Vous prévoyez d’acheter une maison en milieu rural ou périurbain, prenez vos précautions.Plus de la moitié des logements individuels risquent de souffrir du retrait-gonflement des argiles. Ces mouvements de terrain peuvent fragiliser les fondations du pavillon.Nos conseils pour éviter de découvrir de dangereuses fissures après la signature de votre achat.
D’après le dernier recensement établi en juin 2021 par le ministère de la Transition écologique, plus de 10,4 millions de maisons individuelles se trouvent potentiellement très exposées au phénomène de retrait et gonflement des sols argileux. Attention, cela concerne également les maisons récentes : près de la moitié ont été bâties après 1976. En l’occurrence, depuis 1989, près de 8 500 communes françaises, réparties dans 90 départements de la métropole, ont obtenu au moins une fois une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à cause de mouvements de sol. Certaines régions souffrent davantage : la plaine de Flandres, le Bassin parisien, les vallées du nord du Massif central ou les bords de la Garonne.
Ces chiffres, vertigineux, laissent penser que chez les notaires, beaucoup de maisons touchées changent de main en permanence. Charles Flobert, notaire à Saint-Maur des Fossés (Val de Marne), confirme : "C’est un vaste sujet. Les nouvelles canicules apporteront sans doute de nouveaux sinistres." Ces dégâts, plus ou moins graves, concernent exclusivement les maisons aux fondations peu profondes construites sur des terres argileuses.
Qu’est-ce que le retrait-gonflement des sols argileux ?
Le changement climatique met à rude épreuve les terres argileuses. En quelque sorte, les sols se comportent comme une éponge.
Pendant les fortes sécheresses, de l’eau continue néanmoins à stagner sous la maison. Les racines des végétaux s’étendent pour boire et cherchent à puiser l’eau. Elles provoquent l’affaissement des fondations de la maison. Les sols durs et cassants se rétractent. En période pluvieuse en revanche, les sols souples et malléables gonflent. La teneur en eau augmente et les terres prennent du volume.
Ces variations de plus en plus fréquentes et violentes occasionnent des mouvements de terrain susceptibles de détériorer la structure du bâtiment. Résultat, sur les murs, les sols ou les plafonds, des lézardes plus ou moins importantes apparaissent. Certaines fragilisent sérieusement la maison. D’autres engendrent de simples absurdités esthétiques. Pour en avoir le cœur net, l’acheteur doit se renseigner.
Mandater un expert
Des fissures, le notaire Charles Flobert en voit régulièrement : "Beaucoup de maisons en présentent. Certaines ne sont pas très graves, d’autres évoluent." L’officier public apporte néanmoins une précision importante : "L’acquéreur achète un bien en l’état. Le vendeur, s’il n’est pas professionnel de l’immobilier, n’est pas tenu des vices cachés. C’est à l’acquéreur de faire les analyses, vérifier que la chaudière fonctionne, que le toit ne perce pas ou que les murs ne présentent pas de dangereuses fissures. Il doit chercher les vices cachés et prouver que le vendeur les lui a bien cachés."
En l’occurrence, Charles Flobert conseille de faire intervenir un expert : "À la 2ᵉ ou 3ᵉ visite, avant la signature du compromis, faites venir un entrepreneur du bâtiment, un ingénieur structure ou un travailleur de l’art. Faites le tour de la maison, à l’extérieur et à l’intérieur et relever d’éventuelles fissures. Le professionnel vous assurera qu’elles ne présentent pas de danger ou vous indiquera les potentiels risques." Une bonne manière de détecter les coups d’enduit appliqués à la hâte ou les tableaux posés aux bons endroits pour masquer les murs en difficulté. Si vous ne faites pas expertiser d’éventuelles fissures, le vendeur vous répondra que vous les avez vues. "Il ajoutera qu’il n’avait pas connaissance des dangerosités", poursuit le notaire.
Transparence à tout prix
Si après la visite, le professionnel émet des doutes, le notaire vous exhorte à les communiquer : "Il faut s’en ouvrir auprès du vendeur. Sont-elles évolutives ? Atteignent-elles la structure ? Demandez des vérifications et posez toutes les questions possibles. Si le vendeur ne peut ou ne veut pas vous répondre et s’il vous presse de signer, passez votre chemin." Charles Flobert conseille ces vérifications à tous ces clients. Il suggère de les faire le plus tôt possible dans le processus de vente pour se laisser le temps de se rétracter. Il rappelle que le vendeur doit indiquer par écrit tous les vices et toutes les qualités de la maison. "Un achat immobilier, c’est parfois l’acte d’une vie. On ne peut pas tordre le bras des acheteurs et les forcer à signer. S’ils ne sont pas à l’aise, on peut leur donner 24 ou 48 heures en plus pour faire des vérifications. Ils doivent signer en connaissance de cause et ça doit les rendre heureux", ajoute le notaire.
Pour rappel, l’acheteur dispose de 10 jours de rétractations après la signature du compromis de vente. S’il demande un crédit bancaire, son organisme financier lui en octroie 20 supplémentaires pour accepter ou non les conditions proposées. Un achat malgré des doutes peut coûter cher, confirme Charles Flobert : "Demander une annulation de la vente pour un mensonge ou une mauvaise fois oblige l’acquéreur à prouver que le vendeur a sciemment caché le vice. Les expertises peuvent potentiellement coûter cher et durer des années."
État de catastrophe naturelle
Autre point à retenir, l’aspect pratique et réglementaire. S’il n’existe pas d’arrêté pour la commune de la maison achetée, vous ne pourrez bénéficier d’aucune indemnisation. Dans le cas où la commune bénéficie d’un arrêté de catastrophe naturelle, la situation ne présente aucune ambiguïté. "Lorsque le gouvernement prend une ordonnance de catastrophe naturelle, l’assurance habitation prend intégralement en charge les expertises liées aux détériorations et les remises en état. Le vendeur a l’obligation légale de prévenir l’acquéreur que la maison a fait l’objet d’un sinistre. Si ce n’est pas le cas, l’acquéreur peut demander l’annulation de la vente sans pénalité", décrypte Charles Flobert. Mais attention, ce précieux sésame n’ouvre pas forcément toutes les portes de l’indemnisation : les sinistrés livrent ensuite de dures batailles avec leur compagnie d’assurances. Elles cherchent souvent à établir que les mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols sont bien la "cause déterminante" des dégâts. 53 % des 196 000 déclarations de sinistres sécheresses effectuées entre 2015 et 2018 ont été classées sans suite, selon France Assureurs, la fédération des entreprises du secteur de l’assurance. Raison invoquée : "l’absence de lien de causalité entre les dommages et la sécheresse".
Si vous doutez encore, tournez-vous vers le Cerema. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, organisme public dispose d’antennes régionales qui emploient des spécialistes du retrait-gonflement des argiles. Ils mesurent l’assèchement des sols et humidifient les argiles si nécessaire, pour stabiliser les fissures et prévenir l’apparition de nouvelles.
Heureusement, ces problématiques touchent moins les constructions récentes. "Des études de sol sont désormais obligatoires pour les nouvelles constructions. Même les maisons doivent disposer de fondations profondes", conclue le notaire.