DANS L'EMBARRAS - Déjà mis en difficulté par la prise de pouvoir fulgurante des talibans, le président américain semble dépassé par une crise afghane qui ne cesse de s'aggraver, en témoigne l'attentat perpétré jeudi à Kaboul. Sa popularité est en chute libre et le camp conservateur s'en frotte les mains.
Quelques heures après l'attentat de l'aéroport de Kaboul, Jo Biden est apparu ému lors de sa première prise de parole. Treize militaires américains venaient d'être tués, faisant de cette attaque la plus meurtrière contre les troupes du Pentagone depuis 2011 en Afghanistan. Si le président américain a eu recours à des accents martiaux pour promettre des représailles aux auteurs de l'attaque, il n'a pas réussi à chasser l'impression de paralysie qu'il dégage depuis le début de la crise- et que ses adversaires exploitent volontiers.
"Nous ne pardonnerons pas et nous n'oublierons pas, nous vous pourchasserons et nous vous ferons payer." Le ton est résolu, lorsque le locataire de la Maison Blanche lit lentement sur son prompteur ce message à destination de l'État Islamique, qui vient alors de revendiquer l'attentat. Visiblement troublé en évoquant le sort de victimes américaines, le chef de l'État a toutefois globalement laissé l'impression d'un agacement impuissant.
Ce fut le cas lorsqu'il a été interrogé vertement par un journaliste de la chaîne conservatrice Fox News, comme on le voit sur la photo en tête de cet article. Car le consensuel Joe Biden, l'homme des accords bipartites, s'est en fait aligné sur une décision prise par son prédécesseur honni, Donald Trump, ce qu'il n'a pas manqué de rappeler hier soir.
Je n'avais qu'une alternative : envoyer des milliers d'autres soldats en Afghanistan, pour mener une guerre qu'on avait déjà gagnée
Joe Biden, président des Etats-Unis
C'est le précédent président américain qui avait négocié le retrait d'Afghanistan avec les talibans, un accord que Joe Biden n'a pas remis en cause. Ainsi qu'il l'a souligné hier soir, il n'y avait selon lui "qu'une alternative : envoyer des milliers d'autres soldats en Afghanistan, pour mener une guerre qu'on avait déjà gagnée, au regard de son objectif initial". Le démocrate a donc choisi de valider le retrait conclu par le républicain, avec le succès qu'on lui connaît désormais. Quiconque s'attendrait à ce que Donald Trump fasse profil bas sur ce dossier, a dû être inattentif ces quatre dernières années : après avoir contesté son élection, le magnat de l'immobilier réclame, depuis la chute de Kaboul le 15 août dernier, la démission de Joe Biden.
Surchauffé hier soir par le nouveau revers américain sur le terrain, Donald Trump en a cependant un peu trop fait, renommant la branche locale de l'État Islamique "ISIS-X" (au lieu de l'acronyme "ISIS-K"). Comme souvent, il a refusé de reconnaître son erreur, affirmant que ce mystérieux "ISIS-X" serait une prochaine branche de l'organisation islamiste, "encore pire". Pas de quoi empêcher vingtaine de parlementaires républicains ont emboîté le pas à leur ancien président, appelant eux aussi à la démission de Joe Biden ou à son remplacement.
Peut-être aurait-il dû limiter les prises de paroles: ▶️ Trump se mélange les pinceaux et parle de ISIS-X au lieu de ISIS-K, après s'être vanté d'avoir éliminé Daech "à 100%". https://t.co/M77QmBMZEr — jean-eric branaa (@BranaaJean) August 27, 2021
Beaucoup de républicains se contentent pour l'instant d'exiger que Joe Biden revienne sur son agenda, qui prévoit un départ définitif le 31 août prochain- ce qu'il a refusé de faire hier soir. Il s'agit pour eux de permettre la "contre-attaque" que réclament de nombreuses voix de droite - mais qui signifierait le retour des Américains dans la région. C'est là sans doute que trouve son origine le rictus de rage impuissante qu'affectait Joe Biden hier soir : entre le retrait américain et la débâcle afghane sur le terrain, comment envisager dorénavant une opération militaire ciblée ?
D'autant plus que l'État islamique au Khorasan, ainsi que se dénomme le groupe qui a revendiqué l'attentat, n'a pas de base territoriale connue qui pourrait permettre un bombardement : il s'agit de quelques milliers d'hommes dispersés sur tout le territoire, depuis leur défaite face à la coalition américano-afghane en 2019. Voilà pourquoi Joe Biden a promis de répliquer "au moment choisi", écartant d'emblée l'hypothèse de représailles rapides.
À gauche, des questions mais peu de critiques
Dans le camp démocrate, si des critiques feutrées se font entendre sur la façon dont le retrait a été géré, personne n'envisage de le remettre en question. La députée de Pennsylvanie Susan Wild résume assez bien la position du camp présidentiel : "Il est clair pour moi (...) que nous ne pouvions pas continuer à mettre en danger nos soldats for une guerre impossible à gagner. Mais en même temps, il semble flagrant que le processus d'évacuation a été très mal géré".
L'opinion, quant à elle, semble juger plus durement Joe Biden. 60% des Américains désapprouvent à présent sa gestion de la crise afghane, selon des sondages réalisés avant l'attentat de Kaboul. Le bilan très lourd subi par les militaires américains dans celui-ci risque d'avoir un impact profond au sein de la population, pour qui l'Afghanistan n'était pas un dossier prioritaire. L'érosion de la popularité de Joe Biden était d'ailleurs jusqu'ici attribuée principalement à la crise interminable du Covid.
Des parlementaires de l'aile droite du parti républicain se sont engouffrés dès hier soir dans la brèche ouverte dans l'opinion. Ainsi la députée républicaine Elise Stefanik a-t-elle martelé que "Joe Biden a du sang sur les mains", et qu'il "est inapte à être commandant-en-chef". Pour l'instant le président américain serre les dents et s'en tient à la ligne qu'il s'est fixée depuis le début du retrait, et qu'il a formulé une dernière fois hier en clôturant sa conférence de presse : "Il est temps de finir une guerre de vingt ans."
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