Le Parlement européen éclaboussé par des soupçons de corruption

Soupçons de corruption au Parlement européen : on vous explique le "Qatargate"

Publié le 12 décembre 2022 à 16h05, mis à jour le 12 décembre 2022 à 16h19

Source : TF1 Info

Quatre personnes, dont l'eurodéputée grecque Eva Kaili, ont été incarcérées à Bruxelles ce dimanche.
Elles sont soupçonnées de corruption dans une affaire liée au Qatar.
On vous explique tout ce qu'il faut savoir sur cette affaire qui éclabousse le Parlement européen.

Sacs de billets, valises cachées dans des hôtels et réseau de corruption à travers le continent. Ce n'est pas le synopsis d'un film noir, mais bien les éléments révélés ces dernières heures après le placement en détention provisoire de la vice-présidente grecque du Parlement européen et de trois autres personnes. Une annonce qui a eu l'effet d'un électrochoc de Rome à Athènes en passant par Bruxelles. Et qui est le résultat d'une enquête tentaculaire ouverte en Belgique sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar. Pour y voir plus clair, TF1info revient sur ce qu'il convient désormais d'appeler le "Qatar Gate". 

Quatre personnes incarcérées

Un visage incarne le scandale : celui d'Eva Kaili. Âgée de 44 ans, l'eurodéputée grecque siège au Parlement européen depuis 2014 sous la bannière du Pasok, le Parti Socialiste grec. Ex-présentatrice star de la télévision, elle faisait également partie de la délégation visant à développer les relations de l'Union européenne avec la péninsule arabe et est l'un des 14 vice-présidents du Parlement européen. Elle a emporté dans sa chute son mari, Francesco Giorgi. Assistant parlementaire, il aurait récemment créé avec sa compagne une société immobilière établie dans le quartier très chic de Kolonaki, à Athènes. Un établissement dans le collimateur de l'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent.

Les deux autres hommes arrêtés dans la matinée du vendredi sont Luca Visentini, directeur d'ONG et secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, et l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri. Si ce quatrième nom est moins connu du monde politique actuel, il fut élu eurodéputé de 2004 à 2019 dans le nord-ouest de l'Italie. Et parmi ses responsabilités de l'époque figurait le poste de chef des relations de l'Union européenne avec le Machrek, région dont fait partie le Qatar. Anciennement directeur général de la Chambre du travail de Milan, il était devenu lobbyiste à succès. Si bien que la presse italienne avait révélé qu'au cours d'une conversation téléphonique, l'ancien élu évoquait des vacances d'hiver à "9000 euros par personne" au lieu des "100.000" dépensés habituellement.

Accusations de "corruption" et "blanchiment d'argent"

Tous ces protagonistes sont accusés de "corruption", "blanchiment d'argent" et "participation à une organisation criminelle". Les enquêteurs belges les soupçonnent plus précisément d'avoir accepté des "versements de sommes d'argent conséquentes" ou de "cadeaux importants", de la part du Qatar pour "influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen". 

Certains éléments confirment cette opération de communication. Une vidéo publiée le 22 novembre dernier par L'Avgi, un quotidien grec proche de la gauche, dévoile comment l'eurodéputée grecque a fait l'éloge du Qatar à la tribune du Parlement européen. "Aujourd'hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d’un pays, avec des réformes qui ont inspiré le monde arabe", avait-elle clamé devant les eurodéputés, avant d'accuser certains de ses collègues de "discriminer" le pays, de "l'intimider". Et de lancer devant la tribune une phrase qui prend aujourd'hui une tout autre dimension. Devant les eurodéputés, celle qui est désormais écrouée à la prison de Saint-Gilles regrettait que certains "accusent de corruption tous ceux qui parlent ou s'engagent avec le Qatar". 

Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail
Eva Kaili, le 22 novembre devant le Parlement européen

Avant cette prise de position, l'eurodéputée s'était rendue au Qatar le 31 octobre. Tandis que la délégation concernée du Parlement européen avait refusé de voyager dans l'émirat qui accueille la Coupe du monde de football, Eva Kaili y avait rencontré le ministre du Travail du pays pour y saluer les réformes en matière de droit du travail. De son côté, Pier-Antonio Panzeri avait profité d'une tribune dans le HuffPost en Italie pour évoquer ces mêmes "progrès" prétendument menés par le Qatar dans le domaine des droits de l'homme.

Sacs de billets et valise pleine d'argent

Selon deux sources, citées dans la presse grecque, la vice-présidente du Parlement européen "avait attiré l'attention" des enquêteurs "depuis au moins un an et demi", si bien qu'elle avait été mise "sous surveillance". D'après les informations publiées dans la presse, l'enquête était pilotée depuis quatre mois par un juge financier bruxellois. 

Mais tout s'est accéléré dans la nuit de vendredi à samedi. Une opération d'une rare ampleur a été lancée dans toute la capitale belge. En tout, des policiers et des procureurs ont pénétré au moins 15 maisons et bureaux de Bruxelles, où siège le Parlement européen, pendant que leurs collègues emmenaient deux femmes en Italie. Au cours de cette opération, la police belge a mis la main sur "environ 600.000 euros en liquide", ainsi que "du matériel informatique et des téléphones portables" dont les contenus seront analysés. Des "sacs de billets" avaient notamment été trouvés dans l'appartement d'Eva Kaili. Le père de l'ancienne vedette de la télé grecque a quant à lui été arrêté avec une valise pleine d'argent devant l'hôtel Sofitel, alors qu'il se rendait à l'aéroport. Prise en "flagrant délit", l'élue ne pouvait donc pas jouir de son immunité parlementaire.

Parlement européen : un système de corruption dévoiléSource : JT 20h WE

Si le Qatar Gate n'en est qu'à ses débuts, il commence déjà à avoir un retentissement international. Éclaboussé, le Parlement européen doit discuter de cette affaire ce lundi lors d'une réunion des présidents des groupes politiques, à Strasbourg. L'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent a quant à elle annoncé geler tous les avoirs d'Eva Kaili. Une mesure qui concerne "les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier". 


Felicia SIDERIS

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