Algérie : le militant des droits humains Kamel Eddine Fekhar est mort en détention

Publié le 29 mai 2019 à 7h02
Algérie : le militant des droits humains Kamel Eddine Fekhar est mort en détention
Source : RYAD KRAMDI AFP

DÉTENTION - C'est un "acharnement" de la justice et une "mort programmée", dénonce son avocat. Dans la rue, le décès, intervenu mardi 28 mai, a provoqué une vague d'indignation et des rassemblements.

Un médecin, militant des droits humains est mort, mardi, en détention provisoire, en Algérie. "Je confirme la mort ce matin de Kamel Eddine Fekhar, à l'hôpital de Blida", à une quarantaine de km au sud d'Alger, où il avait été transféré "dans un état comateux", a déclaré son avocat, Me Salah Dabouz.

Dans une vidéo postée sur son compte Facebook, il dénonce "cet acharnement et cette mort programmée, prévue par les autorités judiciaires de Ghardaïa" qui ont mis Kamel Eddine Fekhar "en détention pour un dossier vide". "J'ai tiré la sonnette d'alarme, ça fait trois semaines que Kamel Eddine était détenu dans des conditions inhumaines au pavillon carcéral de l'hôpital de Ghardaïa; rien n'a été fait". Son client était en grève de la faim depuis son incarcération. 

Il a donc annoncé déposer plainte pour "non-assistance à personne en danger", et accuse les magistrats "qui ont ordonné la détention de Kamel Eddine Fekhar" et "l'ont laissé mourir en prison". Le personnel de l'hôpital de Ghardaïa l'a " très mal traité". De plus, il a indiqué tenir pour "responsables les autorités (algériennes) de l'intégrité physique des autres détenus".

Accusé d"atteintes aux institutions"

Libéré en juillet 2017, après avoir purgé deux ans de prison, notamment pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" et "trouble à l'ordre public", Kamel Eddine Fekhar avait, de nouveau, été arrêté le 31 mars. Depuis, il était en détention préventive à Ghardaïa, à environ 480 km au sud d'Alger, pour "atteintes aux institutions".  Me Salah Dabouz est lui-même inculpé depuis début avril de 14 chefs d'infraction - dont incitation à la haine ou la discrimination, atteinte à l'intégrité du territoire national, tentative de pression sur les juges - liées, selon lui, à ses critiques publiques des actions de la justice de Ghardaïa contre les militants mozabites.

La mort de Fekhar a suscité des appels à l'ouverture d'une enquête sur les circonstances de son décès. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) a réclamé "la vérité au sujet du décès" en détention de Kamel Eddine Fekhar qualifié de "prisonnier d'opinion" et exigé "que justice soit faite". Le Front des forces socialistes (FFS), plus ancien parti d'opposition en Algérie, a demandé que "toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce décès" qui "survient après plusieurs semaines de détention abusive et arbitraire dans des conditions insoutenables et inhumaines". 

"Il est mort parce qu’il voulait vivre libre"

Le parti a également exigé "la libération immédiate des autres détenus d'opinion". Organisation citoyenne, le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) a demandé "l'ouverture d’une d'enquête indépendante et transparente pour déterminer les circonstances de la mort de Kamel Eddine Fekhar". En décembre 2016, un journaliste algérien, Mohamed Tamalt, est décédé après trois mois de grève de la faim en prison, où il purgeait une peine de deux ans pour "offense au président de la République".

Dans les rues algériennes, plusieurs manifestants ont appelé à de nouveaux rassemblements. Certains, très affecté par cette mort qu'ils jugent "injuste" ont laissé exploser leurs émotions et leurs larmes. L'Algérie est le théâtre depuis le 22 février d'un mouvement de contestation inédit contre le régime, marqué notamment par des manifestations massives chaque vendredi. Le pacifisme est l'un des mots d'ordre de la contestation qui a déjà entraîné la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika, et les affrontements entre policiers et manifestants ont été très rares.

"Il est mort parce qu’il voulait vivre libre, dans un pays libre et digne de ses martyrs […] Dans un monde où il devient normal de mourir pour ses idées" a lancé l’écrivain Yasmina Khadra. "Plus personne ne doit mourir lorsque la révolution se veut pacifique. Plus personne ne doit se faire arrêter simplement parce qu’elle rejoint la marche salutaire de tout un peuple exemplaire de retenue et de présence d’esprit. "


La rédaction de TF1info

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