DIPLOMATIE - La Commission européenne lance ce vendredi un "processus" pour bloquer les effets des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran. Un nouvel épisode dans l'accord sur le nucléaire iranien, que Donald Trump a quitté le 8 mai.
Un accord source de désaccords depuis des années. En annonçant le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a ouvert un nouveau chapitre dans ce dossier épineux, sur lequel les Occidentaux planchent depuis des années. LCI vous propose d'y voir plus clair en quatre questions.
Quel est le contenu de l'accord ?
L'accord sur le nucléaire iranien a été conclu à Vienne le 14 juillet 2015 après douze ans de crise et 21 mois de négociations acharnées, entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni), plus l'Allemagne. Par cet accord, Téhéran s'engage à réduire ses capacités nucléaires (centrifugeuses, stock d'uranium enrichi...) pendant plusieurs années. Le but ? Rendre quasiment impossible la possibilité pour l'Iran de fabriquer une bombe atomique, tout en assurant à Téhéran, qui dément toute visée militaire, le droit de développer une filière nucléaire civile.
Conformément à ce qui est prévu par l'accord, l'Iran a réduit à 5060 le nombre de ses centrifugeuses en activité servant à enrichir l'uranium (contre 10.200 au moment de la signature de l'accord) et s'engage à ne pas dépasser ce nombre pendant 10 ans. L'accord est entré en vigueur le 16 janvier 2016, ouvrant la voie à une levée partielle des sanctions internationales contre le pays. Nombre d'entre elles ont depuis été levées, ouvrant notamment la porte aux investissements étrangers.
Pourquoi Trump a-t-il opté pour le retrait des Etats Unis ?
Le 8 mai 2018, Donald Trump a annoncé le retrait pur et simple des Etats-Unis de l'accord de Vienne. Il a ainsi honoré une promesse de campagne : le président républicain n'a en effet jamais cessé de dénoncer cet accord "désastreux", assurant avoir la "preuve" que le régime iranien avait menti sur ses activités nucléaires. En janvier, l'ancien magnat de l'immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu'au 12 mai pour "durcir" plusieurs points-clé de ce texte.
Quelles sont les conséquences de la décision américaine ?
A partir du mois d'août, les Etats-Unis devraient progressivement rétablir leurs sanctions à l'encontre des entreprises ayant des liens avec l'Iran, touchant d'abord les secteurs automobile et aéronautique civil puis celui de l'énergie et de la finance. D'un pays à l'autre, l'impact sera différent : les Russes, dont les relations avec l'Occident sont déjà au plus bas et qui ont l'habitude de faire des affaires dans un environnement de sanctions économiques, ne devraient pas craindre de contrecarrer Washington. La Chine, assoiffée d'hydrocarbures et premier partenaire commercial de Téhéran, semble également avoir l'intention de passer outre les sanctions américaines afin de muscler ses investissements en Iran.
L'Europe, en revanche, fait grise mine, puisque les firmes européennes pourraient être dissuadées de conclure des contrats avec l'Iran en raison des amendes potentiellement encourues par leurs filiales américaines. Les Européens voient ainsi un marché pesant des milliards leur échapper. En particulier la France : les exportations tricolores vers l'Iran sont passées de 562 millions d'euros en 2015 à 1,5 milliard en 2017. Les importations ont de leur côté explosé, atteignant 2,3 milliards d'euros - leur niveau le plus élevé depuis 2008 - contre 66 millions d'euros en 2015.
Quelles solutions pour les Européens ?
L'idée avait été discutée régulièrement à Bruxelles ces dernières semaine, c'est désormais une réalité depuis le jeudi 17 mai : l'UE va essayer de contrer les sanctions américaines en adaptant un règlement de 1996 créée à l'origine pour contourner l'embargo sur Cuba. Cette loi dite "de blocage" permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers et stipule qu'aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s'appliquer dans l'UE. Toutefois, le désaccord avec les Etats-Unis sur l'embargo cubain a été résolu au niveau politique, et l'efficacité de ce règlement n'a donc jamais été éprouvée.