ALL-IN - Après les échecs, après le jeu de Go, l'intelligence artificielle déclare ses intentions conquérantes au poker, un jeu où la psychologie compte pourtant autant que les probabilités pures et dures. Quand l'ordinateur sait bluffer, et tromper les joueurs professionnels, quel avenir pour le poker en ligne ?
Il s'appelle Pluribus. Son nom ne vous dit rien, mais c'est déjà la terreur des pros du poker, et pour cause. Pluribus est un logiciel né à l'université américaine de Carnegie Mellon. Une intelligence artificielle qui grimpe une marche vers la suprématie dans un jeu que personne ne la voyait conquérir à court terme : le poker.
On pourrait y voir une suite logique des avancées de la machine, qui bat couramment des joueurs humains aux échecs, et plus récemment au jeu de Go, et on aurait tort. Ces deux derniers sont, à deux échelles différentes, des exercices de pure statistique, même complexe. Le talent de la machine est ici d'arriver à évaluer les milliers, millions, milliards de possibilités et d'issues possibles, pour choisir la meilleure. Au poker, si les probabilités sont cruciales pour chaque décision de jeu, ce n'est que la moitié de l'équation, le reste tenant à la pure psychologie, à la capacité à décoder le style de jeu de ses adversaires, agressifs, erratiques, conservateurs parfois.
Quand l'I.A. bluffe, et détecte les bluffs des autres
Si Carnegie Mellon est fier de sa création, c'est parce que Pluribus a déjà quelques belles parties à son actif. Là où Libratus, une version précédente, n'arrivait qu'à battre un joueur pro en "heads-up", en face à face, Pluribus sait lui tenir la dragée haute, sur la durée, à une table où il se trouverait face à cinq joueurs aguerris. Et vu les conditions de l'expérience, la victoire de Pluribus n'a rien d'une aberration statistique : la partie l'opposant à une succession de quinze joueurs professionnels a duré une douzaine de jours, dix mille mains dont la machine a fini victorieuse. Si les jetons avaient été bien réels, ce sont près de 300.000 dollars que le logiciel aurait ainsi gagné.
Il n'aura fallu qu'un an pour que le logiciel passe du face à face à la table de tournoi, de quoi traduire un apprentissage accéléré, face à un jeu où l'essentiel des informations sont cachées - les joueurs jouent cartes retournées - et où le mental et la théorie des jeux sont déterminants. Dans les quelques exemples publiés par les chercheurs, on voit Pluribus choisir de sous-jouer une main gagnante pour laisser venir à lui les paris d'un autre joueur. La machine arrive aussi à détecter le bluff d'un de ses adversaires, et même de bluffer à son tour, le tout en cultivant un style de jeu prudent quand il le faut, agressif à bon escient, avec des mises dont le montant varie assez pour brouiller les pistes.
En appui des chercheurs, les fonds de Facebook... et du Pentagone
Détail qui n'en est pas un : si Pluribus n'a pas coûté très cher en matériel - ses créateurs expliquent que ses calculs dans le cloud leur ont coûté 150 dollars à peine - le test l'opposant aux joueurs professionnels a lui été financé par Facebook, qui a offert les 56.000 dollars de prix proposés aux joueurs professionnels pour leur temps passé à combattre Pluribus, et pour l'expertise que l'algorithme a pu en retirer. Autre co-financeur du projet, le Pentagone, toujours intéressé par la recherche en intelligence artificielle, surtout quand elle s'attaque à des mécanismes de décision complexes, basés sur des sources d'informations multiples, le genre de choses qui pourraient servir sur un champ de bataille.
L'I.A. va-t-elle tuer le poker en ligne ?
La question que pose Pluribus aujourd'hui, c'est celle de ses effets prévisibles sur le poker en général. Si les grands tournois restent imperméables à ce genre de choses - l'aide de la machine y est interdite -, quid du poker en ligne ? Le code source de Pluribus n'a pas été rendu disponible par Carnegie Mellon, mais cette IA là n'est que la première d'une probable longue série. Comme aux échecs, on pourra bientôt se mesurer à pro virtuel du poker chez soi, ou sur son smartphone. Dans ces conditions, la triche au poker au ligne serait un quasi jeu d'enfant, assez pour rendre l'exercice futile. On voit mal qui risquerait de l'argent bien réel dans des salles de jeu où même les autres joueurs ont de bonnes chances d'être 100% virtuels. Comment les géants du secteurs et les pros voient-ils le danger se profiler ? Deux grands réseaux de poker en ligne - et les joueurs stars de leurs équipes - n'étaient pas revenus vers nous, à l'heure où nous publions ces lignes.
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