Moscou a diffusé lundi ses preuves de la création d'une "bombe sale" en Ukraine.Le montage est composé de cinq photos.Entre détournement et archives, ces clichés ne prouvent rien.
C'est un tout nouvel argument trouvé par le Kremlin. Après avoir accusé l'Ukraine d'être aux mains des nazis, d'avoir "discriminé" les Russes ou encore de servir à l'Otan pour mettre en danger ses frontières, Moscou a trouvé une nouvelle excuse pour prolonger la guerre qu'elle mène contre son voisin depuis plus de huit mois. Kiev serait en train de préparer une "bombe sale". Une affirmation portée par plusieurs éléments visuels. Nous les avons vérifiés.
Des archives disponibles en ligne
Comme nous vous l'expliquions ici, cette arme, aussi baptisée "bombe radioactive" ou "bombe de dispersion radiologique" (DDR), est en fait une bombe conventionnelle, mais entourée de matériaux radioactifs. Or, le ministère de la Défense russe a affirmé détenir les preuves en image que les travaux pour confectionner cette arme "sont en phase de finalisation". L'image, visible ci-dessous et diffusée notamment par le ministère des Affaires étrangères en Russie, est composée de sept images, dont cinq photos, réparties en deux colonnes.
La première colonne rassemble les prétendues "sources de substances radioactives". Sauf qu'à chaque fois, il s'agit d'image d'archives dont certaines n'ont aucun lien avec l'Ukraine. Seul le premier cliché, avec les "piscines de stockage pour le combustible nucléaire utilisé" pour les armes, a un lien avec le régime de Kiev. Il s'agit d'une photo aérienne de la Centrale nucléaire de Rivné, dans le nord ouest du pays, disponible en ligne. Le deuxième cliché, supposé prouver que l'Ukraine peut stocker les déchets radioactifs, montre quant à lui le site de stockage de la centrale nucléaire de Zaporijia. Soit, celle qui est actuellement entre les mains de l'armée de Vladimir Poutine.
Quant aux deux dernières photos de cette colonne de gauche, les fameux "réacteurs de recherche scientifique" entre les mains de Kiev, elles sont encore plus farfelues. Ainsi, le site industriel qui apparaît en bas à gauche se trouve en réalité… en Russie. Ce cliché est en effet disponible dans un article de l'agence de presse russe Tass, avec cette légende : "Dans le hall de l'unité de puissance n°3 de la centrale nucléaire de Beloyarsk", située dans l'oblast de Sverdlovsk. Même constat pour la quatrième photo, sur laquelle on distingue un homme avec des gants spéciaux pour manipuler du matériel en toute sécurité. Comme l'a repéré un ancien journaliste du collectif Bellingcat, l'illustration est en réalité issue d'un article à propos du complexe scientifique et industriel de Novosibirsk, en Russie. Si nous avons eu du mal à la retrouver en ligne, c'est parce que l'image a été volontairement inversée. Cette manipulation rend plus difficile la recherche.
Enfin, la colonne de droite, composée d'un tableau rappelant les différents matériaux nécessaires pour le développement de cette "bombe sale" et d'une photo desdits matériaux, remonte au moins à 2014. S'il est difficile d'en retrouver l'origine, elle est utilisée en ligne à plusieurs reprises en image d'illustration, comme ici sur le site du Centre d'Essais Ecotoxicologiques du Monténégro. Encore une fois, rien à voir avec l'Ukraine.
En résumé, l'ensemble des "preuves" visuelles amenées par le ministère russe de la Défense n'est qu'un montage de plusieurs photos d'archives, toutes disponibles sur internet. Une seule d'entre elle a réellement un lien avec l'Ukraine et son armée, et le reste ne montre aucune activité illégale ou cachée.
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