Répression sanglante au Soudan : que se passe-t-il ?

Publié le 6 juin 2019 à 13h44
Répression sanglante au Soudan : que se passe-t-il ?

Source : MOHAMED EL-SHAHED / AFP

CRISE - Les chefs du mouvement de contestation au Soudan ont rejeté mercredi l'offre de dialogue des généraux au pouvoir, trois jours après la répression des manifestants. Une absence de dialogue qui plonge un peu plus le pays dans l'instabilité.

Plus de 500 blessés et 108 morts. La répression a franchi un cap inédit depuis lundi au Soudan, où le gouvernement tente de faire plier le mouvement de contestation qui prend de l'ampleur depuis six mois. Retour sur une crise qui ravage ce pays d'Afrique.

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Six mois de tension

Née en décembre d'une colère contre le triplement du prix du pain intervenu dans un contexte de crise économique et de mesures d'austérité, la contestation avait pris la forme, depuis le 6 avril, d'un sit-in devant le quartier général de l'armée à Khartoum. L'objectif des manifestants ? Réclamer un changement de régime politique. Après la destitution du président Omar el-Béchir par l'armée le 11 avril, les milliers de protestataires avaient refusé de lever le camp, réclamant un transfert du pouvoir aux civils.

L'échec des négociations

Le 20 mai, après plusieurs avancées, les négociations entre les généraux au pouvoir et les chefs de la contestation s'achèvent brusquement sans accord sur la composition d'un Conseil souverain. Celui-ci devait assurer une transition de trois ans, avant un transfert du pouvoir aux civils. Les discussions achoppent car chaque camp souhaite diriger le Conseil et obtenir la majorité des sièges. De leur côté, les mouvements islamistes font bloc derrière l'armée, en espérant préserver la charia (loi islamique) en vigueur depuis le coup d'Etat ayant porté Omar el-Béchir au pouvoir en 1989. Une grève générale est observée les 28 et 29 mai à travers le pays par le mouvement de contestation, mobilisant divers secteurs d'activité, pour tenter de faire plier l'armée.

Le jeu des alliances se met en place

Fin mai, le chef du Conseil militaire de transition, Abdel Fattah al-Burhane, se rend en Egypte, en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, ces deux derniers pays du Golfe ayant annoncé en avril une aide conjointe de trois milliards de dollars au Soudan. Selon les médias soudanais, le général Burhane avait coordonné, alors qu'il était commandant des forces terrestres, l'envoi de troupes au Yémen décidé dans le cadre d'une coalition militaire dirigée par Ryad intervenue en 2015 pour soutenir le gouvernement yéménite face à des rebelles accusés de liens avec l'Iran. A contrario, le Qatar, allié historique d'Omar el-Béchir et en conflit diplomatique avec l'Arabie saoudite, les Emirats et l'Egypte, semble avoir perdu de son influence depuis le début de la crise.

La répression sanglante du pouvoir

Le 3 juin, l'armée, la police et des milices dispersent dans le sang le sit-in devant le QG de l'armée à Khartoum. Selon le comité central des médecins, proche de la contestation, plus de 100 personnes ont depuis été tuées et des centaines blessées. Faux, assure le gouvernement, avançant un bilan de 46 morts. En outre, l'armée a déclaré caducs les accords conclus avec les contestataires et a appelé à des élections dans "neuf mois maximum". Les protestataires dénoncent, eux, un "putsch".

A Khartoum et dans tout le pays, des paramilitaires liés à l'armée -les Forces de soutien rapide (RSF)- sont déployés, se livrant selon des témoins à des exactions, y compris dans les hôpitaux. Les RSF sont considérées par beaucoup comme un avatar des milices Janjawid, qui dans un passé récent ont commis des atrocités de masse au Darfour (ouest).

Et maintenant ?

Les prochaines semaines pourraient mener à une spirale de la violence et au chaos, chaque partie campant sur ses positions. Selon une note du cabinet d'analyse américain Soufan Group publiée mardi, il existe une similitude entre la situation soudanaise et "les manifestations du Printemps arabe qui se sont transformées en insurrections" globales, l'exemple le plus dramatique étant la Syrie. "Il y a un vrai risque que la situation dégénère en une guerre civile", ajoute le Soufan Group. Dans une société aux mains de militaires depuis des décennies, l'organisation d'élections pluralistes, libres et justes semble vouée à l'échec.


La rédaction de TF1info

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