TOLLÉ - Twitter a supprimé un message de Mahathir Mohamad, posté jeudi 29 octobre dans lequel il concluait que les musulmans avaient le droit "de tuer des millions de Français".
Un long argumentaire, conclu sur un message sinistre. Dans une série de tweets, l'ancien dirigeant malaisien Mahathir Mohamad, a fait part de ses considérations autour du conflit larvé qui oppose la France à une partie du monde musulman depuis la mort de Samuel Paty. S'il désapprouve l'assassinat de l'enseignant, il a dit comprendre la colère des musulmans qui avait pu pousser à ce passage à l'acte, terminant son propos en considérant que "les musulmans ont le droit de tuer des Français". Un raisonnement qui a provoqué de nombreux signalements. Et poussé le gouvernement à réagir.
Un "appel au crime"
Dans ce long texte en anglais, celui qui a occupé à deux reprises le fauteuil de Premier ministre pendant une durée cumulée de 24 ans, débute en commentant l'attaque qui a visé un professeur d'un collège de Conflans-Sainte-Honorine, décapité après un cours sur la liberté d'expression. Sans condamner explicitement cet acte, sur ce compte suivi par 1,3 millions de personnes, il explique qu'il ne pourrait "pas l'approuver en tant que musulman". Mais pour aussitôt nuancer sa désapprobation en estimant que la liberté d'expression n'inclut pas "les insultes à l'égard d'autrui". Et poursuit en analysant l'influence de ce qu'il décrit comme "les valeurs occidentales" sur les société musulmanes, notamment le style vestimentaire.
Le ton se durcit. Cet "Occident" est vu comme un ennemi qui tente "d'imposer" sa vision du monde et de la démocratie "en force à d'autres civilisations". "En faisant ça, il leur enlève leur liberté", estime-t-il, avant de s'en prendre nommément à Emmanuel Macron et à son soutien aux caricatures du prophète Mahomet. A ses yeux, le président de la République "ne montre pas qu'il est civilisé" quand il promet de ne pas renoncer à cette tradition française au nom de la liberté d'expression. "Il est très primitif lorsqu'il blâme la religion musulmane et les musulmans pour le meurtre d'un enseignant insultant."
C'est là que la bascule opère. Et que l'ancien dirigeant de 95 ans entre dans ce que le gouvernement a décrit comme un "appel au crime". Celui qui fut Premier ministre de Malaisie, pays à majorité musulmane, jusqu'à la chute de son gouvernement en février, justifie tout bonnement les attaques qui visent des Français. Faisant référence au passé colonial du pays, il note d'abord qu'"au cours de leur histoire, les Français ont tué des millions de gens. Beaucoup étaient musulmans". Et dans le douzième de ces treize tweets, il écrit : "Les musulmans ont le droit d'être en colère et de tuer des millions de Français pour les massacres du passé."
L'ancien élu, auteur dans le passé de déclarations controversées sur les juifs et les homosexuels, finit son raisonnement en assurant que, malgré ce qu'il considère comme une colère légitime, "les musulmans n'ont pas appliqué la loi du Talion œil pour œil", invitant les Français à ne pas le faire non plus. "Ils devraient au contraire enseigner à leur peuple à respecter les sensibilités des autres".
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Un texte qui a évidemment suscité un tollé sur le réseau social. Cédric O, qui n'y voit ni plus ni moins qu'un "appel au crime", dit s'être entretenu avec le chef de Twitter France. Le secrétaire d'Etat au Numérique a donc exigé la suspension du compte sur Twitter, qui "ne saurait se rendre complice" de ce délit. Suite aux nombreux signalements, le réseau social a, dans un premier temps, masqué le douzième message, le plus problématique, avertissant qu'il avait "enfreint les Règles de Twitter relatives à la glorification de la violence". Tout en le laissant en ligne étant donné qu'il pouvait "présenter un intérêt pour le public".
Je viens de m’entretenir avec le Directeur Général de @TwitterFrance . J’ai exigé que le compte de @chedetofficial soit immédiatement suspendu. @Twitter ne saurait se rendre complice d’un appel au crime. — Cédric O (@cedric_o) October 29, 2020
Quelques heures plus tard, le tweet était masqué, puis supprimé. Cette analyse plus que polémique a fini par être supprimée sur la page Facebook de l'ancien dirigeant, mais était encore présente, en début de soirée, sur son blog.