On a (enfin) testé The Last Guardian, de la poésie en images

C'est l'histoire d'un jeu qu'on croyait ne jamais voir. Dévoilé pour la première fois lors du salon E3 du jeu vidéo de Los Angeles en 2008, The Last Guardian n'est sorti que mardi dernier sur consoles. Entre temps, il était devenu un mythe, une arlésienne. Un mystère que les grands-parents gamers pensaient un jour raconter à leurs petits-enfants jeunes joueurs...

C'est sans doute de là que The Last Guardian tient sa part de magie. De ses premières images sur Playstation 3 il y a près d'une décennie, joueurs et observateurs avaient gardé en tête une incroyable poésie : de larges espaces entre ruines et verdure, une amitié inattendue entre un jeune enfant et une étrange bête qui proposait déjà une incroyable animation de mouvements pour l'époque. Puis plus rien ou presque avant de renaître à l'E3 2015 alors qu'on croyait le projet mort et enterré. Mais sans date de sortie, laissant croire une fois de plus à une chimère. Reporté de quelques mois, Trico et son jeune compagnon ont finalement pris vie sous nos yeux, pour de vrai.

Dans un pays étrange et lointain, un jeune garçon découvre au fond d'une grotte une étrange créature. Une amitié se tisse entre les deux qui deviennent inséparables et s'embarquent dans un dangereux voyage. Vous allez contrôler l'enfant épaulé par sa bête baptisée Trico, compagnon protecteur. Un jeu qui mise beaucoup sur ses graphismes et sa poésie.

Vous comprendrez que nous attendions ce jeu avec autant d'envie que d'appréhension. Comment un jeu prévu sur une ancienne console pouvait franchir le pas et être à niveau sur une PS4 ? Nous avions eu l'occasion d'en avoir un premier aperçu en juin dernier à l'E3 et nous en étions ressortis quelque peu mitigé. Poésie oui, maniabilité à revoir et surtout des lenteurs....

Magique ! Ne vous attendez pas à des graphismes dernier cri bluffant de réalisme. C'est de la poésie en images. Tout ici a des allures d'estampes japonaises. Chaque tableau est un instant d'émotion. Le petit garçon ne restera pas le mieux dessiné de l'histoire, mais ce n'est pas là l'important. Il crée avec son comparse un duo mémorable, teinté d'affection, d'amitié forte et de compassion. L'enfant l'appelle, peut s'agripper à ses plumes et vous avez alors d'autres possibilités de jeu qui s'offrent à vous. L'animal le cherche en permanence.

D'un point de vue esthétique, The Last Guardian s'apprécie sans modération. Il propose des décors magnifiques, des sombres grottes aux ruines qui vont s'effondrer sous vos pas. Si vous envisagiez quelques combats sur le dos de votre animal, n'y songez pas. The Last Guardian est un jeu vidéo qui repose essentiellement sur la narration et l'exploration. N'hésitez jamais à vous faufiler par le moindre interstice. La réflexion prime finalement sur l'action et il faudra toujours envisager les actions à deux pour s'en sortir. Il n'y a d'ailleurs pas beaucoup de commandes à apprendre et les rares à utiliser sont toujours indiqués (avec l'impression d'être un peu trop pris par la main parfois). Mais le pouvoir de l'œuvre de Fumito Ueda, c'est l'intense émotion qui peut s'emparer de vous. On tremble quand l'enfant et Trico peuvent être séparés et quelques scènes pourraient vous arracher une larmichette…

Le jeu lui doit beaucoup. Cette étrange bête, mi-chien géant, mi-griffon, est d'ailleurs la seule du duo à avoir un nom. C'est sans doute parce que Trico est au cœur de l'histoire. Et il s'avère finalement bien plus animé que son acolyte, même si vous ne le contrôlez pas. Si vous vous éloignez de lui, il râle. Il vous suit sans arrêt, au point de rester coincé par endroit et de devoir changer de chemin. Jetez un œil à ses mouvements hors-jeu et vous le verrez piaffer d'impatience si vous n'agissez pas, pousser de petits cris. Son dessin est particulièrement soigné et on finit par avoir l'impression qu'il est bel et bien vivant quand ses plumes volent au vent ou que la foudre s'échappe de lui pour vous aider à débloquer des passages.

Mais il ne faudra pas le laisser trop souvent errer au risque de le voir disparaître vers d'autres aventures et de peiner à le ramener dans le droit chemin de votre quête.

Dans une œuvre aussi soignée esthétiquement, il est difficile de comprendre le travail effectué sur la caméra. Les décors sont grandioses, vastes, et l'on reverrait de les apprécier pleinement. Seulement la caméra, qui est souvent un atout, a ici une propension à s'emballer qui est assez incompréhensible. Vous êtes accrochés à une corniche, prêt à sauter pour attraper un autre pan de mur et voilà la caméra qui virevolte pour trouver un autre angle sans vous avoir prévenu. Les changements d'angle sont une mauvaise habitude de The Last Guardian, surtout qu'on n'a pas la main sur cette curieuse frénésie qui arrive assez souvent au mauvais moment. Heureusement, pas de jauge de vie ou de fin abrupte pour notre héros, et cela n'empêche pas de profiter pleinement du jeu. Ça agace juste comme les quelques bugs et les grosses latences qui apparaissent de temps en temps et freinent sporadiquement la progression. Mais rien d'insurmontable.

On l'offre à : ceux qui l'attendent depuis toujours, les adeptes des belles histoires, les jeunes joueurs qui pourront le prendre facilement en main.

Oubliez pour : les amateurs de jeu de tir, ceux qui veulent de l'action, les trop émotifs qui ne vont jamais s'en remettre…