CONQUÊTE - Les insurgés islamistes sont ce dimanche soir au palais présidentiel de Kaboul après une offensive d'une dizaine de jours. Comment le pays a-t-il basculé ? Éléments de réponse.
Quelques heures auront suffi pour que Kaboul, la capitale afghane, tombe entre les mains des talibans. Après la fuite du président Ashraf Ghani ce dimanche, le pays est désormais tout proche d’être contrôlé entièrement par les insurgés islamistes. Une avancée fulgurante dans plus de la moitié des 34 capitales provinciales du pays qui n'aura duré que huit jours, tandis qu'il leur avait fallu deux ans, en 1996, pour s'emparer des institutions. Mais comparaison n’est pas raison, et la situation actuelle est le résultat de 20 ans de présence américaine sur le territoire, qui se sont soldés par un fiasco et un retrait des troupes annoncé fin avril.
Le retrait des forces américaines
Car le retrait de l’armée américaine, confirmé par Joe Biden le 13 avril dernier, est le point de départ d’une nouvelle victoire des talibans. Auprès de Reuters, un commandant taliban de la province de Ghazni (sud-ouest) a d’ailleurs acté l’effondrement du gouvernement au moment où les forces américaines ont commencé à se retirer du pays. "La seule raison de cette chute inattendue de provinces était notre engagement et le retrait des troupes américaines", a-t-il souligné, lui-même surpris de la rapidité de cette offensive. Mais plus que le retrait lui-même, les frappes américaines menées fin juin dans le sud du pays et dirigées contre les talibans auraient précipité leur attaque de plusieurs capitales de provinces. Et ce malgré l’accord passé au Qatar entre Washington et les insurgés, qui interdisait toute charge avant le retrait définitif américain au 31 août.
La défaillance de l’armée afghane
De plus, l’armée a eu énormément de difficultés à faire corps contre l’ennemi taliban. "Les forces afghanes, pendant une longue période, ont eu des problèmes de moral et aussi de volonté de combattre les talibans", a pu souligner sur CNN Carter Malkasian, l’ancien conseiller du chef d’état-major de l’armée américaine. "Il ne fait aucun doute que le moral souffre lorsque les forces affrontent défaite après défaite. (…) Et de l’autre côté, les talibans s’enhardissent succès après succès."
Sur le terrain, les forces en présence n’ont pas semblé opposer de grande résistance à la conquête des villes les unes après les autres. Comme le raconte Le Monde à partir de témoignages recueillis par l’ONU, trois talibans ont par exemple mis la main sur un village de la province de Badakchan (nord-est) non pas par la force mais par une simple discussion avec les autorités locales. Il apparait que les talibans sont parvenus à mettre la main sur plusieurs territoires en négociant avec les officiels, poussés à quitter leurs fonctions et la ville. Une stratégie reconduite dans la capitale, alors que le ministre de l’Intérieur a promis lui-même ce dimanche un “transfert pacifique du pouvoir”.
Depuis le début de l’offensive, certains soldats se sont également ralliés aux insurgés islamistes en échange de leur reddition et ont reçu des lettres de pardon temporaires. “J’ai été encerclé par les talibans et maintenant je suis ici pour obtenir une lettre de pardon afin de quitter la ville, en attendant de trouver un endroit où je pourrai rester en sécurité”, raconte alors un membre des forces afghanes dans le reportage en en-tête. "Il y a aussi ceux qui ne se battent pas parce qu’ils n’ont pas de munitions", ajoute le grand reporter Vincent Hugeux, spécialiste du Proche-Orient, sur LCI. "S'ils lâchent leurs armes, il y a le facteur trouille, la peur des représailles, mais c’est aussi parce qu’ils n’ont pas de quoi se battre." La corruption généralisée dans ce pays meurtri par des années de combats pourrait aussi expliquer cette ascension fulgurante.
La corruption du système en place
La présence américaine durant 20 ans a contribué à un système de corruption généralisé. En 20 ans, 89 milliards de dollars ont été injectés par les Américains pour former l’armée, sur un budget de plus de 1000 milliards de dollars visant à reconstruire le pays. La crainte des forces américaines était aussi que la corruption de certains responsables militaires et politiques de haut rang ne vienne à bout de la détermination des soldats situés en première ligne et nettement moins bien rémunérés que leurs hiérarchies.
Des salaires moindres ajoutés aux risques auxquels ils sont exposés. En janvier 2019, le président Ashraf Ghani faisait état de 45.000 morts parmi les forces de sécurité depuis son élection en septembre 2014. Depuis, il a été demandé au gouvernement de ne plus communiquer sur les pertes au sein de l’armée pour préserver le moral des troupes. "Donneriez-vous votre vie pour des dirigeants qui ne vous paient pas à temps et sont plus intéressés par leur propre avenir ?", s’est interrogé un haut responsable américain, sous couvert d’anonymat, auprès de Reuters.
Kabul. pic.twitter.com/RyZcA7pktj — Lotfullah Najafizada (@LNajafizada) August 15, 2021
Si l’armée afghane compte officiellement 300.000 soldats dans ses rangs, la réalité serait moins glorieuse. Les désertions sont nombreuses au sein de l’armée et les salaires empochés par des chefs militaires afghans pour des milliers de soldats fictifs sont monnaie courant, décrivent l’ensemble des rapports conduits sur le sujet, parlant ainsi de "bataillons fantômes". "Les chefs militaires déclaraient bien plus de soldats sous leur commandement qu’ils n’en avaient en fait, espérant ainsi récolter pognon, armement (sic)", développe le journaliste Vincent Hugeux. Selon des calculs tirés de sources diplomatiques, le journaliste estime que 36.000 à 37.000 soldats auraient été "dûment payés" par Washington pour n’exister que sur le papier.
Face à cela, les insurgés ont pu compter sur de nombreux combattants étrangers, notamment venus du Pakistan et s'approvisionneraient en armes directement auprès de soldats afghans, décrivait en 2017John Sopko, l'inspecteur général pour la reconstruction afghane, devant le cercle de réflexion américain CSIS. Dimanche soir, au terme d’une journée décisive pour le sort des Afghans, le président Ashraf Ghani a acté depuis l'étranger la défaite de son gouvernement : "Les talibans ont gagné (...) et sont à présent responsables de l'honneur, de la possession et de l'auto-préservation de leur pays".
Sur le
même thème
- EN DIRECT - Guerre en Ukraine : envoyer des avions prendrait des "mois" voire des "années" de formation, selon LondresPublié le 2 février 2023 à 6h45
- EN DIRECT - Guerre en Ukraine : le Portugal prêt à envoyer des chars Leopard 2Publié aujourd'hui à 6h45
- Disparue depuis le 25 janvier, Sihem, 18 ans, retrouvée morte dans le GardPublié le 2 février 2023 à 9h01
- Mort de Sihem : que sait-on de Mahfoud H., mis en examen ce jeudi ?Publié le 2 février 2023 à 14h55
- Mort de Sihem : le suspect dit l'avoir tuée "dans le cadre d'une dispute liée à leur relation amoureuse"Publié le 2 février 2023 à 11h35
- Afghanistan : l'ONU accuse les talibans d'avoir commis des assassinats malgré leurs promessesPublié le 10 septembre 2021 à 6h34
- Afghanistan : les talibans sur le point d'annoncer la formation de leur nouveau gouvernement ce vendrediPublié le 3 septembre 2021 à 7h30
- Départ de l'armée américaine : Kaboul aux mains des talibansPublié le 31 août 2021 à 20h00
- VIDÉO - Peur sur Kaboul : "Sept à Huit" en immersion dans la capitale afghane sous le joug des talibansPublié le 30 août 2021 à 9h50
- Afghanistan : la vie des femmes est-elle redevenue aussi difficile qu'avant 2001 et l'invasion américaine ?Publié le 16 août 2022 à 18h05
Tout
TF1 Info
- 2VIDÉO - L'incroyable découverte d'un chasseur de trésor amateur britanniquePublié hier à 15h59
- 3EN DIRECT - Guerre en Ukraine : le Portugal prêt à envoyer des chars Leopard 2Publié aujourd'hui à 6h45
- 4Risques d'érosion : quelles sont les villes menacées en France ?Publié hier à 17h28
- 5VIDÉO - Ne jetez pas votre vieux portable, il peut rapporter plusieurs centaines d'eurosPublié le 31 janvier 2023 à 16h44
- 6VIDÉO - Clara Morgane reçoit "50' Inside" chez elle, dans le sud de la FrancePublié aujourd'hui à 7h00
- 7Guadeloupe : une lycéenne de 17 ans meurt en plein cours d'EPSPublié hier à 11h41
- 8Twitter Blue débarque en France : voici ce qui va changerPublié hier à 16h10
- 1Le bac à compost devient obligatoire dès 2024Publié aujourd'hui à 18h55
- 2TÉMOIGNAGES - Cancer : "La maladie ça reste un frein, ça reste une peur pour les entreprises"Publié aujourd'hui à 18h44
- 3INFO TF1/LCI - Un sous-traitant de la SNCF victime d'un rançongicielPublié aujourd'hui à 18h37
- 4Mort de Sihem : le profil glaçant du meurtrier présuméPublié aujourd'hui à 18h37
- 5Armie Hammer accusé de viol : l’acteur sort du silence pour la première foisPublié aujourd'hui à 18h28
- 6Des avalanches en Autriche et en Suisse font cinq mortsPublié aujourd'hui à 17h55
- 7
- 8Soupçon de favoritisme : ce que les juges reprochent à Olivier DussoptPublié aujourd'hui à 17h25
- 9VIDÉO - États-Unis : l'incroyable sauvetage d'un homme après le chavirage de son bateauPublié aujourd'hui à 17h03
- 1EN DIRECT - Guerre en Ukraine : le Portugal prêt à envoyer des chars Leopard 2Publié aujourd'hui à 6h45
- 3"Tragique et regrettable" : l'ancien porte-avions Foch coulé par le BrésilPublié aujourd'hui à 10h43
- 4VIDÉO - L'incroyable découverte d'un chasseur de trésor amateur britanniquePublié hier à 15h59
- 5Armes de longue portée, Zelensky pas prêt à lâcher Bakhmout... Le point sur la situation en UkrainePublié aujourd'hui à 8h41
- 6Australie : une adolescente de 16 ans blessée mortellement par un requin dans une rivièrePublié aujourd'hui à 15h48
- 9Des soldats ukrainiens combattent-ils sous l'effet du Captagon, cette drogue dérivée d'amphétamines ?Publié le 1 février 2023 à 16h47
- Politique"Favoritisme" : l'affaire qui tombe mal pour Olivier Dussopt
- InternationalUn ballon espion chinois affole le Pentagone
- SportsSix Nations 2023 : dernier test majeur pour le XV de France avant le Mondial
- Police, justice et faits diversPortée disparue, Sihem, 18 ans, retrouvée morte dans le Gard
- InternationalMort de Tyre Nichols : la nouvelle affaire qui choque l'Amérique