Tensions sur le logement : en France comme ailleurs, les villes durcissent le ton face à Airbnb

Publié le 24 juin 2022 à 12h21

Source : JT 20h Semaine

La plateforme de location, très prisée des vacanciers, irrite les dirigeants de nombreuses métropoles.
À Paris, les contrôles se renforcent tandis que d'autres villes de l'Hexagone durcissent leur législation.
Ailleurs en Europe, à Milan notamment, Airbnb est pointé du doigt, accusé d'accentuer la crise du logement.

Alors qu'approchent les vacances d'été, peut-être avez-vous opté pour une réservation de logement sur Airbnb dans les semaines à venir. Si d'autres plateformes de location proposent des services similaires, le géant américain est souvent le premier cité lorsqu'il s'agit de dénoncer le manque de logements disponibles dans le parc privé. 

La Ville de Paris, cette semaine, a mis en avant une action menée dans le secteur de Montmartre, afin de traquer la présence de meublés touristiques proposés de manière illégale. Une vingtaine d'agents municipaux ont participé à cette opération mardi matin, visant à identifier les résidences secondaires non déclarées ou les résidences principales qui sont louées plus que le plafond réglementaire de 120 jours par an.

Quand se loger devient une épreuve

"Il faut tout faire pour éviter que ce retour des touristes, qui est bienvenu, nous conduise à un retour des locations touristiques illégales au détriment du logement des Parisiens", a glissé en marge de cette opération Ian Brossat, l'adjoint PCF au logement de la capitale. Alors que débute l'été, la Ville de Paris cherche à envoyer un message de fermeté à destination des propriétaires désireux de louer par l'entremise des plateformes. 

Cette mobilisation n'est pas nouvelle et fait suite à des contentieux plus anciens. En 2021, Airbnb avait ainsi été attaqué par la municipalité et condamné à une amende de huit millions d'euros pour avoir mis en ligne un millier d'annonces sans numéro d'enregistrement. Dans le même temps, ce sont pas moins de 200 propriétaires qui se voyaient également condamnés, la faute au non-respect du code de l'urbanisme ou du code du tourisme.

Ailleurs en France, la fronde anti-Airbnb s'exprime bien souvent par la voie réglementaire. Depuis juin 2021, la municipalité (LR) de Saint-Malo expérimente ainsi la réglementation "la plus stricte de France" en matière de locations de courte durée. "On était arrivé à un point où on ne pouvait plus se loger intra-muros", indiquait il y a quelques semaines Gilles Lurton, le maire de la ville. En pratique, une instauration de quotas par quartiers est désormais en vigueur afin de garantir une plus grande régulation. Au sein de la vieille ville fortifiée, seuls 12,5% des logements peuvent par exemple faire l'objet d'une location en meublés touristiques pour des courtes durées. Ce pourcentage est de 7,5% sur le secteur littoral tandis que des quotas moins restrictifs, de 1% et 3%, sont en vigueur dans les deux autres secteurs de la ville.

Du côté d'Airbnb, on met en avant les opportunités créées par ces locations. En moyenne, un propriétaire qui propose un hébergement sur la plateforme gagne 3.800 euros par an, confiait ces dernières semaines Emmanuel Marill, directeur général d'Airbnb pour l'Europe.  "Il y a des gens qui vont faire un peu de spéculation sur Airbnb", concède-t-il, "mais cela reste l'épaisseur du trait, il y a aussi des gens qui vont aller louer leur résidence secondaire une grande partie de l'année". Un aspect positif à ses yeux, puisque "sinon ça reste des volets clos". Et le responsable d'inciter les loueurs à communiquer leurs revenus à l'administration fiscale : le bénéfice réalisé, "il faut le déclarer, bien évidemment", a-t-il lancé sur France Info.

En Italie comme en Espagne, des accusations récurrentes

De l'autre côté des Alpes, à Milan, les besoins en logements se font ressentir de manière pressante. Slate rapporte que la population a augmenté de plus de 10% en l'espace d'une décennie, si bien qu'il devient délicat de trouver un toit abordable. "Pendant le temps qu'il nous a fallu pour créer 8.000 nouveaux logements sociaux, Airbnb a enregistré 16.000 appartements milanais sur sa plateforme", a ainsi regretté Pierfrancesco Maran, adjoint au logement de la ville.

"Nous devons changer la façon dont nous gérons le système afin d'assurer un avenir à la ville. Je préfère avoir un demi-million de touristes en moins si cela signifie pouvoir fournir plus de logements aux étudiants et aux travailleurs", affirme-t-il sans détours. Un discours qui fait écho à celui de la municipalité barcelonaise : la ville espagnole ne cache pas sa volonté de limiter les locations de type Airbnb, et s'appuie pour cela sur le soutien de la population. "80% des habitants exigent un changement de modèle touristique", clame Janet Cid Sanz, maire adjointe en charge du logement. Elle dénonce des locations qui "provoquent une gentrification qui expulse les habitants et génèrent beaucoup de conflits".

Signe que cette fronde dépasse les frontières, on note la tenue de conférences biannuelles nommées "ReformBnB". Le principe est simple : rassembler associations d’hôteliers, maires et élus en charge du tourisme ou du logement venus de toute l’Europe. Un rendez-vous annuel dont la 4e édition s'est tenue à Paris en mai, et qui permet à ces différents acteurs d'échanger sur les méthodes de régulations appliquées à l'échelle locale.


Thomas DESZPOT

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