BILAN - Depuis 2005, la chancelière a réussi à faire du pays le moteur de l’Europe et le premier contributeur budgétaire de l’UE. Relativement puissante économiquement et stable dans ses institutions politiques, l’Allemagne doit maintenant se trouver un successeur et relever d'importants défis.
Les élections législatives qui se tiennent ce dimanche en Allemagne signent la fin d’une ère. Celle d’Angela Merkel, qui se retire de la vie politique après 16 ans au pouvoir et qui laissera la place d’ici à quelques semaines - le temps de constituer un gouvernement - à un nouveau chancelier. Par sa stature, Mutti, la "mère" des Allemands, a marqué l’histoire politique allemande, par la prudence et la stabilité qui la caractérisent. Angela Merkel, ou "l’incarnation de la force tranquille", résume Isabelle Bourgeois, spécialiste de l’Allemagne et rédactrice en chef de la revue Regards sur l’économie allemande.
2015, "une couleuvre à sa famille politique"
Si la prudence affichée par la chancelière a pu être taxée de passivité par certains commentateurs, sa politique inscrite dans la continuité des réformes du social-démocrate Gerhard Schröder a apporté à l’Allemagne une place de choix dans l’Europe actuelle. Par exemple, la fermeté dont a fait preuve la chancelière lors de la crise des réfugiés restera dans les annales. À l'automne 2015, alors que des centaines de milliers de réfugiés syriens empruntent la route des Balkans vers l’Europe de l’Ouest, Angela Merkel décide envers et contre tous d’accorder l’asile à 900.000 personnes. "Ouvrir les frontières et accueillir un million de réfugiés, c’est une sacrée prise de risque politique. Elle a donné l’exemple à plusieurs de ses voisins européens. À l’époque, elle a dit ‘on va y arriver !’", se souvient Dorotha Dakowska, professeure à Sciences Po Aix et experte en politique étrangère allemande. Une mesure qui lui vaudra d’être surnommée avec ironie "Mère Angela" par le magazine Der Spiegel, une allusion à mère Teresa.
En réalité, cette décision a fragilisé la chancelière. Connue pour dialoguer avant d’agir, Angela Merkel a surpris en consultant à peine ses partenaires européens et son parti, la CDU, en amont. "C’est une grande couleuvre qu’elle a fait avaler à sa famille politique, qui était favorable au système de quotas", abonde Elisa Goudin, professeure à la Sorbonne et spécialiste de l’Allemagne contemporaine. Si l’Allemagne a été plus généreuse que ses voisins européens, cela s’explique aussi et surtout par son besoin accru de main d’œuvre. Compte tenu de son vieillissement démographique et de son taux de natalité encore bas, le pays est fortement dépendant de l’immigration. "Pour maintenir un taux de population stable, il faudrait que l’Allemagne accueille 300.000 migrants chaque année. Elle en accueille 100.000 aujourd’hui", calcule Elisa Goudin.
La crise démographique est d’envergure et pose des difficultés évidentes pour les salariés, qui doivent financer les retraites. "Le financement des retraites est un très vieux sujet qui s’est posé de manière aigüe au lendemain de l’unification, en 1990, où les Allemands de l’Ouest ont dû financer les retraites des Allemands de l’Est", rappelle Isabelle Bourgeois. Et voilà qu’en pleine campagne électorale, a surgi le débat de l’immigration : "Ces questions sont importantes pour l’avenir. Comment ménager une immigration économique ? Comment choisir les migrants qui viendront travailler en Allemagne et s’installer éventuellement ? Aujourd’hui, la plupart des réfugiés sont des femmes ou des enfants, qui ne sont pas la main d’œuvre qualifiée idéale".
Une politique loin du "quoi qu'il en coûte"
Mais avec des finances publiques relativement saines, l’économie allemande se porte bien et n’a pas été touchée de plein fouet par la crise sanitaire. Ce qui n’empêche pas les critiques vis-à-vis de sa politique d’austérité budgétaire, caractérisée notamment par un manque d’investissements dans les services publics. Depuis plus de 20 ans, toutes les régions ont ainsi réduit leurs dépenses, comme le démontre Le Monde dans des graphiques. "Même si on lui reproche un manque d’investissements dans les infrastructures, même si l’administration n’est pas assez informatisée, et même si le problème démographique arrive plus tôt qu’en France, l’Allemagne a la capacité d’innover, ce qui est un gage de compétitivité", balaie Isabelle Bourgeois.
À ce jour, Berlin peut se targuer d’être le premier contributeur au budget de l’Union européenne et le quatrième à celui du Conseil de sécurité de l’ONU, alors même que le pays n’y est pas membre permanent. "Merkel a fait de l’homme malade de l’Europe qu’était l’Allemagne en 2005, le moteur de l’Europe", appuie Isabelle Bourgeois. "En 2005, il y avait 5 millions de chômeurs. Il y en avait 2,3 millions avant le Covid, selon l’office des statistiques." Et avec le statut de première puissance économique européenne, le pays pourrait être amené à s’imposer ailleurs. "L’Allemagne doit composer avec son nouveau statut de puissance, qui l’oblige à assumer davantage de responsabilités sur le plan économique, politique, mais également militaire - avec le retrait des troupes américaines d’Afghanistan qui participe d’une réorientation de la politique allemande de sécurité", considère ainsi l’institut Montaigne, dans un article publié à l’approche des législatives.
Mais rien n’est garanti vu le peu d’engagement pris par le gouvernement dans la plupart des conflits internationaux, d’après Dorotha Dakowska : "Il y a eu beaucoup de réticences de la part de l’Allemagne à envoyer des forces de combat. Sa politique étrangère est marquée par une forte stabilité et une forte prudence". En attendant, rien n’est joué non plus dans le scrutin de dimanche, qui s’annonce très serré. Trois candidats sont sérieusement considérés pour succéder à Angela Merkel : Armin Laschet pour les conservateurs, Olaf Scholz pour les sociaux-démocrates et Annalena Baerbock au nom des écologistes. La chancelière sur le départ vient tout juste d'appeler à voter pour Armin Laschet... Au nom de la stabilité.
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