euro. Un cours qui peut varier, mais beaucoup moins que les autres crypto-monnaies. Et ce pour deux raisons. Tout d'abord, le cours du Libra sera indexé sur celui d'un portefeuille de monnaies et d'investissement très stables. Or ce calcul n'aura rien de virtuel : pour chaque Libra émis, son équivalent en monnaie ou en obligations sera stocké, comme une réserve qui servirait de garantie à la valeur de monnaie émise. Bref, de quoi décourager tout spéculateur. 

Libra se voit donc clairement comme un moyen de stockage et d'échange plutôt que comme un investissement. D'ailleurs, il semble que l'arrivée de Libra, en remettant les crypto-monnaies en lumière, ait mis un coup de fouet au cours du Bitcoin, qui a plus que doublé depuis le mois d'avril.

4 - Libra appartient-il à Facebook ?

Oui, ou presque, mais plus pour longtemps. Facebook est bien l'initiateur du projet, sous la direction de David Marcus, l'ancien responsable de Facebook Messenger (et auparavant président de Paypal). Mais Libra n'est pas directement opérée par Facebook, le réseau social lui a imaginé une gouvernance totalement distincte. Libra appartient en fait à une fondation à but non-lucratif créée en Suisse pour l'occasion, la Libra Association, dont Facebook est l'un des membres fondateurs aux côtés de géants des paiements (Visa, Mastercard, Paypal), de l'e-commerce et des services (Booking, Uber), d'opérateurs télécoms (Vodafone, Iliad). Chaque membre devient aussi l'un des noeuds du réseau de la blockchain Libra. D'autres devraient les rejoindre pour atteindre une centaine de membres d'ici l'année prochaine. Et si Facebook gère le lancement de Libra, il promet que dès la fin de cette année, ce sont les membres qui prendront collectivement la direction et qu'il n'aura pas plus voix au chapitre que chacun d'eux.

Mais alors, quel intérêt Facebook a-t-il de lancer un projet dont il ne restera pas maître ? En fait, Libra rejoint la vision du futur de Facebook tel que la détaillait Mark Zuckerberg il y a quelques mois : un Facebook  moins fondé sur le site, sur le réseau social tel qu'on le connaît aujourd'hui, et plus sur les communications privées et sur des services, le paiement en tête. À détailler le fonctionnement de Libra, on remarque que Mark Zuckerberg a eu l'intelligence de comprendre qu'une crypto-monnaie intégrée à Facebook et dont il aurait pu contrôler le fonctionnement et l'usage aurait souffert des mêmes problèmes de confiance que le reste de l'entreprise aujourd'hui. 

En détachant visiblement Libra de Facebook, l'entreprise reste l'initiatrice du projet et demeurera quoiqu'il arrive au cœur de son écosystème, et la première à l'utiliser à grande échelle, au travers de ses applications de messagerie, et de son propre porte-monnaie (voir ci-dessous). En créant une monnaie virtuelle ouverte à tous, Facebook s'est surtout assuré que personne, et aucun de ses grands concurrents, ne le fasse à sa place.

5 - Quid de la vie privée ? Qui aura accès à mes transactions ?

En laissant une fondation indépendante opérer Libra, Facebook a voulu devancer les objections prévisibles, mais pas seulement. Ainsi, si Facebook sera la première entreprise à proposer un porte-monnaie, une application pour gérer ses Libra, elle aussi sera séparée du réseau social. Calibra, l'application, sera aussi une société à part. Celle-ci promet dans un long document que ses données, ses transactions ne seront pas partagées avec Facebook sans autorisation de l'utilisateur. "Les informations de compte ou les données financières des clients de Calibra ne seront pas utilisées pour améliorer le ciblage publicitaire sur la gamme de produits de Facebook", écrit-elle, noir sur blanc. Calibra promet également que l'on pourra utiliser l'application sans même être utilisateur de Facebook, de Whatsapp ou de Messenger. 

Surtout, Calibra ne sera pas seule longtemps. Par essence, Libra est un système ouvert, tous les développeurs pourront y connecter leurs applications et leurs sites, y créer leurs porte-monnaie ou leurs propres usages, Calibra pourra donc avoir tous les concurrents du monde.  En attendant le lancement en 2020, un réseau test est d'ores et déjà disponible pour ces derniers.


Cédric INGRAND

Tout
TF1 Info