PROJECTION - Selon le courtier Meilleurtaux.com, le tour de vis sur les critères d'octroi des crédits immobiliers va empêcher environ 200.000 ménages d'emprunter cette année. Les jeunes qui achètent leur résidence principale et les investisseurs locatifs peu aisés souhaitant s'assurer un petit complément de revenus pour la retraite sont particulièrement affectés par la situation.
Des taux d'intérêt toujours très bas, une capacité d'emprunt moyenne des ménages qui augmente et pourtant... 205.400 d'entre eux seraient sur le point d'être exclus du crédit immobilier en 2020. Cette projection (deux fois plus élevée que les chiffres ayant circulé en début d'année) a été calculée par le réseau de courtiers Meilleurtaux.com en collaboration avec le cabinet de conseil Astérès.
Il s'agit d'une estimation du nombre de ménages qui auraient été finançables en 2019 mais qui ne le sont plus en 2020, a expliqué le courtier ce jeudi lors de la présentation de son 30e Observatoire du crédit immobilier. En cause : le récent durcissement des conditions d'octroi des prêts immobiliers demandé par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) - qui rassemble notamment le ministère de l'Économie et la Banque de France.
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Ce chiffre a été obtenu en partant du nombre de crédits accordés en 2019. Les nouvelles règles de 2020 consistant surtout à ne dépasser ni une durée de 25 ans ni un un taux d'endettement de 33% (c'est-à-dire que les remboursements doivent rester inférieurs à un tiers des revenus du ménage) ont ensuite été appliquées à cette base. En détails, l'an dernier, 1.300.000 dossiers ont été financés, tous projets confondus et qu'il s'agisse d'un achat ou d'une renégociation. Or 31% d'entre eux dépassaient les 33% d'endettement (400.400 ménages). En tenant compte d'une marge de 15% de dérogation prévue par les autorités financières (195.000 "jokers"), il en reste 205.400 qui ne sont plus finançables.
Qui pourrait y perdre ? "En premier lieu, sans doute dans les trois quart des cas, ceux qui cherchent à emprunter pour leur résidence principale et qui ont dépassé ce fameux taux de 33% d'endettement qui constitue désormais la règle d'or que les banques doivent respecter. En second lieu, les investisseurs locatifs pas aisés, car on peut en effet considérer que ceux qui empruntent sur 25 ans avec un taux d'effort supérieur à 33% perçoivent des revenus peu élevés. Ainsi, les CSP moyennes qui achetaient un petit bien pour obtenir un complément de retraite peuvent faire une croix dessus", détaille à LCI Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com.
Dans une moindre mesure, ces nouvelles règles devraient affecter "ceux qui veulent acquérir une résidence secondaire ou renégocier un ancien crédit", ajoute-t-elle. Concernant leur âge, ces exclus du crédit sont surtout des jeunes : "L'an dernier, ceux qui empruntait sur 25 ans sans apport et à 33% d'endettement avaient en moyenne 33 ans", rappelle-t-elle.
Il serait souhaitable que le "reste à vivre" soit de nouveau également considéré par les banques
Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com
Un assouplissement pourrait-il être envisagé ? "Pour le moment, la situation est clairement figée : les banques appliquent ces règles stricto sensu. Ce n'est pourtant pas le moment de bloquer le marché alors que la Banque centrale européenne va certainement préconiser de soutenir l'économie - perturbée par le coronavirus - à grand renfort de crédit. Il serait en effet regrettable que dans le même temps le crédit reste bloqué pour les particuliers. Pour l'éviter, il serait souhaitable que le 'reste à vivre' [le revenu disponible une fois la mensualité payée, sachant que la définition précise peut différer d'une banque à l'autre : NDLR] soit également considéré par les banques, comme il l'était encore l'an dernier", estime encore Maël Bernier.
Pour illustrer ce reste à vivre, voici un exemple donné par le courtier : un couple gagnant 4.000 euros nets par mois, empruntant sur 20 ans, à 33% d'endettement peut rembourser 1.320 euros par mois et donc emprunter au total 285.000 euros. Ce même couple, qui s'endetterait à 35%, pourrait rembourser une mensualité de 1.400 euros, avec un reste à vivre de 2.600 euros au lieu de 2.680 euros, pour un emprunt total de 270.000 euros. Il perd donc 15.000 euros de capacité d'emprunt. Alors que dans les deux cas, son reste à vivre est confortable.