A Londres, une faille d’Uber "met en danger" les passagers : qu'en est-il en France ?

Publié le 26 novembre 2019 à 20h29, mis à jour le 28 novembre 2019 à 0h39

Source : JT 20h Semaine

VTC - Londres a suspendu le permis d'exercer de Uber en pointant des failles qui permettent à des milliers de conducteurs sans permis de prendre en charge des passagers. Du côté français, la plateforme se veut rassurante. Pourtant, des chauffeurs dénoncent, là aussi, d'inquiétante dérives.

Une défaillance technique met "en danger" les clients d'Uber à Londres. Ce sont, en tout cas, les conclusions de l’autorité des transports de la ville, qui n’a pas renouvelé lundi la licence du leader du VTC, jugeant que l’entreprise n’était pas "apte" à la détenir. Une décision "extraordinaire et erronée", pour Jamie Heywood, le chef régional de l’entreprise pour l'Europe du Nord et de l'Est. Car l’entreprise - qui va faire appel de la décision - se veut rassurante, avançant avoir déjà "fondamentalement changé" ses activités en matière de sécurité tout en "continuant d'aller plus loin". Une ligne de défense que l'on retrouve également du côté français. 

Des conducteurs sans permis?

Car si les autorités des transports londoniennes ont noté une défaillance permettant à des conducteurs sans permis de créer des comptes Uber afin de travailler, du côté de la France, on nous assure que le contexte n’est pas le même. Contrairement au Royaume-Uni, où ce sont les collectivités qui prennent ce type de décision, l’autorité compétente dans l’Hexagone est le ministère des Transports. La réglementation du secteur est donc nationale et "très cadrée". 

"Pour disposer d’une licence à opérer, le chauffeur doit être muni de plusieurs documents", nous précise Uber. Parmi eux, une carte VTC dont l’obtention passe par un examen théorique et pratique "extrêmement exigeant", avec des "niveaux de réussite comparables à ceux de l’ENA". Une fois cet examen - organisé par les autorités publiques - réussi, le futur chauffeur doit, pour être inscrit au registre national des VTC, disposer d’un casier judiciaire vierge et avoir le permis depuis plus de trois ans. Des conditions vérifiées par la préfecture et non pas par l’entreprise américaine. 

Chaque année, avant le 1er juillet, Uber contrôle physiquement tous les documents
Uber

Une fois l’individu en activité, c'est aux applications de vérifier chaque année, comme inscrit dans la loi Grandguillaume, que les 30.000 auto-entrepreneurs VTC en France sont en règle. "Ils doivent venir avant le 1er juillet de chaque année pour qu’on puisse contrôler physiquement s’ils sont titulaires de tous ces documents", nous explique-t-on. Les comptes des chauffeurs ne remplissant pas ces critères ou ne répondant pas présents au rendez-vous sont désactivés.  

Mais en attendant cette date fatidique, aucun moyen de savoir si les conducteurs, dont les données personnelles sont protégées, roulent avec un permis valable. Seul le signalement d'un ou plusieurs clients peut permettre à la plateforme de vérifier de telles informations. 

Une réglementation nationale qui peine à satisfaire la ville de Paris, qui est "malheureusement" dépourvue du pouvoir de contrôler ce transport. Le maire-Adjoint de Paris aux Transports, Christophe Najdovski, souligne ainsi que chauffeur est bien un "métier", et nécessite dès lors "une formation, une connaissance de la ville et une responsabilité dans l’exercice de ses missions". Auprès de LCI, ce responsable à la mairie de Paris regrette que "les taxis en bénéficient, contrairement aux VTC". "Avec la Maire de Paris, nous avons demandé plusieurs fois à ce que les collectivités bénéficient de la compétence pour mieux réguler les VTC. Nous n’avons pas été entendus, ce qui est dommageable."

Des fausses identités "à signaler"

Outre cette problématique, Londres a également relevé une "faille" dans l’application qui permet à des chauffeurs d’être identifiés comme une autre personne, ce qui s’est produit "au moins sur 14.000 trajets", ces derniers mois. Une accusation que le chef européen du leader sur le marché nie, avançant qu’au cours des deux derniers mois, "chaque chauffeur à Londres" a été "auditionné" et le processus d’identification "renforcé". "Nous avons mis en place des systèmes et des contrôles robustes pour confirmer l'identité des chauffeurs et nous introduirons bientôt un nouveau processus de reconnaissance faciale."

En France, les autorités compétentes n’ont pas fait état d’une telle brèche dans la sécurité. Mais, par précaution, ou par expérience, dans la charte qui relie le passager à son conducteur, Uber "recommande" aux clients de "vérifier le numéro de la plaque d'immatriculation, le modèle et la marque du véhicule, ainsi que la photo et le nom du chauffeur avant de commencer la course". Dans le cas où la personne identifiée sur l’application n’est pas celle derrière le volant, alors "le premier conseil" est de ne "pas monter", insiste-t-on. "Dans ces cas-là il faut signaler le conducteur et annuler la course." Si les frais d’annulation sont automatiquement au compte du client, on nous assure qu’il suffit d’expliquer le problème pour être remboursé. 

Des conditions pour rouler qui sont proches de celles mises en place par Kapten, le concurrent français, qui nous dit être "intransigeant" sur le sujet. Les conducteurs doivent là aussi se présenter "physiquement" dans les locaux afin de pouvoir activer leur compte, et le faire vérifier chaque année de la même façon. "Si nous avons le moindre doute sur un chauffeur, nous vérifions immédiatement que ses papiers sont bien en règle. "Et lorsqu’un client alerte sur une mauvaise identification", celui-ci devient une "priorité maximum" et "déclenche toujours un appel de notre équipe avec le chauffeur concerné."

"L'application est gangrenée par de faux chauffeurs, comme en Angleterre"
Brahim Ben Ali, chauffeur en grève

Sauf que du côté des représentants des chauffeurs VTC, ces justifications peinent à convaincre. Alors qu’une telle décision en France nuirait fortement à plusieurs emplois, certains syndicats estiment qu’il faut "taper un coup fort sur ce secteur". C’est le cas par exemple du secrétaire général du Syndicat des chauffeurs privés VTC, Sayah Baaroun, qui regrette que le ministère des Transports ne "fasse rien". "Si on se laisse faire, c’est la porte ouverte au Far West et une fuite vers la dérégulation", prévient-il.

Une cinquantaine de chauffeurs bloquent par ailleurs des centres logistiques, dont celui d'Aubervilliers en Seine-Saint Denis, depuis une dizaine de jours. Parmi les revendications est demandée la suppression immédiate des "faux chauffeurs", qui n'ont ni carte VTC ni permis de conduire. "L'application est gangrenée par de faux chauffeurs, comme en Angleterre",  dénonce Brahim Ben Ali, un des coordinateurs du mouvement, cité par l'AFP.  Ils seraient, d'après eux, plusieurs milliers. Un chiffre que dément formellement Uber. "De fausses cartes se vendent à Barbès", affirme encore un des grévistes. Les cartes professionnelles papier,  sujettes à des fraudes, doivent être remplacées par des cartes "sécurisées" d'ici "fin 2019". Un projet mené par le Ministère des Transports et "salué" par le leader du VTC. 


Felicia SIDERIS

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