Affaire Khashoggi : un an après l'assassinat du journaliste, des révélations et un procès opaque

Publié le 2 octobre 2019 à 9h11, mis à jour le 15 octobre 2019 à 17h30

Source : TF1 Info

ASSASSINAT - Il y a un an, le journaliste Jamal Khashoggi était assassiné dans l'enceinte du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul par un commando d'agents venus de Ryad. Si les critiques s'orientent vers le palais royal, le procès qui a débuté piétine. Et la répression au sein du royaume perdure.

Des mannequins en plastique démembrés, portant des brassards et dossards "presse". Voici ce que l’ONG Reporters sans frontières a déposé mardi devant le consulat d’Arabie Saoudite en France. Un symbole fort, un an après la mort de Jamal Khashoggi, ce journaliste tué dans des conditions macabres et pour lequel la justice n’a toujours pas été rendue.

L’assassinat de cet homme de 59 ans s’était joué au consulat saoudien d’Istanbul, où le journaliste - qui s’était exilé aux Etats-Unis en 2017 car il redoutait une arrestation pour ses critiques contre le pouvoir – s’était rendu. Ce jour-là, Jamal Khashoggi souhaite entreprendre des démarches en vue de son mariage. Des caméras de vidéosurveillance capturent son arrivée au consulat. La suite va se jouer à l’ombre des caméras : le journaliste est arrêté par une équipe de "quinze agents", selon les autorités turques qui ont collaboré à l'enquête. Des agents qui vont mettre fin aux jours du journaliste dans des conditions atroces : dès le 7 octobre, le Washington Post révèle que le corps "a été probablement découpé et mis dans des caisses avant d'être transféré par avion hors du pays". Puis, fin octobre, le parquet turc indique que Khashoggi a été tué par "strangulation" et son corps "démembré" Le conseiller du président turc Recep Tayyip Erdogan affirme que le corps a été démembré pour pouvoir être "dissous".

On ne sait pas quand le procès s'achèvera

Très vite, les accusations fusent à l'égard du prince héritier Mohammed ben Salmane. Celui qu'on surnomme MBS avance à l'époque plusieurs explications – il affirme que Khashoggi est entré au consulat mais en est sorti peu après, avant de reconnaître qu'il a été tué lors d'une "rixe à coups de poing". 

Le 24 octobre 2018, MBS réagit pour la première fois publiquement : "C'est un incident hideux et totalement injustifiable". Malgré cette prise de position, l'image du royaume saoudien ne va cesser de se ternir au fil des révélations. En novembre, Washington annonce des sanctions contre des responsables saoudiens. L'Allemagne, la France et le Canada embrayent le pas. Le 26 septembre dernier, la chaîne de télévision américaine PBS rapporte des citations de "MBS", selon lesquelles il a dit en décembre 2018 assumer la responsabilité du meurtre, mais a assuré qu'il n'en avait eu connaissance qu'après les faits.

Pour redorer son blason, le royaume saoudien a traduit en justice 11 suspects. Mais le procès, débuté en janvier, est vivement critiqué : l'un des prévenus, Saoud al-Qahtani, conseiller royal et confident du prince héritier, qui a été limogé et sanctionné par Washington, est absent des audiences. L'homme n'est pas apparu publiquement depuis l'assassinat, ce qui suscite des spéculations sur son sort. En outre, on ne sait toujours pas quand le procès s'achèvera. Les diplomates des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et de la Turquie sont autorisés à assister en tant qu'observateurs au procès. Ils n'ont cependant pas le droit d'avoir des interprètes alors que les délibérations se déroulent en arabe et ils sont généralement convoqués à bref délai, selon des sources occidentales.

"MBS n'assume aucune responsabilité personnelle pour le crime"

La rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions sommaires, Agnes Callamard, a critiqué lundi le prince héritier pour avoir tenté de se "distancer" du meurtre. "Il n'assume aucune responsabilité personnelle pour le crime, il crée une distance énorme entre lui-même et le crime lui-même, il crée des couches et des couches d'acteurs afin de se distancier de l'exécution, de son ordre et de son organisation", a déploré la rapporteuse, précisant cependant qu'elle ne s'exprimait pas au nom de l'ONU.

Entretemps de nombreux critiques du prince héritier sont toujours emprisonnés. Les autorités ont récemment proposé de libérer une militante, Loujain al-Hathloul, en échange d'un témoignage vidéo niant qu'elle avait été torturée et harcelée sexuellement en prison, selon sa famille. Loujain al-Hathloul fait partie d'une douzaine de militantes arrêtées il y a environ un an notamment pour contacts avec des médias étrangers, des diplomates et des organisations de défense des droits humains. Elle et d'autres militantes affirment avoir été torturées et harcelées sexuellement pendant leur détention. Les autorités ont démenti ces accusations. 


La rédaction de TF1info

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