SANTÉ CONNECTÉE – Annoncé en septembre dernier, lancé finalement en France cette semaine, l’électrocardiogramme est désormais disponible sur l’Apple Watch Series 4. Une innovation qui transforme votre montre connectée en dispositif médical capable de détecter les fibrillations auriculaires, signes avant-coureurs d’un possible arrêt cardiaque. Nous avons demandé leur avis à des cardiologues.
En présentant sa 4e déclinaison de l’Apple Watch en septembre dernier, Apple avait fait de sa montre connectée un accessoire avec la santé en tête. Déjà dotée d’un capteur de rythme cardiaque et de la capacité à détecter une arythmie, la dernière version s’enrichissait d’un électrocardiogramme (ECG) permettant de signaler une fibrillation auriculaire. Et cela, grâce à un capteur électrique sur la couronne (la molette latérale) en plus des deux capteurs optiques positionnés au dos de la montre.
Lancée avec succès aux États-Unis dès l’automne 2018 après avoir reçu l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA), l’organisme sanitaire américain, l’Apple Watch Series 4 ne pouvait profiter de cette innovation en France, et plus généralement en Europe, en raison de la difficulté à obtenir le fameux marquage CE qui valide le dispositif. C’est désormais chose faite. La smartwatch californienne peut donc prendre sa pleine mesure dans l'Hexagone en proposant l’appli ECG depuis mercredi.
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Être mieux informé sur son état de santé, mais sans prétendre se substituer à un médecin : ainsi se définit l’Apple Watch, forte de toutes ses fonctionnalités de suivi du rythme cardiaque. "Nous sommes convaincus qu'elles favoriseront de meilleurs échanges entre les utilisateurs et leurs médecins", explique le docteur Sumbul Desai, vice-présidente d’Apple en charge du secteur Santé. Selon elle, l’Apple Watch est l’occasion pour les porteurs de l'engin de "mieux comprendre leur santé cardiaque" et d’y prêter attention, comme ils le font pour leur forme physique depuis l’intronisation de la Watch en 2015.
Un dispositif toujours à portée de poignet
Pour profiter de la fonction ECG, il est tout d'abord nécessaire d'effectuer la mise à jour watchOS 5.2 de la montre. L’appli va ensuite surveiller d’éventuelles irrégularités du rythme cardiaque, signes avant-coureurs de fibrillation auriculaire, en réalisant des ECG depuis son poignet. Pour cela, il suffit de positionner un doigt sur la couronne digitale de l'appareil et de lancer l’appli. Une boucle va alors se former de votre bras gauche au bras droit via l’Apple Watch. Trente secondes plus tard, le champ électrique qui traverse votre corps en transitant via votre cœur va indiquer votre rythme cardiaque. Les données seront enregistrées dans l’appli Santé de l’iPhone (seul téléphone compatible pour l'instant) et les informations disponibles pour être transmises à votre médecin en PDF si besoin. L’Apple Watch vous envoie une notification si une arythmie est constatée -un résultat incohérent avec les autres enregistrements de rythme cardiaque réalisés en arrière-plan en permanence. Pour être validé, l'ECG doit être utilisé par des sujets âgés de plus de 22 ans.
Apple présente son dispositif comme une aide, non un substitut médical, et un indicateur éventuel pour une prise de conscience d’un problème à signaler à un médecin. Tout va dans ce sens dès la configuration de l’appli avec un long tutoriel et de nombreuses explications sur ce qu'il est possible ou non de faire.
Comment ça marche l’ECG de l’ #AppleWatch ? Assez simplement en fait ! #TechLCI pic.twitter.com/PFBBIOecux — Melinda Davan-Soulas (@Melinda_DS) 27 mars 2019
Un complément ou un substitut médical ?
Mais la fonction ECG a-t-elle une valeur médicale réelle ? C'est évidemment LA question. Des discussions ont été menées depuis longtemps avec la communauté médicale américaine sur les besoins pour parfaire des diagnostics et s’assurer de limiter les "faux positifs". "C’est un très bon outil de prévention en complément, intuitif et simple à utiliser", explique à LCI le cardiologue Frédéric Saldmann, qui exerce notamment à l'hôpital Georges Pompidou de Paris. "En étant porté au poignet, il présente l’avantage d’être toujours à proximité. Cela va être utile pour tous ceux qui ressentent des symptômes, pourront les constater et les partager avec un professionnel de santé", ajoute son confrère, le professeur Antoine Leenhardt, cardiologue à l’Hôpital Bichat de Paris. Pour Frédéric Saldmann, il est aussi important de "surtout bien communiquer sur l'ECG pour que les gens sachent comment bien l'utiliser et comprennent exactement de quoi il s'agit. Sans cela, il n'aura pas le succès qu'il mérite."
Pour appuyer ses dires et valider sa fonctionnalité, Apple a multiplié les tests en milieu hospitalier. La firme de Tim Cook a travaillé conjointement avec l’université de Stanford, en Californie, pour mener une étude auprès de plus de 400.000 utilisateurs d’Apple Watch afin d’évaluer la fiabilité du dispositif d’alerte en cas de rythme cardiaque irrégulier. 0,5% des participants ont été notifiés d’une arythmie. Et dans 84% des cas, un dispositif de monitoring classique a validé le diagnostic de la montre. L’appli ECG est aussi capable de classer correctement les enregistrements de rythmes sinusaux et une fibrillation auriculaire dans près de 99% des cas. En revanche, il n'y a pas encore d'étude sur la satisfaction globale des utilisateurs et du corps médical, ni sur le nombre de montres vendues.
Une avancée, mais un besoin de "redéfinir un cadre médico-légal"
Si la communauté médicale française suit de près cette évolution médicale et salue la possibilité d’embarquer un tel système dans un accessoire aussi petit, elle rappelle, elle aussi, que cela n’est pas voué à se substituer à un moniteur Holter (enregistreur portatif de mesure de la fréquence cardiaque). "Il ne faut pas se tromper. L’Apple Watch ne va pas vous diagnostiquer un futur arrêt cardiaque. Elle va fournir des données qui pourront être analysées et permettre d’éviter sans doute un AVC. Cela va devenir un indicateur indispensable pour avoir un ressenti patient corrélé par un diagnostic par la suite," souligne le professeur Leenhardt, avant de tempérer : "Cela va générer beaucoup de données à gérer pour les praticiens. Ne court-on pas le risque que les patients pensent que leur médecin est disponible 24h/24 pour répondre à leur mail avec leurs données ? Comme pour tous ces objets connectés liés à la santé, il y a un aspect médical et économique à envisager et à repenser, un cadre à donner."
Pour ce spécialiste de la rythmologie (la science du rythme cardiaque) qui a pu tester le dispositif, il y a indubitablement une avancée façon télémédecine, mais qui nécessite aussi une réflexion autour de la définition d’activité médicale. "Je ne suis pas inquiet sur l’acceptation du dispositif d’un point de vue médical", résume-t-il, en notant que tous les spécialistes sont enthousiasmés par la perspective qu’apporte un tel dispositif embarqué.
"Mais il faut bien réguler sur le plan médico-légal afin d’éviter les situations inconfortables pour les médecins. Il est nécessaire d’être précis sur le rôle des hospitaliers, de la Sécurité sociale, des patients... face à ce déferlement de données personnelles médicales en vue. Et quelle valeur vont-elles avoir ? Sur le plan de la recherche, ce sera fantastique. Mais cela doit se faire en définissant les responsabilités et le cadre avant tout."